Novartis perd contre les génériques

Le labo suisse est débouté dans son procès contre l’Office indien des brevets

Publié le 9 août 2007 sur OSIBouaké.org

(Libération, Par Christian Losson, mardi 7 août 2007)

C’est une petite "bombe aux répercussions internationales", comme le confie un haut responsable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS  ). Elle a été lâchée hier par la Haute Cour indienne de Chennai (ex-Madras) et vient éclairer d’un nouveau jour la bataille autour des droits de propriété intellectuelle sur les médicaments. Une victoire pour les ONG qui militent pour l’accès aux médicaments génériques face aux grands laboratoires. Le jugement assure en substance que, non, une firme pharmaceutique ne peut se prévaloir de l’exclusivité d’un nouveau brevet sur une molécule si elle consiste en une variation mineure d’une formulation précédente. Or le laboratoire suisse Novartis, numéro 3 mondial, estimait la législation indienne sur les brevets trop "souple", autrement dit trop laxiste envers les fabricants de génériques, qu’elle produit et exporte à grande échelle (Médecins sans frontières y achète par exemple 85 % de ses copies d’antirétroviraux), jouant le rôle de pharmacie des pays pauvres. Blockbuster. Dix ans après avoir intégré l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Inde a dû introduire une législation sur les brevets en 2005, conformément aux accords Adpic qui régissent la propriété intellectuelle liée au commerce. Mais l’Inde définit strictement les critères pour la délivrance d’un brevet autour de trois principes : la nouveauté, l’inventivité et l’application industrielle. L’Office des brevets a ainsi retoqué à un blockbuster de Novartis - le Glivec, un anticancéreux le droit de se prémunir d’un brevet, demande formulée en 1998 par le groupe Suisse. Motif : il ne serait qu’une copie à peine améliorée d’une même molécule tombée dans le domaine public. Qui pouvait donc être copiée. Et, surtout, accessible à 200 dollars mensuels au lieu des 2 600 dollars, tarif habituel du Glivec. Justifiant l’exclusivité au nom de la "recherche et du développement", Novartis a illico contesté en justice la décision de l’Office des brevets, avant de se faire débouter, une première fois en 2006, par la justice indienne. Et a fait appel en deux temps : contre le principe (la définition même de la nouveauté) et l’application (le fait, ou non, de pouvoir copier le Glivec). L’affaire a connu un retentissement planétaire, des ONG, comme MSF   ou Oxfam, lançant une pétition signée par 450 000 personnes contre les poursuites de Novartis. Pour les ONG et les associations de malades, l’enjeu était clair : si la justice donnait raison à Novartis, des millions de personnes ne pourraient plus accéder à des copies de pilules à bas prix. Reformulation. La décision de la Haute Cour de Chennai leur donne raison. Les juges se déclarent en effet incompétents pour décider si la loi indienne est conforme aux règles de l’OMC. Ajoutant, au passage, que Novartis n’était pas vraiment "novice" en matière de pharmacologie pour comprendre que l’acceptation d’un brevet "devait résulter d’un renforcement de l’efficacité connue d’une substance". Décision qui laisse entrevoir l’issue du procès en cours sur le Glivec. Désormais, les brevets ne seront pas qu’une affaire de reformulation. Bref, pas question de faire du neuf avec de l’ancien. Surtout, note un expert de l’OMS  , "cela montre que chaque pays a le droit de définir les critères de nouveauté pour attribuer un brevet". Plus de 10 000 médicaments attendent d’être brevetés, ou pas, par l’Office indien des brevets. Les ONG ne s’y trompent pas, qui saluent toutes "une victoire pour les patients avant celle des brevets". De son côté, Novartis, qui n’entend pas faire appel, l’assure : "Cette décision aura des conséquences négatives à long terme sur la recherche et le développement pour de meilleurs médicaments en Inde et ailleurs." Voire. Novartis se porte à merveille après avoir annoncé un bénéfice semestriel de 4,2 milliards de dollars, en hausse de 14 %.

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