Ouganda - Les « migrants de la nuit », l’enfance menacée

Une alerte lancée par Amnesty International

Publié le 29 novembre 2005 sur OSIBouaké.org

« Nous venons dans ce centre parce que j’ai peur d’être de nouveau enlevée. J’avais huit ans la première fois. Je ne veux pas que mes frères et sœurs subissent le même sort. Le soir, nous nous dépêchons de venir ici. »

À la tombée de la nuit, dans le nord de l’Ouganda, environ 30000 enfants quittent leur domicile pour passer la nuit en zone urbaine ou dans les principaux camps de personnes déplacées. Le phénomène des « migrants de la nuit » a commencé en 2003 : les enfants fuient essentiellement les attaques et le risque d’être enlevés par la Lord’s Resistance Army (LRA, Armée de résistance du Seigneur), et cherchent à échapper à l’insécurité qui règne partout. La plupart font ainsi la navette sans la protection d’adultes de leur famille et « vivent sous la menace constante de violences physiques, de sévices et d’exploitation sexuelle, y compris le viol » [1] . Ce phénomène reflète les problèmes plus vastes qui se posent pour protéger les civils dans le nord de l’Ouganda et illustre les répercussions qu’ils peuvent avoir sur la vie des familles et de la population en général.

Cela fait près de vingt ans que le nord de l’Ouganda est en proie à la guerre, et des informations faisant état de violations persistantes du droit international humanitaire et des droits humains, notamment d’homicides, de mutilations, de torture, d’enlève-ments, de viols et d’autres violences sexuelles conti-nuent de circuler. Les droits des enfants sont bafoués au quotidien.

Cette région est secouée par l’insurrection depuis 1986, et par les opérations du groupe armé de Joseph Kony, la LRA, depuis 1987, environ. La LRA s’en prend à la population civile : elle a enlevé des civils, brûlé des villages, attaqué des écoles et des hôpitaux et tendu des embuscades à des véhicules dans tout le nord de l’Ouganda. Cette formation a mutilé et estropié des civils, tranchant des lèvres, des oreilles et des nez et coupant des mains.

Les enfants sont les principales victimes de ce conflit. La LRA a enlevé 25000 d’entre eux, qu’elle utilise comme soldats, esclaves sexuels ou porteurs. Parmi ces enfants, 7500 sont des filles ; un millier d’entre elles ont conçu des enfants durant leur captivité. On ne connaît pas le nombre d’enfants tués.

De nombreux enfants doivent parcourir plusieurs kilomètres pour aller dormir dans les centres d’hébergement mis en place dans les villes et leurs banlieues. Ces centres, dirigés par des organisations non gouvernementales, fournissent un abri sûr et propre pour la nuit, de l’eau potable, des installations sanitaires, des soins de base et une prise en charge psychologique. Beaucoup d’enfants dorment dans des abris provisoires, dans l’enceinte des hôpitaux, dans des entrées de magasins et autres lieux publics.

Le 30 septembre, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies (composé d’experts indépendants chargés de surveiller la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant par les États parties) a publié ses observations finales sur le deuxième rapport périodique de l’Ouganda. Celles-ci comprenaient un certain nombre de recom-mandations relatives aux « migrants de la nuit ». Ainsi, dans le paragraphe 70 du chapitre Children in Armed Conflict and Child Abduction [Les enfants dans les conflits armés et les enlèvements d’enfants], le Comité « exhorte l’État partie à s’employer à résoudre le problème des migrants de la nuit et à prendre toutes les mesures nécessaires en vue de protéger au mieux les enfants contre le risque d’être enlevés par la LRA ou par d’autres groupes armés », et lui recommande de « renforcer son soutien aux centres d’hébergement des migrants de la nuit » [traduction non officielle].

L’Ouganda est partie à la Convention relative aux droits de l’enfant depuis 1990, et au Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, depuis 2002.

Alors que la communauté internationale s’apprête à célébrer la Journée mondiale des droits de l’enfant, le 20 novembre (date de l’adoption, par l’assemblée générale des Nations unies, de la Déclaration des droits de l’enfant, en 1959, et de la Convention relative aux droits de l’enfant, en 1988), Amnesty International appelle le gouvernement de l’Ouganda à protéger et à promouvoir les droits humains des enfants dans le nord du pays. « L’enfance, période privilégiée ? Ce concept d’une enfance protégée, épanouie, en bonne santé, a volé en éclats dans le nord de l’Ouganda »

AGISSEZ MAINTENANT Veuillez écrire au gouvernement ougandais pour lui demander :

  • de respecter les obligations de l’Ouganda au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et de mettre immédiatement en application les recommandations faites au gouvernement de l’Ouganda par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies ;
  • de soutenir les programmes d’hébergement des migrants de la nuit et le développement de services de soutien à la collectivité ;
  • d’élaborer et de soutenir des mesures visant à prévenir les enlèvements d’enfants dans le nord de l’Ouganda ; d’aller au secours de ceux qui sont toujours aux mains de leurs ravisseurs et de réinsérer ceux qui ont été enlevés, ainsi que leurs familles et leur entourage ;
  • de faciliter et de soutenir le travail des organisations nationales et internationales fournissant une aide humanitaire aux régions affectées par le conflit dans le nord de l’Ouganda.

Merci d’adresser vos appels au :

Président de la République de l’Ouganda : The President of the Republic of Uganda His Excellency Yoweri Kaguta Museveni President of the Republic of Uganda Office of the President Parliament Building PO Box 7168 Kampala, Ouganda Fax : +256 41 346 102 Formule d’appel : Your Excellency, / Monsieur le Président,

Veuillez faire part des préoccupations d’Amnesty International aux autorités de votre pays.

Pour de plus amples informations sur la situation des droits humains en Ouganda, vous pouvez consulter le site Internet d’Amnesty International

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[1] Voir "La situation des enfants dans le monde 2005", Rapport de l’UNICEF disponible sur notre site à la rubrique OEV