Afrique : cinq ans après la déclaration de Doha, les ARV bon marché font toujours défaut

Publié le 24 novembre 2006 sur OSIBouaké.org

Johannesbourg, 24 novembre - Cinq ans après l’adoption d’un texte historique autorisant les Etats pauvres à copier des médicaments brevetés onéreux, la plupart des personnes séropositives vivant en Afrique n’a toujours pas accès à un traitement antirétroviral (ARV  ).

Il y a cinq ans, les Etats membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se réunissaient à Doha, la capitale du Qatar, et adoptaient à l’unanimité une « Déclaration sur la propriété intellectuelle et la santé », qui accorde aux pays en développement le droit de contourner les monopoles liés aux brevets afin d’assurer l’accès aux médicaments ARV   à leur population.

Les pays les plus pauvres ont ainsi la possibilité de se procurer des médicaments bon marché, à condition qu’ils soient de première génération : les prix des médicaments de deuxième ligne demeurent beaucoup trop prohibitifs, selon l’organisation médicale internationale Médecins sans frontières (MSF  ).

« Depuis la Déclaration de Doha, nombreux sont les pays à importer des versions génériques d’ARV   de première génération, en provenance de pays comme l’Inde. Mais nous risquons de nous retrouver vite à la case de départ car de plus en plus de patients ont besoin de suivre des traitements de deuxième génération très onéreux », a expliqué Ellen ’t Hoen, coordinatrice de la ‘Campagne pour l’accès aux médicaments essentiels’ (CAME) de MSF  .

Le prix des ARV   de deuxième intention comme le Kaletra est, en règle générale, 50 fois supérieur à celui des médicaments de première ligne. Ainsi, dans les pays à revenu intermédiaire, la mise sous traitement d’un patient revient à environ 5 000 dollars américains par an, un tarif prohibitif pour la très grande majorité des personnes vivant avec le sida   en Afrique.

Plus de 74 pour cent des ARV   de deuxième génération sont encore sous monopole, a déploré Ellen ’t Hoen, qui a exhorté la communauté internationale à « retrouver l’état d’esprit qui avait permis la Déclaration de Doha ».

A la fin des années 90, les pays en développement et les organisations de la société civile faisaient part de leurs inquiétudes face aux règles en matière de propriété intellectuelle introduites par l’accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), et leurs répercussions sur l’accès aux médicaments.

La société civile avait ainsi dénoncé des règles qui créaient des situations de monopole sur les médicaments vendus par les géants pharmaceutiques, provoquant l’adoption de la déclaration de Doha « sur l’accord sur les ADPIC et la santé publique » en novembre 2001.

Pour l’agence humanitaire internationale Oxfam, peu de choses ont changé depuis 2001 et un grand nombre de pays développés et de laboratoires pharmaceutiques ne respectent pas leurs engagements : les médicaments brevetés demeurent toujours hors de portée des patients des pays pauvres et les règles commerciales entravent toujours la fabrication d’ARV   génériques.

« Les pays riches ne respectent pas l’esprit de la Déclaration de Doha ... Bien que les statistiques concernant la situation sanitaire dans le monde soient peu réjouissantes, les Etats-Unis continuent de négocier des échanges commerciaux en appliquant des règles encore plus strictes, et entravent ainsi les efforts des pays en matière de protection de la santé publique », a dit Céline Charveriat, responsable de la campagne ‘Pour un commerce équitable’ d’Oxfam.

Elle craint que le durcissement des règles en matière de propriété intellectuelle n’ait des conséquences graves sur les pays qui se battent pour conserver un système de santé publique.

Afin d’éviter de retourner à la case de départ dans la lutte pour une réduction des prix des médicaments essentiels, Oxfam et MSF   ont exhorté les pays riches à tenir leurs engagements et à respecter la Déclaration de Doha.

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