Urgence pour les orphelins du sida

Publié le 2 juin 2006 sur OSIBouaké.org

Le sida   demeure un fléau meurtrier qui frappe en premier lieu les jeunes adultes. Dépouillant la société de son capital social, économique et humain, il troue inexorablement le tissu social, affaiblit les économies nationales et crée l’instabilité. La mort d’un adulte n’est pas la seule conséquence tragique de la pandémie. En effet, toutes les quinze secondes, le sida   tue un père ou une mère. Il y a plus de 15 millions d’orphelins du sida   dans le monde dont 12 millions en Afrique subsaharienne. Ils représentent une population d’enfants vulnérables condamnés à la précarité par la pandémie.

Le sida   a un impact économique dévastateur sur les communautés et hypothèque leur avenir en accroissant la misère et en brisant la vie des familles. Culturellement, en Afrique, quand une famille ne peut plus s’occuper de son enfant, ce sont ses proches parents qui le prennent en charge. Or, avec la paupérisation des sociétés les plus affectées et l’augmentation exponentielle du nombre d’orphelins et d’enfants vulnérables (OEV  ), la « famille élargie » ne fonctionne plus.

Cette capacité d’accueil est d’autant plus compromise que le sida   décime tous ceux qui sont essentiels au développement et à la protection des enfants (enseignants, personnel médical, etc.). Sans protection et livrés à eux-mêmes, ils sont des proies faciles pour toutes formes d’abus et de maltraitance. La malnutrition devient leur lot commun et l’éducation devient un luxe. Quand ils peuvent compter sur un soutien, les ressources sont si maigres qu’elles sont logiquement allouées aux besoins vitaux : alimentation et logement. Ils représentent aussi un grave problème de déstabilisation sociale et sécuritaire. En 2010, il y aura 100 millions d’enfants rendus orphelins ou vulnérables par la séropositivité de leurs parents.

Pour prendre à bras-le-corps le problème, il faut aussi bien développer les programmes de soutien aux OEV   que garantir l’accès aux traitements pour tous et donc pour les parents.

Il faut d’abord renforcer les capacités des familles et des communautés en mettant en place des programmes de prise en charge globale (activités génératrices de revenus, soutien nutritionnel, scolaire, médical, psychosocial et logistique) et en emmenant les bénéficiaires jusqu’à l’autonomie économique et sociale qui leur permettra de subvenir à leurs besoins et à ceux des OEV   dont ils ont la charge. Avec cet appui extérieur, la solidarité familiale peut continuer à jouer un rôle moteur dans la prise en charge des orphelins du sida  .

L’OMS   a fait de l’accès universel au traitement antirétroviral son objectif principal à l’horizon 2010. Médicaments et examens doivent être gratuits afin que les parents n’aient plus à choisir entre le paiement de leurs propres soins et le paiement des frais de scolarité de leurs enfants. Une attention particulière doit être portée aux soins des mères qui ont bénéficié d’une mesure de prévention de la transmission du VIH   de la mère à l’enfant (PTME  ). Un trop grand nombre d’entre elles sont perdues de vue par les systèmes de santé après la naissance de l’enfant. Tant et si bien que ces programmes de PTME  , s’ils parviennent à éviter que de nombreux nourrissons soient infectés par le VIH  , n’échappent pas toujours à l’accusation un peu violente d’être des « usines à orphelins ». Garantissons la survie des parents séropositifs pour prévenir l’augmentation incontrôlée du nombre d’orphelins.

Enfin il est primordial de renforcer les capacités de prise en charge médicale des enfants infectés par le VIH  . Ce volet accuse un retard important, même si des initiatives sont prises depuis peu pour simplifier et élargir l’accès au traitement antirétroviral des plus jeunes.

Beaucoup reste à faire pour mobiliser la communauté internationale. En juin, les gouvernements seront appelés à faire état de leurs progrès dans la réalisation des engagements pris lors de la session extraordinaire de l’assemblée générale des Nations unies consacrée au sida   en 2001. Or, à l’aube de l’examen des progrès accomplis, force est de constater que ces objectifs sont très loin d’être atteints. Tant l’action nationale que les soutiens internationaux sont encore clairement insuffisants pour faire face à cette crise mondiale.

Il est temps que toutes les organisations internationales, du FMI à la Banque mondiale, de la Commission européenne à tous les gouvernements, ensemble, décrètent l’état d’urgence en faveur des enfants vulnérables dont les orphelins du sida   sont la représentation la plus criante.

Par Julien Potet (Sidaction) et Christine Eggs (Association François-Xavier-Bayoud).

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