Patricia Loison : l’information en toute liberté

Adoptée en Inde, la journaliste présente le Grand Soir 3

Publié le 25 juillet 2013 sur OSIBouaké.org

Les Inrocks - 20/06/2013 | par Alexandre Comte -

Elle est devenue l’un des visages de France 3 : après avoir pris les rênes de »Faut pas rêver » puis du JT du soir, elle présente aujourd’hui le Grand Soir 3, en duo avec Louis Laforge. Mais son visage – ses traits indiens qui la ramènent à son histoire – Patricia Loison apprend encore à l’amadouer. Portrait.

Elle nous avait donné rendez-vous sur « ses terres » de Vanves, mais elle change d’avis au dernier moment. Ce sera l’île Saint-Germain. « J’essaye de combiner interview et matinée avec mes filles, c’est la pression sur les mères non parfaites ! », explique-t-elle. La famille compte tant pour Patricia Loison. Ses filles d’abord, « ses princesses », 6 et 11 ans, dont elle surveille attentivement les tentations gourmandes : « Pas de coca avant le déjeuner hein ! Tiens, achète un bonbon mon doudou, mais un seul, et pour ta sœur aussi. » Et puis il y a ses parents. Ces gens « absolument géniaux » qui sont venus la chercher à New Delhi, il y a 42 ans. Patricia avait six mois, placée en orphelinat par « une fille-mère qui a donné son enfant pour qu’elle ait une vie meilleure. » Le petit frère de Patricia a lui aussi été adopté, au Liban. « Ils ont galéré pour nous avoir, et nous ont hyper choyés. Nous étions leur priorité ».

Valeurs catholiques

Enfance heureuse et protégée, dans l’ouest parisien, avec week-ends en Normandie chez les grands-parents. Patricia adopte sans accroc les valeurs de parents « qui ont gagné leur vie à la force du poignet ». Le père a monté une florissante entreprise de matériaux de construction, la mère s’occupe de la compta. La réussite scolaire est une composante importante de l’éducation des enfants. Ça tombe bien, sa cousine Claire le confirme, « Patricia a toujours eu des capacités intellectuelles au-dessus de la moyenne, des facilités d’écriture, une énergie, une imagination bouillonnante. » Elle s’épanouit au lycée international de Saint-Germain-en-Laye, section bilingue américaine. Si la messe du dimanche n’est pas systématique, les fêtes religieuses rythment la vie familiale. Patricia est toujours catholique. « Même si je ne suis pas d’accord avec plein de trucs de l’Eglise, je trouve que c’est une religion trop critiquée, qu’on se moque trop facilement du Vatican. » Elle se définit comme une « pratiquante à la petite semaine. » Elle dit : « Je suis une bonne personne. C’est comme ça que je pratique ma conviction profonde. »

Une conviction qu’elle et son mari – responsable de la stratégie d’une filiale d’Air France – transmettent aujourd’hui à leurs filles. Un mari qui « râle » parfois, parce qu’elle travaille trop, et que, souvent, « il doit gérer les princesses et le frigo vide ». Elle soupire : « Mon boulot prend énormément de place. J’aimerais trouver un meilleur équilibre avec ma vie privée. » Elle prend sa plus jeune fille à témoin : « Violette, est-ce que c’est rigolo que maman travaille le soir ? ». Violette : « Moi je voudrais que tu ne travailles plus ce métier… »

« C’était avant Harry Roselmack… »

Mais ce métier, Patricia l’aime. Elle a choisi le journalisme vers ses 12 ans. Elle dit : « Il y avait mon histoire. Même si je n’en parlais jamais, que je la vivais bien, sans y penser… En tout cas j’avais envie de raconter celle des autres. » Sa mère, très présente, « la coache », l’oriente vers une prépa littéraire, puis vers la prestigieuse école de journalisme de Lille (« en même temps j’avais raté tous les autres concours », tempère-t-elle). Elle voulait écrire, mais la télé la séduit. Paradoxalement : « je n’aime pas trop ma tronche, je ne suis pas du tout amoureuse de moi, loin de là. » Après une année à tourner pour les locales de France 3, elle rejoint LCI. Elle y restera dix ans, à gravir les échelons. Elle intègre le service politique étrangère. D’abord enfermée dans une cabine, elle fait progressivement ses premiers reportages, ses premiers directs…

« J’avais 25 ans, LCI était une pépinière, je croisais des cadors comme David Pujadas ou Guillaume Durand, j’allais couvrir les élections en Allemagne ou en Angleterre… J’étais heureuse. »

Elle s’essaye à la présentation, fait quelques flashs, en sait gré à Jean-Claude Dassier : « Ce n’était pas évident, c’était avant Harry Roselmack… ». Malgré son petit complexe physique, elle revendique « une aisance face à la caméra, un naturel. Je n’ai jamais eu le trac, je ne stresse pas. » On retrouve la bonne élève : « Je n’aime pas rater ». Elle rejoint ITélé en 2005. Elle présente un magazine quotidien d’actualité internationale, « Un jour dans le monde ». Elle est dans son élément. « C’était une petite équipe, on avait carte blanche. On a fait des supers coups, reçu des poids lourds. On ne faisait pas d’audience, mais c’était un kif professionnel, et j’ai gagné un satisfecit de la profession. »

Faut rêver

En 2009, elle apprend en lisant le journal que Laurent Bignolas quitte la présentation du magazine Faut pas rêver, produit par George Pernoud, alias monsieur Thalassa. Ses yeux brillent. « J’ai dégotté le portable de Pernoud et j’ai pollué son répondeur. » Elle ajoute : « Moi, tant qu’on ne me jette pas dehors à coups de pieds… ». George Pernoud ne décroche pas tout de suite. Il se renseigne. Fini par l’appeler à l’été 2009. Il est dans sa maison en Dordogne, elle est en vacances au Pays Basque. Il lui propose de venir déjeuner. Elle prend la route. Ils discutent une heure sous un arbre. Patricia Loison évoque « un coup de foudre amical et professionnel ». George Pernoud dit :

« Moi je défends cette fille. C’est une bosseuse, très cultivée, avec un peps d’enfer, de la décontraction, de la répartie. Elle a une revanche à prendre. Elle n’a pas le même faciès que les petits français. Ce n’est pas une pin-up. C’est le talent qui l’emporte. »

Embauchée donc. Nouveau bonheur professionnel pour Patricia : voyages, rencontres… « C’est le meilleur job qui existe », dit-elle. « Et puis ça m’a aussi permis de me décoincer un peu. À mes débuts, on me disait que j’avais un ballet dans le cul. » Le hard news la rattrape au bout de deux saisons : le Soir 3 se libère, on pense à elle. « Je ne me voyais pas refuser un JT. » George Pernoud la laisse partir en lui souhaitant le meilleur : « j’ai senti sa détermination. Ça ne sert à rien de freiner quelqu’un lorsqu’il veut aller quelque part. »

Get Lucky

Après un an et demi en solo, la formule a changé en mars dernier : le Soir 3 est devenu le Grand Soir 3, une heure d’information présentée en duo avec Louis Laforge. « Une heure toute seule, ça aurait été n’importe quoi », dit-elle.

« Mais quand la direction m’a dit que je n’étais pas prête à porter quelqu’un, il y a d’abord eu une petite blessure d’ego. Comme je suis corporate, bonne élève, j’ai fait confiance en leur jugement. Je ne regrette pas. Le duo m’a bénéficié, j’ai gagné en naturel, en spontanéité, en sourire. »

Ils ont fait le buzz en esquissant quelques pas de danse en fin de journal sur Get Lucky des Daft Punk. Patricia y a gagné une invitation au Petit Journal. Elle n’a pas tout de suite dit oui, bien au contraire.

« Ça faisait des mois qu’ils nous caricaturaient en journal cheap, qu’ils brocardaient notre manque de moyens. Je me suis dit : vous pouvez crever la bouche ouverte, je n’irai jamais de ma vie. Au final, Yann Barthès m’a eu, et on a bien rigolé. »

Patricia Loison ne regrette pas grand-chose. C’est le privilège de ceux qui croient au destin. Elle en parle souvent.

« Je suis née sous une bonne étoile. Quand je pense à ma famille, à ma carrière, à ma vie… Il y a la chance, il y a le travail, mais il y a aussi le destin. C’est peut-être dû à mon gène indien, mais je crois à mon bon karma. »

C’est à la naissance de sa fille aînée qu’elle a imaginé pour la première fois faire les démarches pour retrouver ses parents biologiques. C’est le journalisme qui l’emmènera en Inde quelques années plus tard. Elle couvrait un voyage de Sarkozy. Elle n’a pas retrouvé son dossier. Il a été « moissonné », sourit-elle. Tant pis. Elle dit : « Nous sommes tous brinquebalants, boiteux. Mais croyez-moi, nos blessures profondes peuvent aussi devenir des atouts. » Difficile de ne pas la croire.

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