Sida, des engagements non tenus

Article du quotidien L’Humanité, le 1er décembre 2006

Publié le 5 décembre 2006 sur OSIBouaké.org

Du fait de mises sous traitement insuffisantes, le virus, apparu il y a vingt-cinq ans, continue de tuer massivement : trois millions de morts par an.

D’échec en échec. En matière de lutte contre le sida  , les objectifs de la communauté internationale s’éloignent à mesure que les années passent. La journée mondiale dédiée à ce combat, célébrée aujourd’hui, n’échappe pas à ce triste constat. Plus de vingt-cinq ans après la découverte du virus VIH  , « on n’a jamais compté autant de personnes séropositives, jamais autant de morts du sida   », assène Emmanuel Chateau, coprésident d’Act Up Paris  . D’après le dernier rapport annuel de l’Onusida  , - publié la semaine dernière, 39,5 millions de personnes sont porteuses du virus. Et le bilan comptable s’affiche à la hausse comparé aux années suivantes. 11 000 personnes sont quotidiennement contaminées par le virus, en particulier chez les jeunes d’ex-URSS et d’Asie. « Tout le monde fait comme si cette épidémie est inévitable, dénonce le militant. Pourtant, c’est un problème politique. » Le slogan de l’Organisation mondiale de la santé (« Stop sida  , tenons notre promesse ») à l’adresse des pays riches le rappelle. Pour autant, l’agence onusienne prêche-t-elle dans le vide ? Le peu d’efforts des grandes puissances en la matière l’atteste.

Des médicaments toujours sous monopole Le premier renoncement tient en deux chiffres : « 3 by 5 ». Autrement dit : trois millions de malades des pays pauvres devaient être traités d’ici 2005. Les pays riches s’y étaient engagés devant l’ONU  . Bien avant l’échéance, on savait l’objectif hors de portée. Autre défi, autre promesse non tenue : l’accès universel aux traitements du sida   à l’horizon 2010. « On évalue qu’il manquera 13 milliards de dollars en 2007 » pour que ce contrat soit rempli, chiffre Emmanuel Chateau. La France, pour rester dans les clous des promesses, devrait augmenter de 780 millions d’euros sa contribution à l’effort mondial. Mais « la loi de finances pour 2007 ne comprend que 300 millions d’euros », déplore le coprésident d’Actup.

Dernier volet du défaussement des pays occidentaux : le 14 novembre 2001, la conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce, réunie à Doha (Qatar), adoptait une « déclaration sur la propriété intellectuelle et la santé ». Cet accord devait permettre aux pays en développement de contourner les monopoles liés aux brevets, en cas d’urgence sanitaire publique, pour assurer l’accès des populations aux médicaments. En d’autres termes, il s’agissait d’une autorisation à fabriquer des génériques, moins chers, à partir des molécules développées par l’industrie pharmaceutique. Cinq ans plus tard, 74 % des médicaments anti-sida   sont encore sous monopole et 77 % des Africains n’ont pas accès aux traitements antirétroviraux (ANR). « Vu le niveau actuel des prix, il ne fait aucun doute que le coût d’accès aux nouveaux médicaments signera la faillite des programmes de traitement et, malgré cela, les gouvernements, l’industrie pharmaceutique et les agences multilatérales sont loin de s’être activement attaqués à cette question », dénonce Tido von Schoen-Angerer, de Médecins sans frontières.

De fait, ni les firmes pharmaceutiques ni les pays riches n’ont joué le jeu du partage. À commencer par les États-Unis qui se sont attachés à contourner la déclaration de Doha en signant des accords bilatéraux sur le libre-échange avec les pays en développement. Ces accords interdisent à leurs - signataires d’avoir recours aux médicaments génériques. Hier, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, s’est adressé « aux citoyens du monde » et, surtout, à leurs - dirigeants : « La responsabilité exige que chaque président ou premier ministre, chaque parlementaire ou - politicien décide et déclare : "Le sida  , c’est mon affaire." » Que lui répondront-ils ?

Vincent Defait

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