Ne pas considérer les jeunes comme des bénéficiaires mais comme des acteurs clés

une interview de Rorigue Koffi de N’ZRAMA lors du colloque "Enfance et Sida"

Publié le 20 juin 2006 sur OSIBouaké.org

Orphelin à cause du sida  , Rodrigue Koffi préside N’Zrama, une association de jeunes affectés par la maladie, à Bouaké, en Côté d’Ivoire.

Comment vous êtes-vous impliqué dans la lutte contre le sida   ?

Après la mort de mon père, ma mère a été orientée pour une prise en charge vers le Centre de solidarité et d’action sociale de Bouaké. J’avais 11, 12 ans... Je voyais des posters qui parlaient du sida  . On me disait que ma mère avait une maladie ordinaire. Je suis allé voir l’assistante sociale pour connaître la vérité. Ma mère est morte en 2000. Je n’ai jamais osé lui dire que je savais. C’était une femme de caractère. Elle aurait cru que je prenais pitié chaque fois que je m’occupais d’elle. Tout de suite après sa mort, j’ai décidé de créer un groupe avec les autres enfants du Centre.

Quel type d’actions menez-vous ?

L’association s’appelle N’Zrama. Le but est de participer à la prise en charge par la communauté des enfants et jeunes vulnérables à cause du sida   pour réduire la stigmatisation et favoriser la réinsertion. Elle ne comprend que des bénévoles, des jeunes de 12 à 24 ans. Ce sont eux qui interviennent à domicile dans les quartiers ou à travers des séances collectives le mercredi. Une cellule filles a été mise en place avec des réunions et des activités (elles ont créé une équipe de football). Nous pensons qu’il ne faut pas considérer les jeunes comme des bénéficiaires mais comme des acteurs clés. Ils ont vécu le secret, ils ont entendu leur famille parler de sorcellerie, ils ont entendu les enseignants changer le ton de la voix pour parler de la maladie. Ils sont bien placés pour vouloir faire changer les choses. En informant les enfants, en essayant de faire changer les mentalités de leurs familles, nous pensons que la réponse au VIH   peut être plus durable, la prévention plus efficace, les soins plus suivis. Nous sommes 48 à occuper un poste à l’association. Mais entre janvier et avril de cette année, ce sont plus de 400 jeunes qui ont été touchés et qui sont amenés à leur tour à parler à d’autres.

Il paraît que vous voulez devenir psychologue ?

J’ai 20 ans. Je suis en terminale. Je vais peut-être faire du droit ou de la sociologie. J’ai été membre du parlement des enfants entre 99 et 2002 et je n’exclus pas de faire de la politique. Mais en effet la psychologie m’intéresse aussi. C’est le résultat d’une évolution : je voulais être médecin mais je me suis aperçu en discutant avec les enfants qu’ils en avaient gros sur le cœur. Je préfère m’impliquer dans la communauté plutôt que d’être un peu à distance, en blouse blanche.

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