L’accès au traitement pour les enfants est encore plus restreint que pour les adultes

MSF dresse son bilan des obstacles à la mise sous ARV des enfants VIH+

Publié le 25 novembre 2005 sur OSIBouaké.org

22 novembre 2005

Manque médicaments adaptés à la prise en charge des enfants, manque de diagnostic pour les moins de dix-huit mois, manque de formulation pédiatrique pour certaines molécules ... La liste est longue des obstacles au traitements des enfants touchés par la maladie.

Le Dr Myrto Schaefer, pédiatre au département médical de MSF  , fait le point sur l’ensemble des difficultés auxquelles sont confrontées les équipes MSF   qui, malgré ces contraintes, soignent des enfants malades du sida   dans les programmes MSF  .

QUELLES SONT LES PRINCIPALES DIFFICULTÉS DE TRAITEMENT DES ENFANTS MALADES DU SIDA   ? Dans les pays en développement, les enfants ont un accès au traitement encore plus réduit que pour les adultes. La plus importante difficulté est qu’il n’existe pas de formulation pédiatrique sous forme de combinaison à doses fixes (soit trois molécules dans un seul comprimé), comme il en existe pour les adultes.

Ces médicaments - un seul comprimé à prendre deux fois par jour - faciliterait à la fois la prise en charge et l’adhérence des enfants au traitement. Avoir les trois molécules de la trithérapie dans un seul comprimé, comme pour les adultes, et au bon dosage, permet d’être certain de la qualité du traitement. Il permettrait aux mères - où aux adultes qui s’occupent d’eux, parfois les grands-parents, car ce sont souvent des orphelins du sida   - de donner plus facilement les traitements à leurs enfants. Certains fabricants de génériques indiens, notamment Cipla et Ranbaxy, travaillent toutefois à la mise au point de combinaisons à dose fixe génériques. Mais ils devront aussi passer des tests de bio-équivalence pour que leur qualité soit certifiée par l’OMS   avant d’être disponibles. Nous espérons toutefois avoir accès à ces combinaisons à doses fixes à la fin de l’année.

Ne pas avoir de comprimés faciles à utiliser est donc l’obstacle majeur pour le traitement des enfants.

QUELS SONT LES MÉDICAMENTS EXISTANTS POUR LES ENFANTS ? Tout d’abord, il n’existe pas de formulation pédiatrique pour toutes les molécules. Ce qui oblige donc à utiliser des médicaments pour adultes et à les écraser, car ils sont trop gros pour être avalés par des enfants. D’autres doivent être coupés en deux pour obtenir un dosage correspondant à leur poids. Ce qui n’est pas une méthode facile à faire et qui comporte un risque de surdosage, qui peut s’avérer toxique pour les enfants.

Certains médicaments (AZT, névirapine, 3TC) sont disponibles en sirop, mais ont de nombreux inconvénients : ils doivent être conservés à basse température ; leur goût, le plus souvent amer, est difficile à absorber par les enfants ; et enfin leur dosage est délicat. Certains sirops doivent être mélangés avec de l’eau, ce qui est parfois difficile dans les contextes où l’accès à l’eau potable n’est pas garanti. Enfin, les sirops ne peuvent pas être utilisés pour les enfants de plus de 10 kilos : comme le dosage est en fonction du poids, il faudrait tellement de boites de sirop que c’est tout simplement impossible à mettre en oeuvre.

POURQUOI N’EXISTE-T-IL PAS DE FORMULES PÉDIATRIQUES DES ARV   ? Dans les pays occidentaux, les programmes de prise en charge des mères séropositives permettant de diminuer la transmission à l’enfant ont considérablement réduit le nombre d’enfants séropositifs à la naissance. Ainsi, il n’y a pas, pour les laboratoires, de marché pour le développement de formules pédiatriques. Les enfants malades du VIH  /sida   dans les pays en développement pâtissent du fait que les enfants des pays riches ne sont plus exposés à la maladie.

Ainsi, au final, le traitement des enfants malades du sida  , avec les médicaments existants, peut coûter jusqu’à 4 fois plus cher que celui des adultes.

Les anti-rétroviraux n’existent pas ou peu sous forme pédiatrique, obligeant le personnel médical à broyer les médicaments destinés pour les adultes pour que les enfants puissent les avaler, ou à les couper en deux, afin d’obtenir le bon dosage.

LE DIAGNOSTIC DES TOUT-PETITS REPRÉSENTE-T-IL UNE DIFFICULTÉ ? Dans les pays en développement, 50% des enfants séropositifs meurent avant l’âge de deux ans. La raison principale est qu’on ne dispose pas d’un outil diagnostic simple qui puisse confirmer la séropositivité des enfants de moins de 18 mois. A cause de la présence d’anti-corps de la mère dans le sang de l’enfant, l’interprétation d’un test sérologique est impossible et l’on ne peut donc pas savoir si l’enfant est infecté ou pas.

Dans les pays riches, on utilise une méthode diagnostique sophistiquée qui permet de donner des résultats précis dès le premier mois. Mais cet outil ne peut être utilisé dans les pays en développement.

Sans diagnostic précis, seul l’examen clinique et le test immunologique ? qui mesure les CD4 * - peut déterminer si l’enfant doit être traité. Si la mère est séropositive, si l’enfant a un taux de CD4 bas et si il présente un certain nombre d’infections opportunistes, il est presque certain que l’enfant est infecté par le virus. Sur cette base, il est donc possible de démarrer une tri-thérapie. Mais un diagnostic simple d’utilisation reste indispensable afin d’être certain du diagnostic VIH  .

* le taux de CD4 mesure le degré d’immunodépression, qui est la faculté, pour le patient, de lutter contre les maladies opportunistes.

LA GROSSESSE ET L’ALLAITEMENT SONT-ELLES DES PÉRIODES CRITIQUES ? Dans les pays en développement, la plupart des enfants sont infectés par le virus au cours de la grossesse ou pendant l’allaitement. On estime que les risques de transmission en Afrique sont compris entre 35 à 45%, par manque de traitement adapté. Pour remédier au risque de transmission, la névirapine en une dose est parfois utilisé pour la mère pendant l’accouchement et pour le nouveau-né.

Mais, ce médicament conduit à un risque élevé de résistance : en tentant de protéger l’enfant, l’utilisation de la névirapine peut compromettre le traitement de la mère (le seul traitement largement disponible aujourd’hui dans les pays en développement est la tri-thérapie comprenant névirapine , 3TC, D4T). Même l’OMS   reconnaît qu’un autre protocole de traitement devrait être recommandé. L’idéal serait que la mère puisse avoir accès à une trithérapie pendant la grossesse et pendant l’allaitement.

Même quand un traitement anti-rétroviral peut être délivré à la mère, la transmission du virus peut aussi se faire pendant l’allaitement. Mais il est difficile de proposer aux mères des alternatives à l’allaitement : utiliser du lait maternisé nécessite d’avoir accès à l’eau potable, ce qui n’est pas toujours aisé dans les pays en développement ; le coût du lait maternisé le rend inabordable pour a plupart des femmes en Afrique. L’utilisation du biberon doit obéir à des règles d’hygiène, elles aussi difficiles à mettre en oeuvre. De plus, de nombreuses mères refusent d’utiliser des biberons par peur de la stigmatisation.

QUELS SONT LES AUTRES OBSTACLES À LA PRISE EN CHARGE DES ENFANTS ? La liste est longue. En fait, nous manquons d’expérience sur le traitement des enfants. Il n’y a pas suffisamment de recherche opérationnelle sur les enfants vivant avec le virus. Nous nous heurtons également à la difficulté de traitement des maladies opportunistes, notamment la tuberculose. Il n’y a pas non plus de diagnostic simple adapté aux enfants tuberculeux : le diagnostic généralement employé, c’est-à-dire l’examen des crachats, ne marche pas chez les enfants qui, tout simplement ne peuvent pas produire de crachats.

La question de l’adhérence est un autre problème important. Il est lié au fait que beaucoup sont des orphelins, donc que les adultes qui les prennent en charge, souvent les grand-mères, peuvent être âgés, ont du mal à comprendre les problèmes de traitement. Ou à expliquer aux enfants malades pourquoi ils doivent prendre le traitement alors que d’autres enfants ne prennent pas de médicaments.

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