Logiques sorcières : quand les accusations s’emballent.

Enfants des rues et sorcellerie à Kinshasa. Un article inédit sur le blog

Publié le 1er octobre 2007 sur OSIBouaké.org

par Sandrine Dekens

  • Mots-clés : RDC, Kinshasa, Enfants des rues, Sorcellerie, Kongo, Ethnopsychiatrie
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Enfants des rues en Ouganda
© Photo Sven Torfinn/Irin -
  • Au retour d’une mission d’évaluation d’un programme de prise en charge des enfants des rues, mené par Médecins du Monde à Kinshasa, j’ai souhaité écrire cet article qui rassemble les éléments d’analyse de fond qui constituent le rapport de cette mission qui s’est déroulée en juin 2007. Dans la présente version, je dresse tout d’abord les grandes lignes d’une analyse de la situation de ces enfants à Kinshasa, en répondant à des questions simples : qui sont les enfants des rues, combien sont-ils, où vivent-ils et dans quelles conditions ? Pour clore cette première partie, sont évoquées quelques pistes pour comprendre les déterminants d’un phénomène d’une telle ampleur. Au centre de ces déterminants, se trouvent les accusations de sorcellerie qui concernent une forte proportion de ces enfants. Quelles que soient les explications données par les congolais à ce phénomène (authentiques soupçons de sorcellerie ou instrumentalisation de ces accusations par des familles pauvres qui cherchent à « se débarrasser » d’enfants surnuméraires), il m’est apparu important de ne pas se contenter de porter un regard extérieur et occidental sur un tel phénomène, et de le mettre en perspective en respectant la logique interne à la culture congolaise. Une telle ambition dépasse certainement le cadre de cet article, qui ne prétend pas à autre chose que d’ouvrir des pistes de réflexion... En me basant sur les nombreux travaux consacrés à ce phénomène, ainsi que sur l’expérience acquise lors de cette récente mission sur le terrain, j’essaie de montrer que les accusations sorcières à l’encontre des enfants sont la forme culturellement codée d’expression des malaises qui traversent une société congolaise en pleine mutation.

Parmi l’ensemble des références bibliographiques ayant contribué à l’écriture de cet article , je me suis largement inspirée des travaux d’anthropologues comme Filip De Boeck (sur les enfants sorciers) et Alcinda Honwana (sur les enfants soldats), d’ethnopsychiatres comme Tobie Nathan (sur la sorcellerie), Geneviève Nkoussou (sur le monde Kongo) et Françoise Sironi (sur le traumatisme et l’initiation), et de journalistes comme Aurore D’Haeyer (sur les enfants des rues de Kinshasa). Cette réflexion s’est également appuyée sur ma propre expérience de psychothérapies d’enfants congolais vivant en France de 2000 à 2006 (au Centre Georges Devereux, Saint-Denis). Pour poursuivre sur ce thème, les lecteurs sont également invités à approcher le phénomène par des thèmes connexes et à se reporter à la littérature concernant les enfants-soldats en RDC, les orphelins du sida  , les églises de réveil et autres sectes contemporaines, ainsi que la sorcellerie en Afrique Centrale.

I. Le phénomène des enfants des rues de Kinshasa : éléments d’analyse de leur situation

C’est lors du Forum d’Abidjan de 1985, que la présence alors émergeante de nombreux enfants vivant et travaillant dans les rues des grandes villes africaines est devenue une préoccupation pour les Etats, les Agences internationales et les ONG. La présence des enfants dans la rue est un phénomène qui touche particulièrement Kinshasa depuis les années 70, qui a pris de l’ampleur dans les années 80, pour véritablement exploser depuis les années 90.

Appelés « phaseurs » ou « shegues », les enfants des rues sont perçus à la fois un fléau et une menace sociale par les congolais. Soupçonnés d’être responsables de tous les maux d’une société à la recherche de boucs-émissaires, accusés de sorcellerie, les enfants des rues inspirent crainte, dégoût et rejet à la plupart des Kinois. Enfants libres, transgressant de nombreux tabous sociaux, provocateurs, insolents et agressifs, les shegues sont aussi des enfants vifs et résilients, souvent précoces, développant par nécessité une grande capacité d’adaptation et une créativité dans leurs stratégies de survie.

1. Combien sont les enfants des rues ?

A l’issue d’une enquête de 2 mois et d’un travail commun entre le REJEER (Réseau des Educateurs des Enfants et Jeunes de la Rue), l’UNICEF et le Ministère des Affaires Sociales congolais , 13 877 enfants âgés de 0 à 18 ans, vivant et travaillant dans les rues de Kinshasa, ont été recensés à la date du 7 octobre 2006. Ces enfants représentent 77% de la population kinoise de la rue qui s’élève au total à 18 098 personnes.

2. Qui sont les enfants des rues ?

Ce sont les enfants ayant entre 0 et 18 ans vivant (« enfants de la rue ») et/ou travaillant dans la rue (« enfants dans la rue »). A Kinshasa et contrairement à d’autres villes congolaises (Kasuku, 2006), le continuum d’âge entre les enfants et les adultes des rues est notable : ils sont 13 877 enfants de moins de 18 ans, et 15 684 si l’on considère les moins de 21 ans. Le groupe d’âge le plus représenté est constitué des 12-18 ans (69% ; n=9 454). Ensuite, la population des rues décroit progressivement pour devenir beaucoup plus faible à partir de 30 ans. Les moins de 5 ans représentent 5% (n=766) des EDR. Ce sont des enfants abandonnés, mais pour beaucoup des enfants nés dans la rue, dont les mères sont elles-mêmes des filles des rues. Cette deuxième génération de la rue est un phénomène en forte augmentation depuis quelques années, ce que soulignent les acteurs de terrain.

Les garçons représentent 73,65% (n=10 220) des enfants des rues et les filles 26,35% (n=3 657). Ce sex ratio se retrouve sans différence significative au fil des différents items du recensement (scolarité, durée de vie dans la rue, orphelins, etc.). Si 96,56% des enfants des rues sont congolais, la forte majorité des enfants (70%) ont un père originaire de Province, principalement des provinces dont l’accès à Kinshasa est facile (Bas-Congo 24,13% ; Bandundu 20,76% ; Equateur 16,61% ; Kasaï Oriental 11,15%). Ainsi, malgré le fait que la grande majorité des enfants (72,62%) sont nés à Kinshasa, leurs parents sont des migrants (quasiment exclusivement nationaux) qui ne bénéficient pas du soutien de la famille élargie. Les familles qui génèrent le plus d’enfants des rues vivent dans les communes les plus peuplées : 10,44% (n=1391) des enfants sont originaires de Masina, 9,9% (n=1375) de Kimbanseke, et 6% (n=833) de Limete. Si 17% (n=2250) des enfants n’ont jamais fréquenté l’école, ils sont 67% (n=8791) à avoir le niveau primaire, tandis que 13,3% (n=1743) ont le niveau secondaire. 62% (n=8 554) des enfants des rues ont déjà passé plus d’un an dans la rue, tandis qu’ils ne sont que 17% à y avoir passé moins d’un an.

Concernant le statut d’orphelin, 38% (n=5230) des enfants des rues sont orphelins de père, 38% (n=5255) sont orphelins de mère, tandis que 25,8% (n=3583) sont orphelins des deux parents. Dans cette dernière catégorie, ils sont 67,28% à avoir entre 12 et 18 ans. Aux dires des enfants, la cause du décès des parents, tant les pères que les mères, est la maladie à 80%. Presque 15% des enfants des rues présentent des signes de malnutrition (sont maigres ou ont un ventre ballonné). 76% ont déclaré faire deux ou trois repas par jour, tandis que 15,5% n’en font qu’un seul.

Concernant l’information sur le VIH  /SIDA  , les enfants des rues montrent un bon niveau d’information, probablement meilleur que celui des « belisi ». En effet, 48% des enfants des rues ayant entre 6 et 18 ans de Kinshasa ont déjà été sensibilisés sur le VIH  /SIDA  , parmi lesquels 35% se sont fait dépister volontairement, ce qui représente 18% de l’ensemble des enfants des rues. Les enfants ayant eu accès au dépistage sont 63% de garçons et 37% de filles.

3. Où vivent-ils ?

Les acteurs congolais désignent par milieu fermé, les centres dans lesquels vivent durablement les enfants en collectivité, en opposition au milieu dit ouvert que constitue la rue. Pour les enfants vivant dans la rue, il existe des centres ouverts, lieux d’accueil de jour, dans lesquels les enfants peuvent venir se laver, parfois dormir, manger et suivre des cours de rattrapage scolaire. Le recensement a identifié 578 sites dans lesquels vivent des enfants des rues, dont 84,5% (n=486) en milieu ouvert et 15,5% (n=92) en centres d’hébergement.

En terme de population, 5 communes de la ville comptent plus de 1000 enfants de la rue : Gombe (n=2 145), Barumbu (n=1453), Kalamu (n=1417), Mont Ngafula (n=1068), Masina (n=1067). La Gombe est le centre économique et administratif de la ville, c’est aussi là que vivent les expatriés et les personnes ayant le pouvoir économique de la ville, et c’est également là que se trouve le Beach de Kinshasa, lieu de transit et de commerce.

4. Quelles sont leurs conditions de vie et les risques auxquels ils sont confrontés ?

Un récent rapport de Human Rights Watch (2006) dresse un état des lieux exhaustif des conditions de vie des enfants des rues en RDC. Dans le cadre de cet article, j’en retiens les deux points fondamentaux : l’extrême dénuement matériel et l’exposition à une violence quotidienne. Privés de la protection des adultes et de soutien familial, ils n’ont pas d’accès à l’alimentation, au logement et aux soins médicaux. Vivant dans l’incertitude permanente, ils sont exposés à de nombreux risques et sont victimes de sévices sexuels, physiques et affectifs de la part des enfants plus âgés, des adultes des rues, et également d’autres adultes qui les maltraitent et les exploitent.

Les violences policières et militaires sont quotidiennes et prennent la forme de rafles et de recrutement pour participer à des manifestations politiques dans l’intention de provoquer des troubles à l’ordre public. Les représentants de l’autorité saisissent argent et vêtements des enfants des rues, ils les frappent, les menacent de leurs poings ou de morceaux de bois. Ils ont des relations sexuelles avec les filles des rues, parfois consenties contre une petite somme d’argent, mais pas toujours rémunérés (cas d’abus sexuels, de viols sous la menace d’un arme, etc.). La police se sert des enfants des rues comme espions, appâts ou pour participer à des cambriolages. Ils sont assimilés à des délinquants et font l’objet de mesures de rétention ou d’incarcération ordonnées par les autorités nationales aux fins de rétablir l’ordre et la sécurité. En attendant la refonte du droit pénal en cours, le vagabondage et la mendicité constituent des infractions. Des rafles peuvent ainsi être effectuées sur ordre du gouverneur de la Ville ou du Ministère de l’Intérieur. Ces arrestations arbitraires sous forme de rafles collectives sont très fréquentes et prennent pour prétexte des délits commis contre des notables ou autres. Lors des interrogatoires, les enfants sont violemment battus. Sur les enfants des rues actuellement recensés, 30% ont déjà été appréhendés par la police lors de rafles ou pour des cas de délits, 55% d’entre eux ont subi des maltraitances à cette occasion. Il semblerait à cet égard que l’élection il y a deux mois d’un nouveau gouverneur qui se déclare mieux disposé à l’égard des enfants des rues, puisse infléchir les brutalités policières dans les mois à venir. Raflés sans motif, les enfants sont emprisonnés avec des adultes, quelques heures ou quelques jours, puis relâchés. En 2006, une rafle a été organisée par les autorités, aboutissant à l’envoi de mineurs en « camp de travail » au Katanga. Très récemment lors des derniers évènements de mars 2007, des shegues ont été armés et vus sur des scènes de pillage.

Pour subvenir à leurs besoins quotidiens, les enfants des rues sont également exploités par les civils pour lesquels ils exercent des petites activités de survie (vendeur ambulant, mendiant, porteur, nettoyeur, etc.). Environ un tiers exercent simultanément plusieurs de ces occupations. Cependant à Kinshasa, certains enfants sont scolarisés ou en formation professionnelle, surtout les internes qui vivent en milieu fermé. Nous notons que la formation professionnelle ne concerne que 3,17% (n=427) du total des enfants des rues.

Patrick, 17 ans, s’est perdu dans le Beach alors qu’il était venu à Kinshasa pour accompagner son beau-frère qui allait y vendre du manioc. Ne retrouvant pas son beau-frère, dans l’impossibilité de rentrer dans sa province d’origine, il s’est retrouvé seul dans la rue où il vit. Il cherche à retourner au village, et pour cela, travaille comme porteur au marché. Il économise cet argent pour payer le transport.

Dans ce contexte de misère et de violence, les atteintes physiques sont particulièrement nombreuses et sévères : blessures à l’arme blanche, fractures, plaies, maladies (paludisme, fièvre typhoïde, IST, affections pulmonaires comme la tuberculose, etc.), parasites cutanés et capillaires sont les atteintes les plus fréquentes. Les enfants des rues consultent très tardivement, même face à des symptômes très douloureux et des plaies infectées. Globalement, les enfants des rues souffrent d’anémie, d’hypoglycémie (entraînant somnolence et limitation des ressources cognitives) et d’un retard de développement liés à la malnutrition, certains restants de très petite taille. De fait, les enfants sont largement dépourvus de l’accès aux services sociaux de base. Leur accès aux soins est très faible en partie à cause du manque de moyens financiers mais également à cause de la stigmatisation dont ils sont victimes de la part des professionnels de santé. Ainsi, dans le recensement, seuls 57% des enfants ayant été malades ont déclaré fréquenter les structures de santé (hôpital, dispensaire et centre de santé) pour se faire soigner, tandis que 29% ont recours à l’automédication et 10% consultent des tradipraticiens. Ce retard dans l’accès aux soins témoigne également de l’atteinte de l’estime de soi de ces enfants qui cohabite avec un sentiment d’invulnérabilité, ambivalence que l’on retrouve classiquement chez les survivants à un traumatisme.

Dans la rue, la sexualité est précoce et marquée par la violence. Les rapports sexuels contre argent, protection ou autres avantages en nature sont pratiqués par les filles, mais ils concernent aussi les jeunes garçons. La prostitution peut ainsi être plus ou moins informelle pour les plus jeunes, elle est systématisée pour les plus grandes filles. Les très fréquentes grossesses des mineures témoignent de cette omniprésence de la sexualité dans la vie de la rue. Ainsi, 16% (n=797) des 11-18 ans enquêtés ont déclaré avoir au moins un enfant, parmi lesquelles 59% de filles (n=467) et 41% de garçons (n=330). Dans l’enquête, 120 filles des rues âgées de 11 à 15 ans étaient déjà mères. Si 43% des bébés des enfants des rues sont confiés à la famille, ils sont 34% à vivre dans la rue avec leur parent, tandis que 13% sont morts, 5% en famille d’accueil et 4,3% sont placés.

Parfois homosexuelle, le plus souvent hétérosexuelle, la sexualité de la rue reflète les rapports sociaux d’autorité et de pouvoir entre les protagonistes : des plus âgés sur les plus jeunes, des hommes et des garçons sur les filles, des anciens de la rue sur les nouveaux, des plus riches sur les plus pauvres. C’est pourquoi elle est si souvent violente et pratiquée sous contrainte (viols). La latitude de négociation du préservatif qui en résulte est ainsi plus réduite que dans des rapports sociaux davantage égalitaires. La taille des préservatifs, conçus pour des adultes, est particulièrement inadaptée à la sexualité de ces enfants. A ce sujet, il a été rapporté que des petits garçons peuvent avoir recours à des sachets plastiques abandonnés dans l’espace public (souvent sales), pour se protéger des IST et du sida  . Les jeunes des rues ont fréquemment un partenaire sexuel régulier, en sus des occasionnels : les garçons des rues ont leur « femme », et les filles des rues ont leur « love ». Ils ont avec ce partenaire favori une relation affective plus investie, ce qui explique un moindre recours au préservatif dans les rapports sexuels, quand bien même ils utilisent des préservatifs avec leurs autres partenaires.

L’ensemble de ces caractéristiques entrant en synergie, elles contribuent à augmenter le risque d’exposition aux IST et au sida  .

5. Clinique du traumatisme

Dans un tel contexte traumatique d’exposition répétée à de multiples formes de violence, l’état psychologique des enfants est particulièrement dégradé. La souffrance psychique s’exprime à travers des comportements addictifs aux psychotropes (polytoxicomanie très fréquente à base d’alcool, chanvre et valium pour les plus fréquents), par des comportements violents autocentrés (automutilations) et plus fréquemment encore, projetés vers l’extérieur (bagarres, agressions, insultes, tension nerveuse, etc.). L’exposition à des traumatismes antérieurs développe parfois une appétence traumatophile chez les enfants, qui s’exprime dans leurs multiples comportements à risques des enfants des rues (automutilations, provocations violentes, sexualité à risque, situations à risque d’accidents, etc.). Menant une vie sans cesse exposée à la violence, les corps et la peau des enfants sont à l’image de leur enveloppe psychique, marqués par les nombreuses cicatrices de leurs blessures passées, parfois très spectaculaires chez de si jeunes gens. J’ai également été frappée de retrouver chez de nombreux enfants des rues une symptomatologie d’origine traumatique, tant sur le plan physique (céphalées, bégaiement, énurésie, etc.) que psychologique (émoussement affectif, cauchemars, irritabilité, colère, troubles de la concentration, du sommeil, etc.).

Timothée est un garçon qui paraît avoir huit ans, alors que les éducateurs du Centre Pekabo me disent qu’il en a probablement treize. Il a été trouvé par une dame sur le marché où il errait avec une « folle ». Elle l’a amené au centre. Comme il ne parlait pas et ne pouvait pas dire son nom, alors les éducateurs l’ont nommé Timothée. Je le rencontre alors qu’il vit dans le Centre depuis presque un an. Il parle maintenant, mais est souvent difficile à comprendre, invective beaucoup les autres enfants qui se plaisent à le taquiner. Il recherche souvent le contact d’adultes et leur demande de le défendre, le visage contracté, les yeux pleins de larmes... Mais lorsque personne ne s’intéresse à lui, il lui arrive aussi de provoquer ce qu’il aime à faire passer pour des taquineries. Souvent geignard, il est néanmoins une sorte de mascotte dans le Centre où il a tissé des liens affectifs avec les éducateurs et les autres enfants. Il semble à son aise dans son nouveau milieu. Au niveau physique, il souffre d’épilepsie et manifeste environ deux crises par mois, à date relativement fixe (début et fin de mois). Il est suivi dans un centre médical par un psychiatre qu’il voit une fois par mois et qui lui prescrit un traitement contre l’épilepsie. Chaque matin, après la crise, il devrait s’allonger et dormir, mais il est souvent dérangé par les autres enfants. Ainsi, la question du placement en institution spécialisée pour enfants déficients est-elle débattue dans l’équipe éducative. Très rapidement, je m’aperçois que sa posture et sa motricité sont particulières : légèrement courbé en avant lorsqu’il marche, les bras ballants, ses mouvements sont lents. Je note une motricité préférentielle à gauche, et m’interroge sur l’étiologie possible de ce rapide aperçu clinique : les troubles sont-ils d’origine physiologique (séquelles de l’épilepsie ou autre affection comme une méningite) ou psychologique (post-trauma infantile) ?

Les enfants sont rassemblés pour participer à un groupe de parole que j’anime, au sujet de la vie dans le Centre qui les accueille. Timothée assiste au groupe, l’air endormi, tout sortant ponctuellement de sa torpeur pour lancer une phrase en lingala, dont je demande la traduction. Alors que nous parlons des douches, Timothée déclare : Maï ébélé ! (trad. : Beaucoup d’eau !), ma laissant supposer qu’il entend et suit nos échanges. Lorsque je demande aux enfants quels sont ceux qui voudraient rentrer en famille, il lève la main lentement, déclenchant les rires des participants et une forte émotion chez moi... A la fin du groupe de parole, les babouches sont offertes aux enfants. Timothée semble particulièrement ravi de ses babouches, il sourit largement. Puis il semble s’apercevoir que les autres ont également des babouches et il crie : « Vous avez tous eu vos babouches. Il ne faut pas m’en vouloir ! ». Il répète plusieurs fois cette phrase.

Il est possible de poser un certain nombre d’hypothèses cliniques sur les événements qu’a traversé Timothée, en particulier en relevant la prégnance du vécu persécutif. Il semble constamment chercher une protection de l’adulte contre des assaillants... Est-il l’enfant de cette femme « folle » avec lequel il a été trouvé ? Est-ce un bébé de la rue, qui aurait grandi aux côtés d’une mère psychotique ? Sa petite taille, ses crises d’épilepsie ont-elles provoquées des accusations de sorcellerie contre lui ? A-t-il été soupçonné, maltraité, lynché comme cela arrive aux enfants accusés de sorcellerie à Kin ? A-t-il fait de mauvaises rencontres depuis qu’il est à la rue ? Son état traumatique à l’arrivée au Centre laisse à penser qu’il a probablement vécu tout cela.

6. Quels sont les déterminants du phénomène ?

Il semble impossible de lister exhaustivement l’ensemble des co-facteurs qui entrent en synergie pour produire un phénomène d’une telle ampleur. Aucun des déterminants cités dans cet article ne peut suffire à lui seul à l’expliquer, tant il est le fruit d’une convergence de facteurs sociaux, politiques, économiques et culturels qui heurtent de plein fouet la population de Kinshasa. Depuis 20 ans, le conflit à l’Est et aux frontières du pays, les déplacements de population internes, le chômage endémique, la pauvreté généralisée, les maladies et les obstacles à l’accès aux soins, les frais de scolarité prohibitifs expliquent pour majeure partie l’ampleur du phénomène.

Nathalie a 20 ans, elle est venue de Lumumbashi à Kinshasa avec son mari militaire. Ils vivaient au camp de Tshatshi. Son mari a été envoyé au front, elle est restée seule avec des jumelles de 3 mois. Sans nouvelles de lui, elle a fini par devoir quitter le camp, et a été hébergée dans une structure d’Enfants du Monde. Suite à la fermeture de ce Centre, elle a été hébergée chez une dame de bonne volonté. Le mari de celle-ci l’a violée, elle a été chassée est se trouve maintenant à la rue avec les jumelles. Elle veut rejoindre sa famille à Lumumbashi.

Les enfants des rues peuvent ainsi avoir été abandonnés par leur famille, jetés à la rue, rendus orphelins, ou partir d’eux-mêmes tenter l’aventure de la rue lorsqu’ils s’aperçoivent que leurs parents ne peuvent assumer la charge financière qu’ils représentent (frais de scolarisation, soins, vêtements, etc.). C’est ainsi que certains continuent de surveiller leur famille du coin de l’œil, ou plutôt du coin de la rue.

Trésor voit un rameau accroché à la porte de la parcelle familiale et dit à une éducatrice : « Ce doit être un deuil... est-ce que tu peux aller voir qui est mort ? ».

Deux facteurs s’ajoutent à cela et s’alimentent l’un et l’autre : l’impact du VIH  /SIDA   sur les familles et les enfants affectés et/ou infectés par le virus, et les accusations de sorcellerie et les mauvais traitements qui y sont associés. La spécificité culturelle des accusations de sorcellerie fait l’objet de la seconde partie de cet article, en tant qu’elle accentue le phénomène des enfants des rues et rend la réintégration familiale particulièrement complexe. Ces accusations sont indiscutablement liées à la mort des parents pour cause de sida  , maladie dont l’étiologie traditionnelle est elle aussi la sorcellerie . Faisant face à des deuils à répétition, les familles dévastées par le sida   mobilisent alors une explication étiologique fortement ancrée culturellement.

Blandine a 5 ans, elle est accueillie au Centre Yauma depuis 6 mois. Peu après sa naissance, sa mère est décédée du sida   et c’est sa tante maternelle qui l’a recueillie. Son père, mécanicien, est tombé malade et a perdu son emploi dans le garage où il travaillait. Il est finalement mort du sida   alors que Blandine avait 3 ans, quelques mois avant que sa tante ne meure à son tour de la même maladie. Les accusations contre l’enfant ont commencé à être proférées par la famille paternelle. La grand-mère maternelle de Blandine s’est alors occupée d’elle malgré la vieillesse, avant de mourir à son tour. Blandine a un comportement étrange, qui attire les soupçons de sorcellerie : elle urine au lit, refuse parfois de s’alimenter et ne parle pas beaucoup. Elle semble renfermée sur elle-même. Conduite à l’église du Réveil, le Pasteur n’a pas tardé à découvrir que Blandine est un ndoki et c’est ainsi que Blandine se retrouve dans la rue, abandonnée par une famille décimée par le sida  .

Il paraît important de souligner une autre caractéristique culturelle de Kinshasa : en Afrique Centrale, les liens affectifs entre parents et enfants s’expriment préférentiellement sur un versant matériel. C’est en offrant à l’enfant de bonnes conditions de vie, des vêtements, des loisirs, des études, en le nourrissant bien, que l’amour des parents s’exprime et permet à l’enfant de se sentir « à l’aise » à la maison. Lors du groupe de parole réalisé pendant la mission avec des enfants qui avaient été réinsérés en famille, je leur ai demandé d’évoquer le plaisir des retrouvailles avec leur famille : tous se souvenaient du plat de poulet spécialement préparé pour eux, du casier de boissons sucrées offert par leur mère, des nouveaux vêtements qui les attendaient ce jour-là... Comme autant démonstrations de l’amour de leurs parents. Alors, dans les familles frappées par la misère, lorsque le soin matériel disparaît, l’enfant est en situation de douter de l’amour que lui portent ses parents... C’est ainsi qu’au Congo, la misère joue un rôle très profond de déliaison affective des familles.

Cependant malgré la violence, la vie dans la rue est également un espace de socialisation qui offre des avantages aux enfants qui y vivent : ils y trouvent une grande liberté, de nombreux amis, et un sentiment d’appartenance d’autant plus fort que le nombre des enfants des rues est important à Kinshasa, c’est dans ce nouveau groupe que l’enfant acquiert une nouvelle identité . La dimension initiatique du parcours des enfants des rues est fondamentale pour comprendre et traiter le phénomène, c’est pourquoi elle est développée dans la partie II.3.a. de cet article.

II. Intrication de l’enfance, de la vie dans la rue et de la sorcellerie : Comment en sommes-nous arrivés là ?

En Afrique, les systèmes sorciers sont des matrices interprétatives permettant de comprendre et d’expliquer le monde, en particulier ses désordres (maladies, perte d’emploi, infidélités conjugales, décès etc.). A l’inverse de la psychanalyse occidentale qui internalise les causalités, et ce faisant produit de la culpabilité, la sorcellerie africaine externalise les explications étiologiques, produisant quant à elle des accusations. L’internalisation des causalités consiste à rechercher en soi les raisons d’un désordre (ex : je suis au chômage car j’ai le désir inconscient de l’être), tandis que l’externalisation conduit à les attribuer à des facteurs extérieurs (ex : je suis au chômage car mon oncle jaloux m’attaque en sorcellerie).

Toute théorie étiologique a une fonction régulatrice des rapports à soi et des relations sociales. Alors que les théories psychologiques occidentales sont centrées sur les rapports des individus à eux-mêmes (prédominance de l’individualisme), les étiologies sorcières s’intéressent en premier lieu aux rapports sociaux, ayant pour effet de lier fortement les personnes les unes aux autres (prédominance du collectif). La sorcellerie a une fonction de régulation des liens sociaux et de maintien de la cohésion du groupe. Traditionnellement, elle repère les écarts à la norme sociale, en permet l’interprétation (construction du sens) et établit les procédures pour les traiter. La logique de l’accusation est le plus souvent le traitement et la réintégration de l’individu dans le groupe, plus rarement l’exclusion du groupe.

Cette seconde partie de l’article s’intéresse à la sorcellerie congolaise, en particulier à la sorcellerie Kongo, qui fournit son modèle aux accusations sorcières que l’on retrouve à Kinshasa. Elle a pour objectif de souligner les logiques qui sous-tendent ces accusations, ainsi que leurs effets, en regardant de plus près celles qui concernent les enfants dans le contexte urbain de Kinshasa. Le détour par les logiques sorcières implicitement véhiculées par la culture permettra de mettre en lumière le passage d’une sorcellerie traditionnelle à l’épidémie d’accusations en milieu urbain révèle les mutations sociales qui traversent le Congo.

1. Le kindoki chez les bakongos : J’ai mangé tous mes enfants... et alors ?

Les bakongos vivent sur la côte de l’océan Atlantique de l’Afrique, de Pointe-Noire (République du Congo) jusqu’à Luanda (Angola) au sud, et jusque dans la province du Bandundu (République démocratique du Congo) au Nord. Ils sont matrilinéaires, ce qui signifie que les enfants appartiennent à la lignée maternelle et que les neveux héritent de leur oncle maternel. Les pères biologiques ont un rôle éducatif et affectif auprès de leurs enfants, mais sont soumis au contrôle social de la famille de leur femme, tandis qu’ils exercent leur pouvoir d’autorité et de décision sur les enfants de leurs sœurs. Les kandas (lignages) sont dirigés par un mfumu a kanda (chef de famille, souvent un oncle aîné) dont le devoir est de maintenir la cohésion du groupe familial et de le protéger. Pour ce faire, il est dépositaire du ngandu, force vitale de la famille, et hérite de certains pouvoirs de « la nuit ». Dans cette région de l’Afrique Centrale, la sorcellerie la plus dangereuse se pratique sous forme cannibalique. On ne dit pas qu’on tue quelqu’un en sorcellerie, mais qu’on le « mange ». Selon cette théorie, il existe trois types de kindoki (sorcellerie) (Bukuasa, 1973) :

  • Une sorcellerie par nature : le ndoki (sorcier) est un être doté du kundu, « organe de sorcellerie » situé dans son ventre et transmis par la mère ou un autre adulte de la lignée. Ils peuvent aussi survenir spontanément dans une lignée ;
  • Une sorcellerie par technique : le pouvoir sorcier est acquis grâce à un nkisi (fétiche) ;
  • Une sorcellerie par contamination : quelqu’un croit manger du poisson ou de la viande, puis il apprend a posteriori qu’il s’agissait de chair humaine dans l’autre dimension. Il est devenu sorcier à son insu, et désormais contraint de payer la chair qu’il a mangée en tuant à son tour des personnes.

Les réseaux sorciers rassemblent des humains mus par la jalousie, la vengeance, ou l’ambition, qui sortent du groupe familial pour rejoindre un groupe antisocial. Les sorciers mènent une double existence : humains en apparence inoffensifs dans le « premier monde » (hommes d’affaires, fillettes, vieillards, etc.), ils poursuivent des activités malfaisantes la nuit dans leur « deuxième monde ». Ainsi, une sorcière qui a l’apparence d’une fillette âgée de 10 ans, est-elle mariée et a donné naissance à beaucoup d’enfants, ou elle peut se transformer la nuit en sirène Mami Wata. Marque de la rupture avec le monde des humains, ce qui caractérise le sorcier est l’absence d’affectivité, et plus largement des sentiments humains (ex : remords). Ainsi, les aveux et nombreux récits détaillés de sorciers repentis glacent le sang de ceux qui les écoutent, contribuant à alimenter le sentiment d’horreur à l’égard de la sorcellerie. Des enfants très jeunes peuvent ainsi raconter leurs méfaits (meurtres de parents par exemple) avec force détails morbides et un détachement affectif spectaculaire (De Boeck, 2000). L’activité sorcière est nocturne et secrète. Elle consiste à voyager sur un véhicule, qui a l’apparence d’un objet anodin (bout de bois, pelure de fruit, arachide, etc.) qui se transforme la nuit en une « limousine ». Dans le deuxième monde, des distances considérables sont franchies en un instant. En pleine nuit, une grand-mère sorcière vivant à Kinshasa, peut aller chercher son petit-fils à Paris pour l’emmener dans un cimetière congolais partager un festin cannibale dont la victime vit en Suisse. Classiquement, les sorciers dissimulent leurs méfaits derrière des diagnostics médicaux (sida  , cancer, diabète, etc.) ou des accidents. Ce qui est mangé lors des réunions sorcières et qui a l’apparence de chair dans le deuxième monde est en réalité la substance vitale de la personne. Il n’est pas rare de qualifier une victime de sorcellerie qui a l’air bien vivante de « déjà morte », ce qui signifie qu’elle a déjà été mangée. Le pouvoir sorcier qu’il soit acquis intentionnellement ou par contamination, se nourrit de chair humaine. Ainsi le sorcier gagne un pouvoir diurne (réussite sociale, pouvoir politique, gains d’argent, de propriétés, postes prestigieux, etc.). En échange il s’engage à garder le secret sur son activité et celle des autres membres du groupe, et aussi à « donner » des humains. Ces sacrifices exercent une véritable contrainte sur le sorcier et lui sont régulièrement rappelés s’il rechigne à s’acquitter de sa dette, surtout lorsqu’il s’agit de donner son enfant préféré ou son frère chéri. Toute une génération d’enfants à venir peut ainsi être sacrifiée par une grand-mère sorcière. Le sorcier peut parfois également donner un membre (jambe, bras, etc.) ou un organe (œil, etc.), et il restera boiteux, borgne ou handicapé. Dans tous les cas, il est impossible de rompre le pacte, sous peine de s’exposer à la mort. Un sorcier qui passe aux aveux risque d’en mourir s’il n’est pas traité.

Le traitement de la sorcellerie est traditionnellement dévolu au nganga, maître du secret, pendant bien intentionné du sorcier, qui détient un pouvoir équivalent, à la différence que le nganga met ses « quatre z’yeux » au service de la communauté. Lorsqu’une famille est attaquée, une grande réunion est organisée sous son égide, lors de laquelle l’ensemble des membres de la kanda (lignage, famille) se rassemblent. Un procès en règle est mené (De Maximy, Baranger, De Maximy, 2000), qui doit conduire au fungululu a masumu (confession), aveux explicites du coupable. Les désaccords et jalousies sont mis à jour, des accusations sont proférées, les accusés doivent prouver leur bonne foi. Le mfumu a kanda est souvent le premier à être mis en cause, car « s’il n’est pas directement coupable de sorcellerie, il l’est tout de même de n’avoir pas su protéger » (Nathan, Lewertowski, 2001 : 70). Le nganga est à l’interface entre le monde visible dans lequel se situe la famille, et le monde invisible dans lequel agit le groupe sorcier qui l’infiltre. Des bindokila (invocations rituelles) sont faites et les suspects sont soumis à l’épreuve du Nkasa. Il s’agit de leur faire boire une préparation à base d’écorce de nkasa (arbre) qui conduit à la condamnation ou à l’acquittement de la personne soupçonnée (traitement ordalique). « Si elle veut être sauvée, elle doit avouer qu’elle a participé à l’activité de kindoki, renier à sa sorcellerie et demander pardon » . Alors le nganga-nkisi administre un antidote qui fait vomir. Une contre-sorcellerie peut également être faite au village d’origine de la kanda. Quoiqu’il en soit, il est important de noter qu’aucune personne ne peut se tirer d’affaire toute seule dans un tel système.

2. La logique sorcière : l’intelligence du système

Profondément individualiste, le sorcier menace le groupe qu’il attaque dans le monde invisible. L’intentionnalité négative est au centre de ses activités. De fait, la sorcellerie est une activité antisociale par excellence qui se pratique en groupe (réseaux sorciers), avec une hiérarchie forte de la figure de l’initiateur (celui qui donne à manger et transforme la personne en sorcier). Ainsi, tout le monde est un sorcier ou une victime en puissance. Un acte simple (manger) modifie brutalement tous les attachements : il délie instantanément les liens d’appartenance (parents, enfants, famille) et relie à un nouveau groupe jusqu’alors inconnu. Ces nouveaux liens sont aussitôt mis à l’épreuve par la contrainte à donner (tuer) des proches.

Dans les systèmes traditionnels, si tout le monde peut être considéré comme un sorcier potentiel, les attaques répondent cependant à des règles logiques. C’est ce qui fonde l’intelligence du système sorcier (Nathan, Lewertowski, 2001 : 85). Cette logique portée collectivement est active quelque soit le degré d’adhésion personnelle des individus aux étiologies sorcières.

  • La première attaque sorcière a un mobile : jalousie, ambition, rivalité, ambition, argent, chance, réussite, etc. Il est rare de rencontrer un sorcier dont l’action initiale était motivée uniquement par de la pure négativité, un simple désir de détruire sans raison préalable. Ainsi, un frère peut constater que son cadet qui vit en Europe ne lui envoie pas d’argent et le soupçonner de profiter seul de sa réussite, en oubliant ses obligations familiales. Cette supposition peut suffire à motiver une attaque sorcière, qui va fonctionner comme un rappel à l’ordre. Dans tous les cas, la victime doit s’interroger sur son comportement, car la sorcellerie, malgré des apparences antisociales, fonctionne comme un rappel à la règle sociale, elle sanctionne une transgression.
  • L’attaque sorcière vient d’un proche, la plus souvent de l’intérieur de la famille. En effet, l’attaque sorcière étant une attaque du lien, il est impossible d’attaquer quelqu’un avec lequel on n’a pas de liens familiaux et/ou sociaux. Plus l’attaque est sévère, plus le sorcier est susceptible d’être un proche de la victime. Cet aspect contribue à l’horreur qu’inspire la sorcellerie : comment concevoir qu’une mère, un oncle, puisse souhaiter la mort de son enfant ? Les règles de transmission de la sorcellerie au sein de la famille répondent à une logique complexe : dans le système bakongo (matrilinéaire), la sorcellerie est uniquement transmise au sein du matrilignage et le plus souvent par les femmes (mère, grand-mère). De plus, pour agir efficacement, le sorcier a besoin de pouvoir accéder à l’intimité de la personne (à ses substances corporelles : vêtements, sous-vêtements, cheveux, débris d’ongles, etc.), ce qui est rendu possible par la proximité avec la victime.
  • L’intentionnalité de l’attaque sorcière provient d’un adulte, souvent une personne dotée d’une autorité et de prestige au sein de la kanda. Nous avons vu que le mfumu a kanda, en tant que garant de la protection de la famille, est le premier soupçonné en cas de décès inexpliqués qui surviennent en série. Les personnes âgées (grands-mères, tantes, etc.) sont traditionnellement mises en cause dans les attaques.

Dans un tel système, les enfants du fait de leur innocence, sont des proies de choix pour les sorciers. Il est aisé de les amener à manger quelque chose qui a l’apparence d’une friandise ou d’un bon plat, c’est pourquoi l’éducation congolaise commence par l’apprentissage de la méfiance à l’égard de la nourriture offerte. Un enfant devenu sorcier « par contamination » est la première victime du sorcier qui va ensuite pouvoir l’instrumentaliser facilement et le faire travailler au service de son intention destructrice. Quant aux enfants nés avec le kundu, ils constituent en quelque sorte des « sorciers flottants » en quête d’initiateurs, et sont fréquemment ‘recrutés’ par des sorciers adultes. Ils sont également une ressource précieuse pour le traitement de la sorcellerie, car une fois traités et récupérés par le groupe, « leur force pourra contrecarrer celle des ndokis » (Nathan, Lewertowski, 2001 : 68).

3. De l’enfant sorcier à l’enfant dans la rue

Depuis quelques années, le phénomène des enfants vivant dans la rue suite à des accusations de sorcellerie a proliféré à Kinshasa. Les déterminants sociaux du processus de mise à la rue sont identifiés et présentés dans la première partie de ce texte : les familles sont frappées par la misère économique et peinent à assumer la charge quotidienne des enfants (alimentation, scolarité) ; les liens familiaux se disloquent du fait des déplacements de population (guerre, migration économique) ; de nombreux parents meurent du sida   et la spoliation des biens devient un enjeu familial qui, dans ce contexte de pauvreté généralisée, accroit l’instrumentalisation des accusations sorcières sur les veuves et les orphelins, etc.

Mais revenons à la dimension psychologique du phénomène et aux comportements des enfants accusés d’être des sorciers. L’accusation contre un enfant résulte toujours du rapprochement entre des événements survenus dans la vie de la famille (maladie, décès, divorce, etc.) et le comportement de l’enfant. Un enfant qui transgresse les règles sociales (désobéissance, déviances, insolence), et plus généralement qui est différent des autres par le physique (bossu, handicapé, etc.) ou le comportement (énurésie, vol, refus de se laver, mutisme, etc.) est exposé aux accusations. Les manifestations considérées habituellement comme psychopathologiques ou réactionnelles, comme un état dépressif ou l’absence d’émotion après un deuil, sont ici attribuées à la nature sorcière.

Actuellement à Kinshasa, dans un contexte d’acculturation lié à la migration, à la guerre (déplacements et traumatisme), aux décès prématurés des adultes les plus âgés (sida  , misère, etc.), les accusations ont pris une ampleur qui ne respecte plus la logique traditionnelle. Les enfants sorciers peuvent avoir été contaminés par n’importe quel inconnu, sans mobile fondé, à la sortie de l’école. L’accusation de sorcellerie peut être proférée par un voisin, un collègue, un pasteur. Certains parents trop pauvres, des marâtres insatisfaites, des frères et sœurs jaloux utilisent les accusations pour se débarrasser d’un enfant considéré comme encombrant et dont ils ne veulent/peuvent plus assumer la charge. L’accusation sorcière est alors une forme socialement acceptable pour justifier le rejet de l’enfant. Les traitements traditionnels des ngangas sont supplantés par les églises pentecôtistes et les mouvements apocalyptiques dont les pasteurs contribuent à attiser le phénomène (De Boeck, 2000). Les « traitements » proposés par les pasteurs des églises de réveil sont payants et s’apparentent à des maltraitances qui peuvent être très graves (isolement, jeûne, coups, brûlures, etc.) et conduire à la mort. Ces ‘néo-traitements’ (désenvoûtement, délivrance) offrent des points de convergence avec le traitement traditionnel du nganga (facile glissement de la figure du sorcier à celle du diable), mais la principale différence réside dans le fait qu’ils sont à base de prières et ne permettent pas d’extraire le kundu (organe de sorcellerie) situé dans le ventre du sorcier. Il semble alors que la superficialité du traitement ne puisse pas s’accompagner d’une réintégration familiale. C’est ainsi que les enfants sorciers de la mégapole kinoise sont destinés à devenir des enfants des rues. Seul-e-s quelques pasteurs et « mamans-prophétesses » osent les réunir sous leur toit, la force divine dont ils bénéficient les protégeant, ainsi que les autres pensionnaires.

Il arrive que les enfants avouent leurs crimes, spontanément ou sous la contrainte. De nombreux récits d’enfants kinois parcourent la littérature (De Boeck, 2000 ; D’Haeyer, 2004 ; Aguilar, 2005, etc.) et frappent par la froideur avec laquelle ils sont relatés par les protagonistes qui livrent des litanies de récits horrifiants. Les détails rapportés par les enfants, même très jeunes, dépassent la connaissance qu’ils pourraient avoir de telles pratiques. A Kinshasa, ces jeunes sorciers repentis sont souvent exhibés et leurs témoignages sollicités par les églises de réveil afin d’augmenter l’adhésion de la population à la réalité de la sorcellerie et surtout d’attiser la demande sociale de traitement. Puisque ce sont les mêmes pasteurs qui établissent le diagnostic et administrent le traitement, s’assurant ainsi d’une clientèle fidèle.

En France aussi, il arrive que des parents congolais poursuivis pour maltraitance sur leur enfant, justifient leurs actes en invoquant la sorcellerie de l’enfant. Il arrive également que l’enfant lui-même reconnaisse être un sorcier devant le juge des enfants (De Maximy, 2000). Lorsque cela arrive, une ordonnance judiciaire d’expertise ethnopsychiatrique est fréquente (Hounkpatin, Honikman, 2002 ; Honikman, 2001, Hounkpatin, 2000), et peut déboucher sur l’orientation de la famille vers une consultation spécialisée, lors de laquelle un médiateur resituera la logique des accusations. Geneviève Nkoussou, médiatrice ethnoclinicienne au Centre Georges Devereux, a recueilli le témoignage de Linette, 14 ans, arrivée de Kinshasa en France à l’âge de 10 ans, dont la tante est atteinte d’un cancer du cerveau :

« Ce n’est pas de ma faute si je sors la nuit. Cela a commencé quand j’étais au Zaïre. J’avais faim et j’ai demandé à ma grand’mère de me donner à manger. Elle a préparé les côtelettes d’agneau. Elle a gardé cette nourriture jusqu’au soir. Vers 20 heures elle m’a servi cette nourriture. Quand j’ai fini de manger, ma grand’mère m’a dit : « Tu viens de manger la viande d’un homme, c’est de la viande humaine. A partir de maintenant tu vas être un ndoki, je vais t’apprendre à voler comme un oiseau, je t’apprendrai à faire d’autres choses ». Les jours suivants j’ai commencé à voler de nuit avec ma grand-mère. Elle a initié beaucoup d’enfants de la famille. Pour le premier voyage, on est venu en France chez ma tante Laure. J’ai vu ma tante dans le lit avec son mari en train de dormir. J’ai la manche à houe que m’a donné ma grand-mère. Au moment de lui donner un kibota, coup violent qui fend la tête, ma tante qui dormait sur le dos s’est retournée et sur le côté gauche. J’ai raté le coup. Le bâton a effleuré sa tempe. Auparavant, je suis venue une fois chez ma tante Laure, j’ai pris son soutien-gorge de couleur blanche et mis le feu à son appartement. Mes tantes et mes oncles m’ont amené à l’église pour faire la délivrance. Lorsque je suis repartie à la maison ma grand-mère est venue la nuit me dire qu’elle était très fâchée que je sois partie dans cette église. Elle m’a donné un chat noir que j’ai mis dans le corps de tonton Fulgence. »

a. La rue et la sorcellerie : des parcours d’initiés

Les récits des sorciers repentis permettent d’établir des liens entre le fonctionnement des activités sorcières et la vie dans la rue, et également avec d’autres phénomènes modernes ayant une forte composante initiatique, comme le recrutement d’enfants soldats, la formation des guerriers, l’entrée dans une secte... Tous ces phénomènes sociaux partagent des caractéristiques initiatiques comme l’usage du trauma et de l’effraction psychique. Malgré la violence, la rue est un espace de socialisation dans lequel les enfants jouissent d’une grande liberté, de nombreux amis, et d’un sentiment d’appartenance d’autant plus fort que le nombre des enfants des rues est important à Kinshasa, c’est dans ce nouveau groupe que l’enfant acquiert une nouvelle identité, marquée fréquemment par un changement de nom. Il nous a été rapporté par une éducatrice kinoise que les enfants choisissent parfois d’adopter l’identité de leur cadet resté en famille, laissant penser que la rue constituerait pour eux une sorte de « deuxième monde », en référence au monde de l’envers du sorcier. Le parallèle est ainsi établi entre le monde sorcier et le monde de la rue, qui ont en commun la transgression des lois sociales. Entre misère, débrouille et insignes identitaires, l’allure des shegues les rend immédiatement identifiables par n’importe quel kinois.

Casimir a 14 ans, une coupe de cheveux originale présentant des dessins faits au rasoir sur son crâne ; Rodrigue a 13 ans, du vernis bicolore sur ses ongles et un tee-shirt crasseux dont l’encolure passée par la taille lui fait une jupe ; Ogune a 14 ans également, et des points dessinés au vernis rouge sur les avants bras. Ils sont en cours de rattrapage scolaire. Dans le fond de la classe, Petit JP chante « je m’appelle ndoki »...

On trouve dans les rues de Kinshasa, des enfants qui se rassemblent souvent en sous-groupes, structurés par les motifs qui les ont conduits à la rue : enfants sorciers, orphelins, « vrais » shegues, enfants démobilisés. Dans leurs armées nocturnes, les enfants-sorciers des rues se décernent eux-mêmes des grades, de ‘Sergent’ à ‘Général’, et chacun monte dans la hiérarchie chaque fois qu’il tue ou mange une victime. Pour pouvoir survivre dans la rue, l’enfant doit rompre avec les valeurs de sa vie d’avant qui ne sont plus fonctionnelles dans son nouvel environnement, pour en adopter de nouvelles. La nécessaire transformation est opérée par les traumatismes occasionnés par les enfants plus âgés qui sont aussi les plus violents et qui font figures d’initiateurs (rôle de la sexualité, bizutage). Ainsi, le monde de la rue est-il fortement hiérarchisé, structuré par l’âge et par la force. Cette « initiation » prend quelques mois à plusieurs années, ce qui explique que le retour en famille devienne de plus en plus difficile au fur et à mesure que l’enfant a duré dans la rue et que les attachements familiaux et sociaux du monde d’origine sont remplacés par d’autres attachements « négatifs » (drogue, leaders, groupe). Ainsi, la sorcellerie comme la rue, l’armée ou l’église, produisent une rupture des anciens attachements, et en établissent de nouveaux (et leur lot de contraintes vis-à-vis du groupe d’accueil). Ces initiations produisent une métamorphose identitaire de la personne qui peut être signée par un changement de nom. Cette transformation identitaire marquée par l’entrée dans un nouveau groupe (anti-) social répond au besoin fondamental de protection des enfants.

4. Des réseaux cachés qui menacent une société en mutation

En passant du monde traditionnel des villages à la mégapole congolaise, les accusations sorcières ont opéré un renversement de leurs cibles (des vieux aux jeunes), ainsi qu’une contamination sociale (de la famille à l’ensemble des relations). Selon De Boeck, les accusations actuelles transcendant toutes les divisions et différences de rang, de classe ou d’ethnie, et sont « à mettre en relation avec une profonde déstructuration/restructuration des catégories de la maternité, de la gérontocratie, de l’autorité et du champ familial lui-même ». Elles témoignent d’une véritable crise étiologique dans laquelle la sorcellerie, économie nocturne du désir, est « une des plus grandes voies d’accès à la ‘modernité’ ». Le statut social central des enfants dans la société congolaise, récent et ambivalent, « se cristallise autour de la figure du sorcier, qui est elle-même l’incarnation d’un imaginaire culturel de crise, à l’intersection des notions de pouvoir et de sexualité » (De Boeck, 2000).

a. Un conflit de génération

De part la pauvreté des familles et de la jeunesse de l’ensemble de la société, les enfants et les jeunes congolais ont pris depuis quelques années un poids social et économique au fil des événements politiques. Les enfants ont été recrutés par l’armée et les milices, ils en constituent actuellement l’effectif majoritaire. Les chefs militaires et politiques sont d’anciens kadogos (enfants soldats). Les jeunes, en particulier les garçons, occupent une place centrale dans l’économie des familles, et nombreux sont les adolescents devenus, de fait, chefs de ménage, parce que les parents sont décédés, malades ou au chômage. Les jeunes filles aspirent également à se libérer de la gérontocratie et à s’affranchir des vieilles contraintes hiérarchiques qui prévalent dans le contexte du lignage ou dans celui de la famille restreinte. Un désir d’indépendance naît dans cette jeunesse, qui se rassemble dans des groupes de prières ou des ‘écuries’ (groupes de solidarité), afin de se libérer du contrôle parental et d’autres relations basées sur la notion d’aînesse au sens large. De plus, ces dernières années, les médias ont fait un large écho aux affaires de sorcellerie (thème de feuilletons, retransmission télévisées d’aveux, etc.), contribuant à la visibilité sociale du phénomène. Le conflit de générations est ainsi illustré par les nouveaux discours et pratiques dans le champ de la sorcellerie, qui s’est fortement focalisé sur les enfants, les jeunes et les femmes. La sorcellerie est sortie de ses cadres traditionnels pour entrer dans la modernité, et elle ne représente plus une ouverture pour résoudre la crise.

En France aussi, comme nous l’avons souvent constaté dans notre pratique clinique, la modernité et ses conflits générationnels des familles congolaises, s’incarnent dans les mutations des accusations sorcières. Dans les consultations d’ethnopsychiatrie, un nombre important des jeunes filles congolaises portent des accusations d’abus sexuels contre leur oncle ou leur père. Le travail thérapeutique met souvent en évidence un conflit de l’adolescente avec son père ou sa belle-mère (pour une dispute, souvent sans gravité) et l’instrumentalisation intentionnelle de l’accusation, dans le but d’obtenir leur placement par les services sociaux français. Les « victimes » avouent avoir été informées par des copines de la fiabilité du stratagème. Il semblerait ainsi que, comme les enfants de Kinshasa qui peuvent se servir de leurs récits et de leur statut de « sorcier » pour régler certains comptes avec des membres de leur entourage, les enfants congolais de France se servent des accusations d’abus sexuels pour échapper au contrôle familial et fabriquer leur propre liberté. Le statut de l’enfant, qu’il soit « victime d’abus sexuel » ou « sorcier » le met en position de pouvoir, car son récit peut mettre gravement en cause des adultes (dénonciation de l’abuseur et de celui qui l’a fait « manger »). Ce rapprochement entre la sorcellerie (à Kinshasa) et les abus sexuels (à Paris), confirme la mutation du nouveau rôle de l’accusation dans la société congolaise et sa diaspora : elle devient un outil de déliaison du groupe d’origine dans une stratégie d’accès aux prétendus bénéfices de la ‘modernité’.

b. Sorcellerie et pédophilie : des modèles culturels pour nommer l’horreur

En France, l’horreur inspirée par la pédophilie occupe le même genre de place sociale que la sorcellerie au Congo. Certes, la différence majeure entre les deux phénomènes réside dans le fait que les victimes des pédophiles sont les enfants, tandis que comme sorciers, ces derniers sont auteurs de méfaits. Cependant, la pédophilie comme la sorcellerie présentent des points communs en cela qu’elles dépassent notre capacité de représentation, détruisent les âmes et les familles. Nombreux sont ceux qui préfèrent mettre en doute leur réalité. En tant que modèles culturels pour penser la monstruosité humaine, ces phénomènes produisent un empire du soupçon et un mécanisme de dénonciations, susceptible de s’emballer. Il existe dans les deux cas, un risque de dérives de la part d’enfants tout-puissants qui accusent et désignent des adultes qu’ils livrent à l’opprobre sociale (voir au lynchage), comme ce fut le cas en France dans la récente affaire d’Outreau . Ces phénomènes mettent tous deux en évidence la place centrale des enfants dans nos sociétés, où ils sont en position de toute-puissance : celle de dénoncer des adultes. Les témoignages d’enfants sorciers font les choux gras des médias locaux et africains. Doute et incrédulité cèdent place à l’horreur dans l’opinion publique, la volonté d’y mettre un terme, de désigner et punir les coupables envahissent peu à peu la raison : la lutte contre le phénomène devient une obsession collective. C’est ce genre d’emballement qui se produit à Kinshasa concernant la sorcellerie. En 2005, des enfants accusés de sorcellerie ont été torturés et tués par une foule paniquée et armée (armes blanches, pierres, barres de fer etc.) (MONUC, date).

III. Pour conclure

L’ampleur des accusations sorcières envers les enfants de Kinshasa et la mise à la rue des accusés, a fait émerger de nouvelles catégories d’acteurs, autrefois dénuées de pouvoir social, qui se trouvent aujourd’hui au centre d’un problème préoccupant l’ensemble de la société, ainsi que les organisations internationales. En règle générale, ces organisations abordent le problème des enfants-sorciers à Kinshasa comme un élément du problème humanitaire congolais, et négligent les implications culturelles de la question de la sorcellerie que nous avons exposées dans ce texte. Ainsi dans beaucoup de cas, la réintégration familiale reste difficile car les parents sont souvent trop effrayés pour accepter le retour à la maison d’un tel enfant.

J’espère avoir montré dans ce texte que la compréhension de la logique culturelle occupe une place déterminante pour prendre en charge ces enfants, tout en se situant à l’opposé d’une vision classique de l’enfant des rues, qui se réduirait à la condition de victime ayant besoin d’aide, étant donné les violences de toute nature (politique, économique, socioculturelle, psychologique, sexuelle) auquel il est exposé. Ce travail a été mené dans la perspective d’outiller une réflexion plus opérationnelle pour les programmes de prise en charge des enfants de la rue accusés de sorcellerie.

Fait à Paris, le 26 septembre 2007

Sandrine Dekens

Pour citer cet article :

Dekens, S., (2007), « Logiques sorcières : quand les accusations s’emballent. Enfants des rues et sorcellerie à Kinshasa », Blog OSI Bouaké, http://osibouake.org/article.php?id_article=754

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Audiovisuel

Reportage télévisé (2mn57s), « Enfants de Kinshasa », Journal de 20h, Antenne 2, Archives Ina, France, 18/04/1997. (Interview de Dieudonné Mualawala, directeur du centre de Pekabo sur le travail réalisé dans le centre pour les enfants et l’amour qu’il essaie de leur apporter. Robert M’Bala présente ces enfants abandonnés, obligés de mendier. Il s’entretient avec ceux-ci. Les enfants se reposent, jouant et mangeant dans le centre de Pekabo). http://www.ina.fr/archivespourtous/...

Film documentaire (23mn), « Shégués de Kinshasa » de Romain Masson, production et distribution Dominant 7, 2005. (Nous suivons les tribulations au quotidien d’un groupe d’enfants des rues aux abords du centre ville de Kinshasa, en RDC. Alertes, débrouillards et pleins d’énergie, ces enfants racontent avec leurs mots, leur histoire et évoquent leur parcours dans la rue. Le film d’attache à comprendre le processus qui a exclu ces enfants de leurs familles et évoque quelques-uns des problèmes auxquels ils sont confrontés, sans misérabilisme). http://www.tv5.org/TV5Site/enseigne...

Emission de radio, « La nouvelle stratégie du diable », émission du magazine Actuel, RTBF, Belgique, 28/01/2004. (Reportage sur les enfants sorciers de Kinshasa). http://www.fipa.tm.fr/programmes/?2...

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