Thaïlande : Accord de libre échange avec les Etats-Unis

Un abandon de souveraineté qui risque de coûter cher aux malades

Publié le 12 janvier 2006 sur OSIBouaké.org

Article du Bangkok Post, par WILLIAM L. ALDIS - 9 janvier 2006

Cela pourrait devenir une question de vie ou de mort. La Thaïlande devrait bien réfléchir avant de décider d’abandonner sa souveraineté à l’OMC et l’accès aux médicaments bon marché, en échange d’un accord de libre échange FTA (Free Trade Access) avec les Etats Unis

Des représentants du commerce de Thaïlande et des Etats Unis se rencontrent à Chiang Mai pour un nouveau tour de négociations en vue d’arriver à un accord bilatéral de commerce libre FTA entre les deux pays. Au menu ils trouvent le sujet difficile et controversé des accords ADPIC et de ses implications pour l’accès à des médicaments vitaux et bon marché. Essayer de comprendre les méandres de ces discussions commerciales suffirait à endormir la plupart des gens. Mais les apparences sont trompeuses. Derrière le jargon technique et les entretiens à huis clos se trouve une réalité révélatrice : en jeux se trouvent les vies de centaines de milliers de Thaï et le futur de la Thaïlande si souvent louée pour son système de santé pour tous à "30 baht".

Si le résultat d’autres discussions bilatérales commerciales est simplement d’aller de l’avant, la Thaïlande pourrait vite se trouver en situation inconfortable. Des accords semblables ont été signés avec l’Australie, le Chili, le Maroc, Singapour, Bahrain et les pays d’Amérique Centrale. Tous contiennent des clauses les obligeant à resserrer leurs lois sur les droits de la protection intellectuelle au delà des normes habituellement admises dans le monde. A la surprise de nombreux observateurs, ces pays sont engagés au delà de la souplesse et des protections prévues par l’OMC en matière de droits de la propriété intellectuelle. Ces protections garantissent l’accès aux médicaments vitaux à des prix acceptables en autorisant les pays à produire ou à importer les versions les moins chères des médicaments essentiels.

Le mois dernier a eu lieu une rencontre entre des experts mondialement connus d’Argentine, d’Inde, de France, de la Malaisie, des Philippines, de Suisse, de Thaïlande, des Etats Unis et du Venezuela réunis à Bangkok pour deux jours d’entretiens sur ces sujets difficiles avec les autorités Thaï, des négociateurs en commerce international, des universitaires et des activistes. La réunion était organisée par l’agence du médicament de Thaïlande (Thaï Food and Drug Administration), la division du contrôle des maladies du Ministère de la Santé, l’université Chulalongkorn, l’ONUSIDA  , le PNUD et l’OMS  .

Ces experts ont exhorté le gouvernement Thaï de ne pas abandonner ses droits pour pouvoir bénéficier au maximum des possibilités des accords ADPIC de l’OMC et des dispositions de la déclaration de Doha.

Ils ont déclaré que la Thaïlande ne devrait pas être obligée d’accepter toute disposition "ADPIC Plus" comme celles acceptées dans d’autres accords bilatéraux de libre échange.

Ils ont suggérés que la Thaïlande s’inspire de la Malaisie en émettant des licences obligatoires (autorisant à fabriquer localement) pour des traitements du SIDA   de deuxième génération, comme autorisé par l’OMC. Ce qui permettra la fourniture à un coût acceptable de traitements du SIDA   aux patients qui inévitablement développent des résistances aux traitements de première génération.

Ils ont aussi recommandé que la Thaïlande garantisse la transparence des négociations. Les textes en discussion devraient être distribués à toutes les agences gouvernementales intéressées, à la société civile, aux entreprises du secteur privé, aux consommateurs et à tout autre partenaire. Tous ces groupes devraient être consultés avant de signer un accord final.

Les enjeux sont, il est vrai très élevés, surtout pour les 600.000 Thaïs porteurs du VIH   dont la survie dépendra de la disponibilité d’ARV   bon marché.

A l’heure actuelle, plus de 80.000 malades ont accès à ces traitements de survie grâce à la fourniture de génériques produits localement à bon marche, et la cible est d’atteindre 150.000 malades d’ici 2008. Il en résulte que la mortalité par le SIDA   a chuté de 79%.

La décision d’inclure le traitement du SIDA   dans le schéma de santé publique à "30 baht" est loué tout autour de la terre. C’est aussi une reconnaissance de l’engagement des entreprises Thaï en faveur du droit aux soins comme prévu par la constitution Thaï.

Mais cela veut aussi dire qu’on ne peut pas faire marche arrière. Comme les malades du SIDA   développent des résistances aux traitements de première génération un jour ou l’autre, le service de santé publique est moralement et légalement obligé de trouver des solutions garantissant l’accès aux traitements de deuxième et troisième génération pour garder en vie ces malades, quel qu’en soit le prix.

Ceci explique pourquoi tant d’experts et d’activistes s’inquiètent d’un accord Thaïlande - Etats Unis de libre échange. Des droits de la propriété intellectuelle limitatifs empêcheront la Thaïlande d’utiliser les capacités de production locale de génériques bon marché et le prix des traitements de deuxième génération, et de troisième génération aussi, s’en trouvera exorbitant.

Selon le taux de développement des résistances et d’expansion du programme, le coût annuel du programme de traitement du SIDA   pour le gouvernement Thaï passerait de 1 million de dollars US maintenant (1,5 milliards de bahts) à 13 millions de dollars US (20 milliards de bahts) d’ici moins de dix ans.

S’y ajouteront les autres maladies demandant des traitements de longues durées et la pression financière sur le budget national de santé deviendra insupportable.

L’abandon des dispositions de souplesse sur les droits de la propriété intellectuelle reconnus internationalement mettrait en danger la vie de centaines de milliers de citoyens Thaï et pousserait à la faillite le schéma en cours de la santé à "30 baht".

William L. Aldis, est un médecin travaillant pour l’OMS  .

—  Mike Palmedo Research and Web Consumer Project on Technology T =96 202-332-2670 F =96 202-332-2673 mpalmedo@cptech.org

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