Angola : La transmission intentionnelle du VIH doit-elle être un crime ?

Publié le 27 mai 2008 sur OSIBouaké.org

Luanda, 27 mai 2008 (Plusnews)

Des propositions de réforme du Code pénal angolais suscitent des débats contradictoires au sein de l’opinion publique dans le pays entre ceux qui pensent que les personnes séropositives qui infectent délibérément les autres doivent être punies et ceux qui s’y opposent.

La loi actuellement en discussion veut instaurer une peine de prison d’une durée de trois à 10 ans pour ceux qui transmettent volontairement des maladies infectieuses, y compris le VIH  .

Certains estiment que cette loi aura un rôle dissuasif. D’autres affirment qu’elle apportera davantage de problèmes que de solutions.

« La criminalisation va échouer. Cela va à l’encontre des droits humains et de la lutte contre la discrimination, et cela n’empêchera pas l’infection intentionnelle », a dit à IRIN/PlusNews Roberto Brandt Campos, un coordinateur du Programme commun des Nations Unies sur le sida  , ONUSIDA  , en Angola.

Dans un document publié en 2007, l’ONUSIDA   et l’Organisation mondiale de la santé ont exprimé publiquement leur objection à l’introduction d’une telle mesure où que ce soit dans le monde, estimant qu’il s’agissait d’une régression dans les efforts de prévention du VIH  .

Ce n’est pas la première fois qu’une telle loi est présentée en Angola. Le pays a introduit une législation en matière de VIH  /SIDA   en 2004, mais la disposition qui prévoyait de criminaliser l’infection intentionnelle au VIH   faisait partie des clauses qui n’avaient pas été incluses dans le texte.

La victime et le bourreau

Selon M. Campos, l’une des principales difficultés avec ce type de loi est de déterminer l’intention d’infecter. De son point de vue, prouver la transmission d’un individu à un autre est déjà difficile, et prouver que cette transmission était intentionnelle l’est encore davantage.

« Transmettre le virus par négligence est différent de le transmettre délibérément », a-t-il souligné.

Carolina Pinto, une activiste de l’organisation non gouvernementale Luta pela Vihda (Lutte pour la vie, en portugais), a estimé que ceux qui infectaient intentionnellement leur partenaire devraient être punis, mais a reconnu que la frontière entre la négligence et l’intention était ténue.

« Le faire intentionnellement est différent de ne pas le dire, mais ceux qui vivent avec le virus doivent accepter leur condition et protéger la vie de leur partenaire », a-t-elle dit, ajoutant que les deux partenaires devraient prendre la responsabilité de se protéger.

Mme Pinto, qui est séropositive, a cependant noté que certains comportements suggéraient une transmission délibérée. « Si cela arrive une fois, d’accord, mais si la personne continue à avoir des relations sexuelles non protégées en sachant qu’elle est infectée, je pense que c’est délibéré », a-t-elle dit à IRIN/PlusNews.

Dans les cas de transmission sexuelle, M. Campos s’est dit inquiet qu’une telle loi ne fasse qu’aggraver la perception désastreuse selon laquelle les personnes qui contractent le virus sont des victimes et ceux qui le leur transmettent sont des bourreaux.

« Il n’y a pas de telle victime, les gens sont responsables de leur propre vie », a dit M. Campos. « Le sexe est une relation à deux personnes, dans laquelle la responsabilité est obligatoirement partagée ».

Dans les cas de transmission de la mère à l’enfant, M. Campos a dit que la criminalisation pourrait créer un précédent incitant les enfants à traîner leurs parents en justice. Il a mentionné un cas en Floride, aux Etats-Unis, où un garçon avait poursuivi sa mère pour lui avoir transmis le VIH  .

« Les parents se sentiront menacés à l’idée de révéler leur condition. Tout cela alimente la chaîne de la stigmatisation et de la discrimination », a-t-il estimé.

Des conséquences non souhaitées

Dans un pays où les gens cachent souvent leur statut sérologique par peur du rejet, M. Campos a estimé que la criminalisation ne ferait qu’amplifier ces craintes.

Il a mentionné l’exemple d’une femme séropositive devenue activiste qui était apparue publiquement à la télévision. Les habitants de son voisinage ne voulaient pas que leur quartier soit montré dans le reportage télévisé.

« Avec un tel niveau de discrimination, comment peut-on espérer que quelqu’un ait le courage d’aller faire son test [de dépistage] et le révèle ensuite à son partenaire ? », a-t-il demandé.

Criminaliser la transmission intentionnelle pourrait également avoir pour effet indésirable de décourager le dépistage volontaire. « Les gens vont penser : s’il y a une loi qui dit que je vais être pénalisé, c’est mieux de ne pas connaître mon statut », a averti M. Campos.

António Coelho, directeur du Réseau des organisations de services sida   (ANASO), a estimé qu’une approche plus pragmatique des moyens de rompre la chaîne de transmission du VIH   était de conseiller les gens sur la manière de modifier leurs comportements.

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