Mario Balotelli, Janus noir de la Squadra Azzurra

Né au Ghana, adopté par des italiens à l’âge de 2 ans, footballeur prodigieux, premier joueur noir de la sélection italienne

Publié le 29 juin 2012 sur OSIBouaké.org

Jeune Afrique - 28/06/2012 - Par Vincent Duhem

La sélection italienne de football s’est qualifiée, jeudi 28 juin, contre l’Allemagne pour une place en finale de l’Euro 2012. Sa principale arme offensive : un jeune attaquant d’origine ghanéenne à la réputation sulfureuse, Mario Balotelli. Qui a inscrit un doublé flamboyant lors du match contre la Mannshaft.

Lundi 18 juin. On joue les dernières minutes du match Italie-Irlande, décisif pour la qualification en quart de finale de l’Euro de football 2012. L’Italie mène 1-0, quand d’un magnifique retourné acrobatique, Mario Balotelli marque le second but de la sélection italienne dont il assure la qualification. Va-t-il exprimer sa joie ? Trop facile. Vexé d’avoir débuté la rencontre sur le banc des remplaçants, Balotelli commence à proférer des insultes vers son banc de touche. Il faut l’intervention d’un de ses coéquipiers pour éviter un nouveau scandale.

En demi-finale contre l’Allemagne (2-1), le 28 juin, Balotelli est encore l’homme du match. Il inscrit un doublé, dont l’un des plus beaux buts de la compétition, et propulse la Squadra Azzurra en finale contre l’Espagne. Le Mancunien n’est pas plus souriant que contre l’Irlande. Il se met simplement torse nu, et prend la pose d’un guerrier antique, à la fois fier et menaçant.

« Quand je marque un but je ne fais pas la fête car c’est mon métier, t’as déjà vu un facteur sauter de joie quand il a livré le courrier ? » Cette réplique de Balotelli est devenue culte. C’est aussi sa marque de fabrique. Déclarations fracassantes, regards noirs, relations houleuses avec des supporteurs. Avec lui, l’Italie ne s’ennuie pas. Capable du meilleur comme du pire, l’international italien de bientôt 22 ans s’est taillé une réputation de mauvais garçon. Il y a « deux Balotelli : un bon et un mauvais », dit de lui son coéquipier à Manchester City, Milner. Et jeudi 28 mai en demi-finale de l’euro 2012 contre l’Allemagne, personne ne sait quel visage celui qui s’est autoqualifié de « génie » montrera. Entre fulgurance et nonchalance, arrogance et déférence, son style balance...

Mario Balotelli est né à Palerme, en Sicile, le 12 août 1990, sous le nom de Mario Barwuah. Ses parents, Thomas et Rose Barwuah, sont des immigrants ghanéens arrivés en Italie en 1988. Sur les conseils des services sociaux, ses parents, dans l’incapacité matérielle d’assurer son éducation et confrontés aux problèmes de santé de leur enfant, le confient à une autre famille. À l’âge de deux ans, Mario est adopté par Francesco and Silvio Balotelli, une famille blanche aisée vivant dans une villa d’un petit village, près de Brescia. L’enfant terrible du foot italien rompt alors peu à peu avec sa famille biologique et obtient la naturalisation italienne à l’âge de 18 ans, lors d’une cérémonie où Thomas et Rose Barwuah ne sont pas conviés.

"Un Italien noir, ça n’existe pas"

S’il a gardé la nationalité ghanéenne, ses rapports avec ses parents biologiques sont... compliqués. En 2010, ceux-ci tentent de reprendre contact avec lui. Thomas et Rose Barwuah donnent une interview à un journal local, dans laquelle ils déclarent avoir tout fait pour le récupérer, un an après son adoption. « Nous voulions qu’il revienne depuis plus de dix ans mais à chaque fois que nous avons essayé, la justice a bloqué notre demande » ont-ils dit, ajoutant qu’ils n’avaient pas les moyens financiers de poursuivre une longue procédure judiciaire. La réponse de Mario Balotelli est sanglante. « Si je n’étais pas devenu Mario Balotelli, ils ne seraient pas intéressés à moi », dit-il, ou encore : « je ne veux pas que ces gens parlent de moi ».

Un an plus tôt, la sélection nationale des Black Stars avait fait le forcing pour persuader l’international transalpin de porter le maillot du Ghana. Rien n’y fait. Jamais tenté par un retour aux sources, Marion Balotelli se revendique 100% italien. Et devient en 2010 le premier joueur noir à porter le maillot de la sélection nationale.

Pas simple dans un pays où l’augmentation vertigineuse des flux migratoires au cours de la dernière décennie est allée de pair avec celle des actes xénophobes - particulièrement dans les stades de football. « Un Italien noir, ça n’existe pas », scandent par exemple les ultras du club de la Juventus de Turin, lors du choc entre la Juve et l’Inter en 2009. Le jour du match de l’Italie contre l’Angleterre, le journal italien La Gazzetta dello Sport créée la polémique en publiant une caricature de l’attaquant, présenté comme partant à l’assaut de Big Ben à la manière de King Kong. Accusé le racisme, le quotidien a été contraint de présenter ses excuses.

Le début de carrière de « Super Mario », comme le surnomment ses fans, s’apparente donc autant à une série de performances qu’à une quête identitaire qui semble cristalliser les problèmes de racisme du pays. Et a fait de lui un garçon impétueux, au besoin de reconnaissance dévorant, et régulièrement capable de sortir de ses gonds - « Si quelqu’un me lance une banane dans la rue, j’irai en prison, parce que je vais le tuer », a-t-il déclaré avant l’Euro. Le succès saura-t-il apaiser la colère intérieure du jeune-homme ? Qu’il fête un jour ses propres buts en souriant : c’est tout le mal qu’on lui souhaite.


Qui est vraiment Mario Balotelli ?

M le magazine du Monde | 28.06.2012 - Par Franck Berteau

Un Italien avant tout

A l’âge de 2 ans, Mario Barwuah, né à Palerme, est confié à la famille Balotelli. Ses parents biologiques, ghanéens, ne peuvent plus s’en occuper. Aujourd’hui, il revendique son italianité et refuse d’être considéré comme le symbole d’une Italie multiculturelle.

Un buteur précoce

Rapide, costaud, buteur et dribbleur efficace, il séduit très tôt l’Inter Milan qu’il quitte en 2010 pour Manchester City. A 21 ans, il a déjà remporté trois championnats d’Italie et une Ligue des champions, et tout récemment le championnat d’Angleterre, étant lui même l’auteur du but du titre.

Un sale gosse

Sur le terrain, "Super Mario" ignore les consignes des entraîneurs et pousse à bout ses coéquipiers. En octobre 2011, il tire un feu d’artifice depuis sa salle de bains, provoquant un début d’incendie. Alors joueur de l’Inter, il avait osé revêtir à la télé le maillot du grand rival, l’AC Milan.

Un récidiviste

Ses mouvements d’humeur et ses vilaines "semelles" sur des adversaires lui valent cartons jaunes et rouges en pagaille. Le 10 avril, il est suspendu pour trois matches par la Fédération anglaise. Le coach italien de Manchester City, Roberto Mancini, le juge "indéfendable". Cesare Prandelli, le sélectionneur de l’équipe d’Italie, hésite à l’enrôler pour l’Euro, en juin.

Une star ordinaire

A Manchester, le footballeur parade dans ses voitures de luxe mais, contrairement à ses coéquipiers, il va dîner dans des pizzerias des quartiers populaires, boit des bières dans les pubs de banlieue et assiste à la messe de Noël dans une église de quartier.


Mario Balotelli demande à sa famille biologique de le laisser tranquille

Grioo.com - 16/08/2010 Le joueur italien d’origine ghanéenne a critiqué ses parents biologiques suite à une interview accordée à un journal local à Brescia dans laquelle ils démentaient l’avoir abandonné

Mario Balotelli, 19 ans, a porté pour la première fois le maillot de la sélection italienne à l’occasion d’un match amical disputé la semaine dernière face à la Côte d’Ivoire. Mais l’ex-joueur de l’Inter, qui évoluera désormais à Manchester City, avait des soucis personnels et familiaux à régler, ce qu’il a fait via un communiqué émis sur son site internet :

« J’avais déjà demandé à mes parents biologiques de respecter ma vie privée de la même façon que ma famille adoptive l’a toujours fait, mais ils ne m’ont pas écouté. » Balotelli est né en Italie de parents ghanéens, mais vit avec une famille adoptive italienne depuis l’âge de deux ans.

« Pourquoi n’ont-ils pas demandé aux tribunaux de reprendre ma garde quand j’ai été guéri ? Mes parent adoptifs m’amenaient les voir, mais ils n’étaient jamais là. Maintenant que je suis un footballeur professionnel, ils veulent me retrouver » Mario Balotelli critiquant ses parents biologiques en 2008

Surnommé « Super Mario », il affirme que ses parents biologiques, Thomas et Rose Barwuah, l’ont abandonné. Les Barwuah ont eu quatre enfants : Abigail, 22 ans, Mario 19 ans, Enoch 17 ans et Angel 11 ans. Vivant dans des conditions matérielles difficiles en Italie, ils ont déménagés pour la ville Brescia. La santé difficile de Mario dès sa naissance (il était souvent à l’hôpital et a été opéré à plusieurs reprises enfant) aurait conduit les assistantes sociales sollicitées par ses parents à proposer de le faire accueillir provisoirement au sein de la famille Balotelli, une famille blanche italienne à la situation matérielle beaucoup plus aisée que les Barwuah. D’abord hésitant, ces derniers auraient accepté de confier l’enfant à Francesco et Sylvia Balotelli en se disant que ce serait ce qu’il y a de mieux pour leur fils. Ils voyaient Mario toutes les semaines et tout ce passait bien.

Selon les Barwuah, la période provisoire de garde, qui était à l’origine de 12 mois aurait été prolongée d’un an, et leur enfant aurait graduellement commencé à s’éloigner d’eux. « Nous voulions qu’il revienne depuis plus de dix ans mais à chaque fois que nous avons essayé, la justice a bloqué notre demande » ont-ils dit ajoutant qu’ils n’avaient pas les moyens financiers de poursuivre une longue procédure judiciaire, contrairement aux Balotelli.

« Nous avons toujours aimé Mario, mais il a changé. Ce sont les Balotelli qui l’ont monté contre nous. Comment peut-il dire que nous voulons le voir juste pour son argent ? Ce n’est pas vrai » Thomas Barwuah, père biologique de Mario Balotelli

Dans le communiqué publié sur son site internet, Mario Balotelli ajoutait au sujet de ses parents biologiques : « je n’ai pas d’autre choix que de dire ce que j’ai dis il y a deux ans : si je n’étais pas devenu la star du football Mario Balotelli, ils ne se seraient pas soucié de ce que j’étais devenu. Quand j’étais en tournée avec l’Inter, ils ont donné une interview dans un journal local en disant des choses vagues et incorrectes qui dépeignaient ma famille adoptive sous un mauvais jour.

C’est une chose que je ne peux laisser passer car ma vraie famille -celle qui m’a élevé et m’a toujours aimé- vit aussi à Brescia. C’est la seule famille qui me connaisse réellement sous le nom de Mario. Peut-être qu’à Brescia ils ne savent pas que j’ai vécu 16 années consécutives avec les Balotelli, la période de garde étant renouvelée par le tribunal tous les deux ans. Peut-être qu’ils ne savent pas que j’ai personnellement demandé l’adoption depuis l’âge de 13 ans, mais je ne l’ai rendu officiel qu’en décembre 2008 ».

De fait, jusqu’à l’âge de 18 ans, Mario Balotteli n’avait pas la nationalité italienne. Il l’a acquise lors d’une cérémonie de naturalisation au cours de laquelle les Barwuah, ses parents biologiques, n’ont pas été invités. « Nous n’en savions rien » ont dit ces derniers lors de l’interview. « Nous l’avons découvert à la télé, et c’est là que nous avions vu qu’il avait également pris le nom Balotelli ».

C’est aussi en 2008 que Mario Balotteli, devenu célèbre en signant à l’Inter, avait affirmé à la télévision que ses parents biologiques l’avaient abandonné et ne s’intéressaient désormais à lui que pour son argent. Une affirmation que conteste Thomas Barwuah, le père biologique :

« Nous avons toujours aimé Mario, mais il a changé. Ce sont les Balotelli. Ils l’ont monté contre nous. Comment peut-il dire que nous voulons le voir juste pour son argent ? Ce n’est pas vrai. Nous ne voulons pas d’argent. Nous sommes chrétiens. Vous savez ce qu’il a commencé à dire maintenant ? Que nous le battions quand il était enfant. C’est un mensonge. Nous ne l’avons jamais touché. Nous lui avons donné tout l’amour que nous pouvions lui donner ».

Thomas Barwuah affirme avoir rencontré son fils en juillet qui lui aurait dit qu’il allait partir évoluer en Angleterre : « comme tout père, je lui souhaite bonne chance. J’étais si fier quand il a rejoint l’Inter et je le suis toujours. Je ne veux rien de lui. Je veux simplement que nos relations soient de nouveau comme elles l’étaient. Nous n’avons pas abandonné Mario. Sinon pourquoi aurions nous ces photos de lui et nous ensemble ? »

« Je ne me suis jamais senti ghanéen. Mes parents viennent du Ghana mais je ne sais rien de ce pays. Je n’ai jamais pensé à jouer pour le Ghana, et j’ai pas d’inclinaison spéciale pour cette équipe. Ce sera l’Italie ou rien  » Mario Balotelli, interrogé au sujet de ses rapports avec le Ghana quelques mois avant la coupe du monde

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