Les diamants du sang à nouveau autorisés à la vente !

Publié le 3 novembre 2011 sur OSIBouaké.org

La Tribune - 2 Novembre 2011 - Le Processus de Kimberley, régulateur mondial chargé de ne pas mettre sur le marché les diamants dont la vente sert à financer des guerres civiles, a autorisé la commercialisation des pierres des mines de Marange, dans l’est du Zimbabwe. Le pays devrait pouvoir en tirer 2 milliards de dollars par an. Mais cette décision est loin de faire l’unanimité.

Considérées comme les plus riches découvertes en Afrique depuis des décennies, les mines de diamants de Marange au Zimbabwe ont été envahies en 2008 par l’armée zimbabwéenne, qui en a expulsé des milliers de mineurs, avant de forcer des civils à les remplacer. Diverses organisations de défense des droits de l’homme avaient alors dénoncé les massacres et viols perpétrés par l’armée conduisant à la signature du Processus de Kimberley et engageant ses membres à suspendre les exportations de ces diamants du sang.

Depuis 2002, le dirigeant zimbabwéen, Robert Mugabe, et ses proches sont interdits de voyage et leurs avoirs ont été gelés par l’Union européenne et les Etats-Unis, en raison de violations répétées des droits de l’Homme et des libertés fondamentales par son régime.

Seulement voilà, mardi, le Processus de Kimberley a donné son feu vert à la mise sur le marché avec "effet immédiat" des diamants provenant de deux sites des domaines de Marange. De quoi assurer des milliards de dollars au pays et à son président, Robert Mugabe ; 2 milliards de dollars par an minimum, estime le ministre zimbabwéen des Mines, Obert Mpofu, proche du chef de l’Etat.

Soutiens de l’Inde et de la Chine, abstention américaine et vigilance européenne

Sur fonds d’informations faisant état de nouveaux abus dans la région, cette décision intervient vient après de longs mois de négociations, voire le risque de voir le Processus de Kimberley exploser en vol.

Le Zimbabwe a bénéficié du soutien de l’Inde et de la Chine, de pouvoir reprendre la vente de ces diamants à travers deux entreprises zimbabwéennes.

Le département d’Etat américain a indiqué que Washington s’était abstenu afin de sortir le Processus d’une "impasse". Nous sommes toujours préoccupés par la situation à Marange", a précisé Elizabeth Trudeau, porte-parole de l’ambassade américaine à Pretoria.

La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a jugé "positif" l’accord sur la reprise de la commercialisation des diamants provenant des mines de Marange au Zimbabwe, suspendues après la révélation de violations de droits de l’Homme, mais a averti qu’elle resterait vigilante. L’Union européenne salue "en particulier" l’engagement renouvelé du Zimbabwe de résoudre les problèmes de non-conformité aux standards du processus de Kimberley dans l’ensemble de la région de Marange, ainsi que la mise en place "d’un mécanisme de suivi crédible" et l’implication de la société civile pour améliorer la transparence.

Dans un communiqué, le président du Conseil mondial du diamant, Eli Izhakoff, qui a assisté à la plénière, a salué la signature et souligné entre autres le "rôle déterminant" de l’Union européenne qui a proposé l’accord entériné après "plus de deux ans" de négociations entre les parties. "J’espère ardemment qu’il nous permettra de faire aller de l’avant le processus de Kimberley et l’industrie" diamantifère, a-t-il ajouté.

"C’est vraiment une parodie, qui remet en question l’avenir du Processus de Kimberley et ses références en tant que système qui garantit aux consommateurs que leurs diamants ne sont pas tachés de sang", a réagi Mike Davis, du groupe de défense des droits de l’homme Global Witness. Faisant allusion aux méthodes du président Mugabe, Mike Davis insiste sur le fait que "les principaux bénéficiaires pourraient bien être particulièrement douteux, et, pour certains, des personnages violents de l’establishment politique du Zimbabwe qui cherchent comment financer leurs exactions et intimidations des campagnes électorales".

Le Mouvement pour un changement démocratique (MDC) du Premier ministre Morgan Tsvangirai, adversaire de Mugabe, bien qu’associé à lui dans un fragile gouvernement d’union nationale, ainsi que des groupes de défense des droits de l’Homme accusent le camp du président de détourner les bénéfices tirés des diamants à son propre profit, alors que des élections sont envisagées l’an prochain.

Pour Morgan Tsvangirai, la reprise des ventes n’est envisageable qu’à condition que les revenus aillent dans les caisses de l’Etat et non dans celles de son adversaire politique. "J’espère que ce feu vert du Processus de Kimberley permettra au gouvernement de contrôler les ressources de Marange d’une manière transparente et ouverte", a insisté le Premier ministre.

Une équipe de contrôle du processus de Kimberley visitera avant la fin du mois la puissante société minière chinoise Anjin, qui opère à Marange, et les nouvelles mines "dans les quatorze jours suivant la date d’invitation", est-il précisé. "Dès vérification de la conformité, les exportations pourront démarrer immédiatement", a-t-il également été décidé.

Retour des violences politiques

La décision intervient en outre alors que les violences politiques semblent reprendre dans le pays, selon Morgan Tsvangirai qui n’hésite pas à désigner les partisans du président Mugabe et les forces de sécurité du Zimbabwe comme responsables. Mardi, dans le centre de Harare, la police anti-émeutes a condamné les locaux du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), et a tiré des gaz lacrymogènes à l’intérieur du bâtiment ainsi qu’en direction des passants.

"Les éléments de la sécurité d’Etat ont initié un coup d’Etat contre l’autorité civile, et se trouvent désormais au-dessus des lois, au point de pouvoir perturber les actions gouvernementales et d’agresser des civils en toute impunité", a-t-il déclaré.

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