Psychiatrie, les sénateurs reprennent la tête
Deux articles, et une chronique de François MorelPublié le 9 mai 2011 sur OSIBouaké.org
La plume et le bistouri - Eric Favereau
« Ah ça oui, c’est inédit », lâche-t-on au Sénat. On pourrait dire, en tout cas, que c’est une histoire de fous, car mardi soir à la commission des affaires sociales du Sénat, il s’est passé quelque chose de peu fréquent. Nos bons sénateurs discutaient du texte sur la réforme de l’hospitalisation en psychiatrie. Manifestement, il y avait un point d’agacement autour de la nouvelle notion de soins ambulatoires sous contrainte : schématiquement, jusqu’à présent seule l’hospitalisation pouvait se faire en psychiatrie sans l’accord du patient, or le projet du gouvernement adopté en mars par les députés a instauré les soins ambulatoires sous contrainte. C’est-à-dire que l’on pourra désormais obliger des personnes à prendre leur traitement, même s’ils ne sont pas à l’hôpital.
Une mesure très controversée, approuvée par l’UNAFAM (union nationale des familles de malades) mais violemment critiquée par bon nombre de psychiatres. Les sénateurs de la commission ont finalement écouté ces derniers et ont détricoté sur ce point le projet de loi. Ils ont voté une série d’amendements, mais après, rien. Et ô surprise, aucun texte n’a été adopté par la commission. A la grnde fureur de la secrétaire d’Etat à la santé.
Que va-t-il se passer, alors que le débat est prévu le 10 et 11 mai prochain ? Nul ne le sait. Il se peut que ce soit le texte, voté par les députés, qui soit finalement proposé au débat. Il se peut, aussi, que le gouvernement retire son projet. Mais on l’ignore. C’est l’inconnu. Et le désordre. Un comble pour un projet qui se voulait très contrôlé.
Sur Public Sénat :
Le 04.05.2011 - Par Pierre Bonte-Joseph et François Vignal
Imbroglio. Contre toute attente, le texte sur la psychiatrie a été rejeté mardi par la commission des affaires sociales. Une situation inédite, « jamais vue » au Sénat. Un amendement de la présidente centriste de la commission, voté grâce à des voix de gauche, a mis le feu aux poudres.
La commission des affaires sociales du Sénat a été le théâtre d’un imbroglio parlementaire. Les sénateurs ont planché mardi après-midi sur le texte sur la psychiatrie, qui doit être examiné en séance mardi prochain. Problème : il a été rejeté par la commission. Du « jamais vu » lâche-t-on au Sénat. C’est une première depuis la révision constitutionnelle de 2008, qui oblige les parlementaires a examiner dans l’hémicycle le texte tel qu’il a été voté et amendé en commission.
Le projet de loi sur la psychiatrie permet la présence du juge pour décider du maintien d’une hospitalisation d’office ou à la demande d’un tiers. Le texte instaure aussi une nouvelle possibilité : les soins ambulatoires – c’est-à-dire reçus en dehors de l’hôpital – sous contrainte et non plus seulement l’hospitalisation. L’idée est de permettre aux malades de recevoir des soins chez eux.
Mais pour la présidente de la commission des affaires sociales, la Nouveau centre Muguette Dini, c’est niet. La sénatrice a soutenu contre l’avis du gouvernement un amendement de suppression de l’article, adopté grâce aux voix de deux sénateurs UMP, Alain Milon et Christianne Kammermann, des centristes et… de la gauche, socialistes et communistes. Désaveu pour le gouvernement. « Nous ne voyons pas comment quelqu’un qui est soigné sans son consentement peut être soigné chez lui », lance le sénateur UMP Alain Milon. « Ce n’est pas un texte sur la psychiatrie malheureusement, mais plus sur l’hospitalisation d’office ou à la demande d’un tiers d’une personne dangereuse ». Les faits divers de Pau (un meurtre), Grenoble (un meurtre) et Perpignan (des agressions au couteau) dus à des patients atteints de troubles psychiatriques avaient marqué l’opinion. Nicolas Sarkozy avait demandé fin 2008 une réforme du droit de l’hospitalisation psychiatrique.
La sénatrice UMP Isabelle Debré, favorable au texte d’origine, a voté contre l’amendement de suppression de Muguette Dini. « C’est vrai que si quelqu’un ne veut pas se faire soigner, ce sera plus dur d’avoir des soins », reconnaît-elle, « mais je pense qu’on peut y arriver ». « Il faut donner la possibilité de se réinsérer tout en prenant des soins. Certaines personnes ont de gros problèmes psychologiques. Doit-on pour autant les priver de liberté toute leur vie ? », demande Isabelle Debré.
Quand en fin d’après-midi vient le moment de voter sur l’ensemble du texte, après le vote de pas moins de 170 amendements, la commission rejette la nouvelle mouture. La majorité des sénateurs UMP, qui suivent la ligne du gouvernement, votent contre comme les sénateurs… communistes ! Certes pas pour les même raisons. Les socialistes se sont abstenus. « On s’est retrouvé sans majorité », lance Alain Milon.
Résultat : aucun texte ne ressort de la commission. « Beaucoup de monde était très en colère, notamment la ministre » Nora Berra, affirme la communiste Annie David. Que faire ? Après un moment de tergiversation, les services de la séance et de la commission tranchent : selon l’article 42 de la constitution, à défaut, c’est le texte de l’Assemblée qui sera examiné en séance mardi après-midi prochain. Le matin, le texte repassera en commission.
Sollicitée, Muguette Dini a refusé de réagir. « Elle s’est sentie désavouée par la commission. C’est plutôt un couac », glisse un de ses membres. Qui ajoute : « Pour le moment, elle ne souhaite pas s’exprimer lors de la discussion générale mardi prochain. Mais elle a la semaine pour réfléchir et la nuit porte conseil ».
François Morel en parle dans sa chronique sur France Inter du vendredi 6 mai 2011... Ecoutez ici.