Lutte contre le sida : après bien des déboires, Roche abandonne

Publié le 17 juillet 2008 sur OSIBouaké.org

Par François Mazet | Etudiant en journalisme | 16/07/2008 | 15H52

"Pas probants". C’est ainsi que Roche justifie sa décision de suspendre ses recherches en cours dans le domaine de la lutte contre le sida  . Pour le géant de Bâle, les deux molécules actuellement en essais pré-cliniques ne seraient "pas susceptibles d’apporter une innovation".

Roche continuera de vendre ses produits existants, et annonce un effort et une réorientation de ses capacités sur les hépatites B et C, ainsi qu’un transfert de technologies vers les pays du Sud.

Une décision stratégique majeure, mais qui ne suprend pas franchement les militants associatifs, s’agissant d’un acteur à la réputation peu fiable dans les milieux de la lulte contre le sida  . Directeur-adjoint de Aides, Emmanuel Trenado relativise cette annonce :

"C’est toujours une mauvaise nouvelle quand un gros laboratoire se désengage. Mais Roche a vécu une série d’échecs dans les médicaments anti-VIH  "

Tous ne sont pas aussi optimistes. Le président de Sidaction, Bertrand Audoin, a lui peur d’un possible "effet boule de neige", deux semaines avant la conférence mondiale contre le VIH  , qui se tiendra à Mexico. Il craint que "ce changement de stratégie n’annonce une rupture", et que les grands groupes pharmaceutiques "se concentrent encore davantage sur des maladies plus rentables". Laissant la recherche contre le sida   à des organismes publics, dont la pérennité et les financements sont aléatoires.

De nouvelles molécules prometteuses... mais rapidement dépassées

A la fin des années 80, Roche, comme ses concurrents, met au point une première génération de médicaments visant à lutter contre le sida  . Un produit "moins toléré et moins efficace, vite dépassé et retiré du marché", explique Emmanuel Trenado. La société va ensuite mettre au point le premier antiprotéase (qui empêche la contamination) en 1995, rapidement supplanté lui aussi.

Le groupe change alors de stratégie. Fini les recherches propres, place à l’achat de licences. Roche va connaître un succès avec le Virasept... qui sera par la suite provisoirement retiré, car contaminé par un produit chimique nocif.

En 2002, Roche achète à la start-up américaine Trimeris la licence du T20, un médicament commercialisé sous le nom de Fuzeon. Une avancée médicale majeure pour les patients touchés par l’échec médical des autres traitements.

Avec un coût de 1 500 euros par mois à sa sortie, le Fuzeon était vendu trois fois plus cher que les médicaments de même classe. Roche justifiait le prix de ce produit de niche par un besoin de financer la recherche. Avant de se voir concurrencé par des produits équivalents.

Pour Hugues Fischer, ancien président d’Act-Up et spécialiste de la recherche sur le sida  , le retrait est totalement conditionné par un choix financier :

"Franchement, on s’y attendait : Roche n’a jamais investi avec succès dans le VIH  , donc ce choix est issu d’une logique financière. Ils ont été malins pour trouver des bons produits, mais ils ont été bons pour tout planter.

"Ils ont été en avance, mais ils n’ont jamais su en profiter. Le pire, c’est qu’il y a un mois, j’ai rencontré des gens de chez Roche qui m’ont démenti ce qui était alors une rumeur persistante"

Roche préfère se recentrer sur des activités qu’il maitrise mieux

Pas très heureux dans la lutte contre le sida  , Roche a donc décidé de se contenter de vendre ses molécules déjà sur le marché, pour 100 millions d’euros par an. Avec en prime l’engagement de transferer un maximum de technologies vers des pays du Sud, où se trouve l’essentiel des 33,2 millions de malades recensés par Onusida  , l’agence des Nations Unies chargée de lutter contre cette infection.

Malgré tout, le retrait de Roche ne marque pas un désinterêt des laboratoires pour la lutte contre le VIH  . La recherche anti-sida   attire les géants et comme les petits du secteur : Merck, Pfitzer ou Glaxo ont apporté de nouvelles molécules dans un marché dynamique, où la recherche progresse rapidement.

Pour Emmanuel Trenado, "le départ de Roche est simple à comprendre : c’est un acteur économique qui n’est pas en position face à un marché concurrentiel". Hugues Fischer renchérit : "c’est un signal pour les bourses, pour dire aux investisseurs que Roche allait se reconcentrer sur ses activités les plus rénumératrices."

► Ajout le 16/7 à 18h23. Réaction de Bertrand Audoin, président de Sidaction.

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