La Libye, un enfer pour les Africains noirs

Publié le 1er septembre 2011 sur OSIBouaké.org

le carnet de Colette Braeckman - 31 Aout 2011 - Il ne fait pas bon avoir la peau noire dans la Libye d’aujourd’hui. Venant d’Amnesty International, de Human Rights Watch, de Médecins sans frontières, du CICR, témoignages et appels se multiplient : à Tripoli, selon MSF  , des centaines de migrants, pour la plupart originaires d’Afrique noire, du Soudan et de Somalie entre autres, vivent dans la terreur, sans sécurité ni soins médicaux. Un millier d’entre eux se cachent sur des bateau, dans une base militaire abandonnée, 200 autres ont cherché refuge dans une ferme depuis que les combats font rage au sud de la capitale. Tous refusent de quitter ces camps de fortune, craignant d’être harcelés, battus ou tués. Pour sa part, une délégation d’Amnesty, qui visitait les hôpitaux de Tripoli, a vu des « thuwwar » (rebelles) frapper des malades noirs, extraire de son lit un patient noir et l’arrêter. Ces hommes à la peau foncée ne sont pas tous des migrants venus d’Afrique sub saharienne, beaucoup sont des nationaux originaires, entre autres de la ville de Tawargha, à l’ouest du pays, une région où vivent de nombreux Libyens noirs. Visitant les centres de détention de Tripoli et al Zawiya, Amnesty a constaté qu’un tiers des détenus étaient originaires d’Afrique noire et dans un quartier pauvre de la capitale, un groupe d’Erythréens terrorisés a été découvert. Ils ont déclaré qu’ils se cachaient, craignant faire l’objet d’agressions violentes. Comme pour confirmer ces craintes, des journalistes britanniques (the Guardian, the Independent) ont découvert une trentaine de corps en décomposition, des Africains noirs qui avaient été tués dans un hôpital de fortune alors qu’ils gisaient sur des brancards ou se trouvaient dans une ambulance.

Même si le Conseil national de transition a diffusé des consignes incitant au respect du droit international, sur le terrain, les combattants rebelles pourchassent les Africains noirs, persuadés qu’il s’agît de mercenaires à la solde de Kadhafi. Une rumeur démentie par Peter Bouckaert, de Human Rights Watch, qui assure n’avoir rencontré aucun mercenaire africain sur le terrain.

En fait, les insurgés ne se contentent pas de traquer les membres d’une éventuelle « cinquième colonne » d’origine africaine : le New York Times décèle dans leurs propos des « accents racistes » et rappelle qu’à Misrata, certains slogans promettaient de « purger le pays de ses esclaves à peau noire » tandis qu’un graffiti traitait même Kadhafi de… « juif démoniaque ».

En plus du racisme anti-noir, que l’on retrouve en Egypte et dans d’autres pays arabes, l’attitude des rebelles s’explique aussi par le fait que sous Kadhafi, la Libye employait plus de deux millions de travailleurs d’origine africaine. Ces derniers occupaient les emplois subalternes souvent dédaignés par les Libyens de souche qui méprisaient ces « soutiers » de leur économie qui avaient cependant accès, eux aussi, aux soins médicaux et à des logements décents.

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