Côte d’Ivoire - Un avenir lourd de menaces

Un rapport d’Amnesty International

Publié le 27 octobre 2005 sur OSIBouaké.org

À quelques jours de la fin officielle du mandat présidentiel de Laurent Gbagbo, Amnesty International craint que, si un accord politique n’est pas trouvé au plus vite quant à la nouvelle structure du pouvoir en Côte d’Ivoire, les tensions actuelles ne débouchent sur une reprise des hostilités, entraînant une crise humanitaire et des atteintes graves aux droits humains.

« Jamais sans doute depuis l’indépendance du pays, autant d’inconnues n’ont plané sur l’avenir de la Côte d’Ivoire. Il est du devoir de tous d’éviter que le pays ne sombre dans un chaos qui pourrait entraîner la déstabilisation durable de toute la sous-région » affirme aujourd’hui Amnesty International.

Dans un document publié aujourd’hui et intitulé, Côte d’Ivoire : Un avenir lourd de menaces, l’organisation recense quelques-uns des principaux facteurs qui peuvent conduire à une détérioration rapide de la situation : blocage total du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR), ruptures du cessez-le-feu, conflits inter-ethniques dans l’ouest du pays, appels à la xénophobie relayés par certains hommes politiques et médias se réclamant du président Gbagbo, utilisation d’enfants soldats et atteintes à la liberté d’expression.

Amnesty International est particulièrement préoccupée par les informations faisant état d’une prolifération d’armes légères et de possibles livraisons d’armes aux deux parties en dépit de l’embargo sur les armes décrété en novembre 2004 par les Nations unies.

« Face à la volonté à peine voilée des deux parties d’en découdre tôt ou tard militairement, il semble que les moyens mis à la disposition des Nations unies pour effectuer un contrôle effectif de l’embargo sur les armes sont insuffisants », estime aujourd’hui Amnesty International.

Par ailleurs, le processus de DDR, pourtant accepté par les deux parties, est toujours bloqué. « La principale raison de ce blocage semble être l’absence totale de confiance mutuelle sans laquelle ce type de programme n’a aucune chance de démarrer », estime l’organisation.

Amnesty International s’inquiète également du risque d’exacerbation de conflits inter-ethniques dans l’ouest du pays qui sont notamment alimentés par des appels à la xénophobie relayés par certains hommes politiques et médias se réclamant du président Gbagbo. Le document publié aujourd’hui souligne que la théorie dite de l’ « ivoirité » développée il y a une dizaine d’années par quelques intellectuels proches de l’ancien président ivoirien, Henri Konan Bédié n’a cessé d’être instrumentalisée à des fins politiques pour véhiculer un discours xénophobe particulièrement dangereux.

« Dans le contexte actuel d’incertitude politique, tout appel à la haine contre des étrangers originaires notamment de la sous-région (Burkinabè, Maliens ou Guinéens) peut dégénérer à tout moment en massacres d’autant plus sanglants qu’ils interviennent souvent dans des lieux éloignés, loin des regards des autorités politiques et des forces de la mission de maintien de la paix de l’ONU   », rappelle aujourd’hui Amnesty International.

Si l’on ajoute à ces éléments inquiétants l’activité de milices pro-gouvernementales qui ont rompu le cessez-le-feu en février 2005 et les appels à la dissidence et à l’insurrection contre le président Gbagbo lancés en août 2005 par deux hauts responsables de l’armée ivoirienne, tout semble réuni pour entretenir un climat de suspicion généralisée qui peut déboucher à tout moment sur des atteintes graves aux droits humains.

C’est la raison pour laquelle Amnesty International lance aujourd’hui un appel au Président Gbagbo et aux Forces nouvelles qui contrôlent depuis septembre 2002 la moitié nord du pays afin que tout soit fait pour éviter de nouvelles atteintes graves aux droits humains en Côte d’Ivoire.

L’organisation s’adresse également à la communauté internationale qui s’est déjà beaucoup engagée dans la résolution du conflit ivoirien et a déployé sur le terrain une force de maintien de la paix forte de quelque 10 000 hommes.

« Face à la crise profonde qu’affronte la Côte d’Ivoire, la communauté internationale doit prendre ses responsabilités et tout faire pour appliquer et faire appliquer les résolutions du Conseil de sécurité visant à empêcher une reprise du conflit qui ne peut qu’entraîner de très graves atteintes aux droits humains. »

Le document d’Amnesty, Côte d’Ivoire : Un avenir lourd de menaces ci dessous.

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