Des échos d’adoptions illégales qui résonnent jusqu’au Congo

Et si l’affaire de l’Arche de Zoé n’avait rien d’exceptionnel ?

Publié le 6 novembre 2007 sur OSIBouaké.org

Maria Malagardis - Libération : mardi 6 novembre 2007

Et si l’affaire de l’Arche de Zoé n’avait rien d’exceptionnel ? Si ce n’était que l’épisode raté d’une mauvaise fiction qui se serait déjà jouée ailleurs en Afrique, de manière moins spectaculaire ? « Tout le monde sait que des cas semblables d’adoptions illégales ont déjà eu lieu dans des zones de conflits en Afrique », affirme Ibrahima Bakhoum, rédacteur en chef de l’Agence panafricaine, basée à Dakar. A la faveur du scandale tchadien, d’autres affaires pourraient sortir de l’ombre.

Comme au Congo, le seul pays d’Afrique à avoir brusquement décidé, le 1er novembre, de suspendre toutes les procédures d’adoption en cours. Et pour cause :« Au Congo, tout le monde a fait le lien entre l’Arche de Zoé et ce qui se passe chez nous ! Notre gouvernement ne sait plus comment cacher sa honte ! » s’exclame Loamba Moaké, joint par téléphone à Brazzaville. A la tête de l’Association sur les droits humains et l’univers carcéral (Adhuc), une ONG locale, il se bat depuis trois mois pour dénoncer un circuit d’adoptions aux pratiques curieuses entre le Congo et l’Espagne.

« Solidarité ». En août, un père de famille alerte l’Adhuc : deux ans auparavant, ce paysan du village d’Invoumba, à 125 km de Brazzaville, avait confié son fils de 20 mois à une parente éloignée, employée dans un orphelinat. Celle-ci affirmait pouvoir lui offrir un avenir meilleur dans la capitale. « Elle disait “que le petit irait à l’école, qu’il apprendrait le français et qu’il serait soigné et nourri”. Hélas, c’est un discours auquel sont sensibles les familles les plus pauvres ! Elles pensent simplement bénéficier de la grande solidarité africaine », explique Loamba Moké. Mais en échange de 250 000 francs CFA (environ 350 euros), la « parente » confie vite le petit Cherlin à un journaliste de la télé congolaise. Lequel effectuera les démarches pour l’Association pour l’adoption des enfants congolais (Adic), une ONG espagnole, aujourd’hui au cœur du scandale. Ce dernier éclate cet été, lorsque la mère biologique surgit à Brazzaville et demande des nouvelles de son fils. Surprise : l’enfant a été déclaré « abandonné », son nom de famille a été modifié, et il a désormais la nationalité espagnole ! Un fonctionnaire catalan se serait déjà porté candidat pour son adoption.

« Parente ». « Nous avons alerté le gouvernement, sans succès », explique Loamba Moké. Mais ses accusations, relayées par la presse locale, font vite émerger des affaires semblables. Notamment quatre cas d’enfants, tous devenus espagnols, en attente de départ pour l’Europe. Sans que les vrais parents, bien vivants, soient apparemment au courant. A chaque fois, on retrouve les mêmes protagonistes : la « parente éloignée » employée d’un orphelinat, le journaliste de la télé et bien sûr l’Adic. « Cette ONG est représentée sur place par trois magistrats congolais. Ils ont facilité les démarches d’adoption », note Loamba Moké, qui soupçonne la complicité « de tout un réseau au sein de l’Etat ».

Les familles ont décidé de porter plainte. Mais pour l’instant, elles ne peuvent toujours pas retrouver leurs enfants, devenus espagnols, et donc confiés à l’action sociale congolaise. « Combien y a-t-il d’autres cas ? C’est la question. Le Congo a connu la guerre. Et depuis la fin des combats en 1999, beaucoup d’autres parents n’ont pas retrouvé leurs enfants, confiés provisoirement à des orphelinats », constate Loamba Moké.

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