Santé infantile : le G8 débloque plus de 4 milliards… pour rien ?

Publié le 29 juin 2010 sur OSIBouaké.org

Par David Servenay | Rue89 | 26/06/2010 | 12H19

Quand le monde entier aura oublié ce sommet du G8 au Canada, « l’initiative de Muskoka » restera accolée à un chiffre : 5 milliards de dollars [un peu plus de 4 milliards d’euros] sur cinq ans en faveur de la santé maternelle et infantile dans les pays pauvres. La somme paraît énorme, les ONG dénoncent une politique au rabais et des promesses non tenues.

Il était un peu plus de deux heures du matin (heure française) ce samedi, lorsque le premier ministre canadien Stephen Harper a fièrement annoncé la création d’un fonds public de 5 milliards de dollars sur cinq ans, plus quelques dons privés :

« L’exemple donné par les dirigeants du G8 a attiré des dons et des contributions d’autres pays (non membres du groupe) et fondations pour plus de 2,3 milliards [1,9 milliards d’euros], ce qui donne au total 7,3 milliards [6 milliards d’euros]. »

Les autres pays ? Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Corée du Sud, Espagne, Suisse et la Fondation des Nations-unies, sans que l’on sache qui a donné quoi. Les privés ? La Fondation Gates (Bill et Melinda) qui met 1,5 milliard [1,2 milliard d’euros] supplémentaire. Sur le papier, l’offre semble généreuse.

1,1 milliard de dollars ? Le coût du sommet sur trois jours

Faux, répondent les ONG qui se sont penchées sur le problème. Sébastien Fourmy suit le sommet du G8 pour Oxfam :

« Cette année, le sujet phare est la santé maternelle. L’année dernière, en Italie, c’était la crise alimentaire. Chaque année les pays du G8 prennent une nouvelle initiative. Mais avec la stagnation de l’aide globale, ils ne font que déplacer l’argent. Les seuls fonds additionnels proposés par le Canada, 1,1 milliard de dollars [900 millions d’euros] sur cinq ans, correspondent au coût de l’organisation du sommet sur trois jours ! […]

La réalité est que l’argent “ supplémentaire ” promis pour la mortalité maternelle devra provenir d’autres budgets issus de secteurs vitaux, tels que l’éducation et l’alimentation. »

Oxfam reprend les estimations du secrétaire général de l’ONU  , qui tablait sur un besoin de 15 à 20 milliards de dollars [12 à 16 milliards d’euros] supplémentaires, chaque année. On est donc loin du compte dit l’ONG, rappelant les promesses passées du G8 :

« Les promesses non-tenues du G8 se succèdent :

* 50 milliards de dollars [40 milliards d’euros] supplémentaires par an pour l’aide publique au développement d’ici à 2010 (promesses de 2005), * accès universel aux traitements contre le VIH   pour 2010 (2006), * 60 milliards [48 milliards d’euros] pour la santé (2007), * 22 milliards de dollars [18 milliards d’euros] sur l’agriculture et la sécurité alimentaire (2009)…

La priorité est de tenir les engagements déjà pris, de présenter des plans de rattrapage et les moyens détaillés d’y parvenir, y compris avec des financements innovants. C’est une question de crédibilité. »

Il manque 350 000 sages-femmes

Parmi les enjeux prioritaires, les ONG insistent sur la nécessité de faire progresser les Objectifs du millénaire pour le développement 4 et 5 :

* OMD   4 : réduction de deux tiers du taux de mortalité infantile entre 1990 et 2015, * OMD   5 : réduction de trois quarts du taux de mortalité maternelle entre 1990 et 2015, * Sans oublier le manque criant de personnels de santé : 4 millions dans les pays en développement, dont 350 000 sages-femmes.

Julien Potet, responsable des plaidoyers santé pour Oxfam France, rappelle un précédent :

« Une forte mobilisation de la communauté internationale a déjà porté ses fruits dans d’autres domaines, comme dans la lutte contre le Sida  . Or, le G8 a une certaine légitimité pour mobiliser les énergies, coordonner l’aide et impulser ce genre de politique. Comme il y a beaucoup de mesures dans l’initiative de Muskoka, nous redoutons qu’avec une somme aussi faible, l’aide soit saupoudrée et qu’elle n’ait pas d’effet significatif sur les systèmes de santé. »

Quant à la France, plutôt en pointe dans le domaine de la lutte contre le sida  , elle n’a pas encore précisé le montant de son aide. La cause maternelle semble moins porteuse, alors qu’à chaque minute, une femme enceinte meurt quelque part dans le monde. Enfin « quelque part », c’est à 99% dans les pays pauvres.

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