Un « B moins » pour le système humanitaire

L’aide humanitaire d’urgence s’est améliorée mais doit encore faire des efforts, d’après la plus grande étude jamais réalisée pour évaluer la performance de ce secteur.

Publié le 16 février 2010 sur OSIBouaké.org

Dakar, 9 février 2010 (IRIN) - L’aide humanitaire d’urgence s’est améliorée mais doit encore faire des efforts, d’après la plus grande étude jamais réalisée pour évaluer la performance de ce secteur.

Des évaluateurs du Réseau d’apprentissage actif pour la redevabilité et la performance de l’action humanitaire (Active Learning Network for Accountability and Performance in humanitarian action - ALNAP ) ont évalué l’action des bailleurs de fonds, des agences des Nations Unies, de l’Organisation internationale pour les migrations, du mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et des ONG (organisations non gouvernementales) en termes de couverture des besoins humanitaires à l’échelle mondiale et de coordination.

L’étude s’est appuyée sur des entretiens avec des centaines de travailleurs humanitaires, ainsi que sur des analyses de données financières et des évaluations d’organisations.

Tandis que les évaluations multi-organisations réalisées jusque là portaient sur des interventions d’urgence particulières - notamment l’Evaluation conjointe de l’aide d’urgence au Rwanda (ECAUR) et la coalition d’évaluation de l’intervention à la suite du tsunami (Tsunami Evaluation Coalition - TEC) - ALNAP a estimé qu’il était temps d’analyser les forces et les faiblesses du secteur dans son ensemble, afin d’identifier les directions à prendre.

« On ne peut pas évaluer la performance d’un système national de santé en se contentant d’évaluer les hôpitaux individuellement », a dit à IRIN John Mitchell, directeur d’ALNAP. « Nous avons besoin d’une évaluation parce que ces 20 dernières années, le secteur humanitaire s’est développé et les attentes sont devenues plus importantes ; le secteur est [davantage mis en avant dans les agendas politiques] et est plus observé par les médias ; et en principe il existe un consensus sur le fait que [l’action humanitaire devrait être] plus cohérente ».

Surprises

D’après M. Mitchell, la première surprise que l’étude a réservée aux évaluateurs est que le système s’améliore en réalité. L’ECAUR avait dressé un portrait effrayant d’une aide non coordonnée et inefficace, et la TEC avait dépeint un secteur où la compétition entre organisations l’emportait sur la coopération.

Cette récente analyse a montré que l’aide devenait dans l’ensemble « plus efficace, mieux coordonnée et plus satisfaisante en termes de délais », a dit M. Mitchell. Le système de coordination par groupe de responsabilité sectoriel (’cluster’), s’il est loin d’être parfait, s’est néanmoins amélioré, et le Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) des Nations Unies a accéléré les processus de financement de première phase, a observé ALNAP.

« Il y a plus d’argent, et cet argent est distribué plus équitablement [entre les différents secteurs humanitaires] », a dit M. Mitchell.

Le personnel humanitaire est la plupart du temps mieux formé et plus professionnel - bien que ce point reste à améliorer et que le ’turn-over’ soit encore trop important. D’après le rapport, les organisations assument une responsabilité de plus en plus grande vis-à-vis des bénéficiaires.

Enfin, le secteur continue à innover - on observe ainsi l’adoption de nouvelles technologies ; l’utilisation de nouvelles méthodes, telles que la prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë ; ou encore une évolution des mentalités au sein des gouvernements, qui, par exemple, se préparent aux catastrophes en contractant des assurances climatiques.

Plus ça change

Mais de nombreuses faiblesses restent intraitables. Un certain nombre de secteurs humanitaires continuent à être négligés d’année en année, parmi lesquels : la protection, le relèvement rapide, la préparation aux urgences et la réduction des risques de catastrophes, d’après les personnes interrogées.

Si certaines organisations sont plus enclines à demander l’avis de leurs bénéficiaires, cette démarche n’inspire pas nécessairement leur action. Et lorsqu’elles évaluent leurs programmes, l’accent est toujours davantage mis sur les forces et les faiblesses de l’aide apportée que sur le degré de couverture des besoins. « Il n’existe toujours aucune méthode claire pour identifier les besoins non satisfaits », a dit M. Mitchell.

Le renforcement des capacités locales - expression très largement utilisée -, a certes progressé dans la plupart des régions, mais la majorité des organisations internationales et des bailleurs sont encore trop négligents en la matière, d’après ALNAP.

« Quand 13 ONG ont été expulsées du Darfour, personne [n’a demandé] pourquoi après trois, quatre, cinq ans, il n’y avait pas de capacités locales. Qu’est-ce qu’ont fait les ONG pendant toutes ces années ? », a dit un travailleur humanitaire.

D’après M. Mitchell, le principal signe indiquant qu’une amélioration est nécessaire est sans doute le fait que les besoins humanitaires dépassent toujours les capacités de réponse du système. Ces trois dernières années, en moyenne 30 pour cent des besoins annoncés dans les appels globaux et éclairs des Nations Unies n’ont pas été satisfaits.

Prochaines étapes

Les leçons tirées de l’expérience humanitaire peuvent mettre des années à faire changer les comportements, a dit M. Mitchell. « La courbe d’apprentissage est redoutablement lente. mais les facteurs de changement, tels que l’importance accordée à l’optimisation des ressources, la responsabilité et la transparence, sont plus forts qu’auparavant ».

M. Mitchell a dit qu’il espérait que cette évaluation serait la première d’un longue série, et que les rapports à venir accorderaient davantage de place aux retours des bénéficiaires et examineraient de plus près le rapport coût-efficacité et le gaspillage dans les dépenses humanitaires.

« L’intention d’ALNAP est d’aider tous les partenaires humanitaires à fixer des objectifs communs d’amélioration, et à créer un secteur plus transparent, plus dynamique, plus confiant ».

« Le secteur a grandi et beaucoup changé ces 10 dernières années. Mais il reste beaucoup de chemin à faire. Dans l’ensemble, le système mérite un B moins ».

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