Le chaos s’installe à Bangui, la France appelée au secours

Publié le 6 mai 2013 sur OSIBouaké.org

Colette Braeckman, 18 avril 2013 - « L’insécurité est permanente, les pillages se poursuivent. Ils visent les quartiers supposés soutenir le président déchu François Bozize et, sous prétexte de rechercher des hommes en armes, les maisons particulières sont systématiquement pillées et vidées par les rebelles de la coalition Seleka, les véhicules emportés. Quant aux organisations humanitaires, elles représentent une cible de choix : depuis la chute de Bangui, elles ont été attaquées et pillées à plusieurs reprises, qu’il s’agisse des agences de l’ONU   ou des ONG. » Joints par téléphone, des témoins requérant l’anonymat font état d’un chaos persistant dans la capitale centrafricaine où la coalition Seleka (alliance en sangho) non seulement peine à établir son autorité mais surtout s’avère incapable de discipliner ses propres troupes. Ses combattants, des hommes recrutés dans le Nord du pays, mais aussi au Tchad et au Soudan, et parmi lesquels on retrouve bon nombre d’enfants soldats issus de l’Armée de libération du Seigneur de Joseph Kony, se livrent depuis leur victoire du 24 mars à une véritable mise à sac de la capitale. L’archevêque de Bangui a dénoncé à hauts cris le saccage d’un orphelinat et le week-end dernier, des opérations de fouille dans des maisons particulières ont fait une vingtaine de morts dans un quartier situé au sud de Bangui et des civils ont tenté de traverser le fleuve Oubangui pour se réfugier en République démocratique du Congo, où la province de l’Equateur compte déjà plus de 30.000 réfugiés venus de Centrafrique. Non contents de faire face au désordre, les nouveaux maîtres de Bangui se retrouvent dans une impasse politique : les pays voisins refusent de reconnaître le nouveau régime et l’organisation des Etats d’Afrique centrale, réunie à N’Djamena, la capitale du Tchad, a refusé d’inviter le nouveau président autoproclamé, Michel Djotodia, même si le Premier ministre a, lui, été accepté.

Souhaitant que la France l’aide à restaurer l’ordre, le nouveau régime s’est heurté, sinon à un refus poli, du moins à une exigence de légitimation des institutions, formulée par Laurent Fabius. En outre, un porte parole du quai d’Orsay a précisé que : « la persistance des violences à l’encontre des populations civiles n’est pas acceptable, il est urgent que les autorités assurent l’ordre et la sécurité. » Il faut cependant rappeler que l’ancienne puissance coloniale, demeurée très présente dans un pays longtemps considéré avant tout comme une base militaire, n’avait rien fait pour soutenir le président François Bozizé. Ce dernier, lui-même porté au pouvoir voici dix ans par une rébellion militaire, avait remporté par deux fois des élections présidentielles mais son pouvoir était considéré comme étant à bout de course, miné par la corruption. En outre, Paris ne lui avait pas pardonné de vouloir céder des mines d’uranium à des sociétés chinoises. Dans un premier temps, il apparut que la rébellion Seleka jouissait de plusieurs atouts : la France était trop occupée au Mali tandis que le Tchad, qui avait soutenu Bozize voici dix ans, accompagna cette fois les rebelles jusqu’aux portes de Bangui. En outre, le Nord de la Centrafrique, musulman, appuyait le principe d’une revanche sur les zones chrétiennes du Sud.

Certains mystères ont continué à entourer l’avancée fulgurante des combattants Seleka, car les carences de l’armée centrafricaine n’expliquent pas tout. Dans la région, des observateurs se demandent si les rebelles, dont les revendications ressemblaient à des « copier coller » de celles du M23 au Nord Kivu n’auraient pas, via le contingent de Casques bleus rwandais déployés au Darfour, bénéficié de soutiens de même nature que les mutins congolais. Lors de la prise de Bangui, seul un bataillon sud africain tenta de défendre la ville, au prix de lourdes pertes, 13 morts et de nombreux blessés, ce qui a provoqué une tempête au Parlement sud africain et semé le doute sur l’efficacité du millier de soldats qui devraient bientôt être déployés dans l’Est du Congo et qui auront pour tâche de désarmer le M23 et autres groupes.. Manifestant son intérêt soutenu pour la Centrafrique, l’Afrique du Sud s’est cependant invitée au sommet régional de N’Djamena, où les pays voisins, Tchad en tête, vont s’efforcer de définir une « feuille de route » permettant de sortir de la crise institutionnelle et d’enrayer le chaos grandissant.

Même si Kinshasa se montre discret, la situation en Centrafrique est suivie avec attention. Non seulement parce que les nouveaux dirigeants, issus du Nord du pays, n’ont guère de liens familiaux, politiques ou ethniques avec leurs voisins congolais, mais parce que le flot de réfugiés qui fuient les désordres et traversent le fleuve pèsera inévitablement sur la RDC. De plus, l’arrivée à Bangui d’un nouveau pouvoir « peu sympathisant » (le mot est faible…) dégarnit le « front nord » de la RDC, pourrait créer un nouveau foyer de tension alors que des opposants armés se trouvent déjà au Congo Brazzaville et que la province de l’Equateur n’est pas favorable au chef de l’Etat…

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