Au G8, relançons le Fonds mondial contre le sida

Par Simon Kaboré et Fogué Foguito

Publié le 8 juillet 2009 sur OSIBouaké.org

Publié sur Rue89 - 07/07/2009 - 19:36

Pour la première fois, nous allons participer au G8 en tant que représentants de la société civile du Sud. Nous sommes ravis d’avoir cette opportunité de porter auprès des dirigeants les plus influents de la planète et auprès des médias internationaux les questions qui nous préoccupent quant au financement de la lutte contre le VIH  , la tuberculose et le paludisme dans nos pays.

Dans l’histoire des sommets du G8, le dernier tenu en Italie est tristement célèbre, suite à la mort d’un manifestant, Carlo Giuliani. Pour nous, Gênes fut surtout synonyme d’espoir, et le début d’une révolution sanitaire dans nos pays. C’est en effet à cette occasion que le Fonds mondial de lutte contre le VIH  , la tuberculose et le paludisme a été créé il y a huit ans, révolutionnant le financement de la lutte contre le VIH   et le rôle de la société civile dans la prise en charge de cette pandémie.

D’ici 2010, le fonds a besoin de 5 milliards de dollars

Le Fonds mondial est un pot commun, abondé par les pays riches, qui achemine les financements jusque dans nos pays. Chaque pays en développement présente au conseil scientifique du Fonds mondial ses programmes de lutte contre les trois pandémies, qui sont ensuite financés (ou non) en fonction de leur efficacité.

Depuis maintenant huit ans, en tant qu’individus engagés dans la promotion de la santé, nous avons appris à déposer des projets chaque année, à les suivre et à les évaluer. Nous avons proposé des projets de qualité, de plus en plus ambitieux pour venir à bout des trois pandémies. Avec des milliers d’autres acteurs de terrain, nous avons par nos actions fait du Fonds mondial un succès, concrétisant comme jamais auparavant l’espoir de l’accès universel aux traitements anti-sida  

Au Cameroun par exemple, le Fonds mondial a permis à lui seul de mettre gratuitement sous traitement anti-sida   70 000 personnes. Au Burkina-Faso, il a notamment permis à la société civile, et aux associations de personnes concernées, d’être reconnues pour le rôle qu’elles endossent depuis longtemps, dans la prise en charge notamment psychosociale des malades.

Les pays « donateurs » rechignent à honorer leurs engagements

Réussite incontestable qui prouve que ces pandémies ne sont pas une fatalité, le Fonds mondial est pourtant en danger. D’ici 2010, il a besoin de 5 milliards de dollars pour assurer la continuité des programmes mis en place, et la mise en œuvre de tous les programmes acceptés. En dépit d’engagements répétés, dont celui de permettre un accès universel aux traitements pour les malades du sida   d’ici 2010, les pays donateurs rechignent à payer.

Nous voulons par notre présence, témoigner du succès de ce mécanisme, et en même temps souligner sa fragilité. Au Cameroun, si le Fonds mondial, faute de moyens, ne finance pas en novembre 2009 les projets qui avaient été acceptés, non seulement l’accès aux traitement pour les personnes qui en ont besoin continuera d’être semblable à une tragique loterie, mais des dizaines de milliers de malades du sida   risquent d’être soudainement privés de traitements…

Une telle situation est catastrophique. Une interruption de traitements antirétroviraux, même temporaire, constitue un risque vital pour les personnes qui la subissent : il faut des mois, parfois des années, pour trouver un traitement efficace, s’y habituer et en supporter les effets indésirables. Quand une combinaison médicamenteuse fonctionne, il faut absolument la conserver. C’est d’autant plus vrai dans nos pays, où les médicaments de deuxième ou troisième génération, ne sont pas comme en Europe, accessibles à tous.

Taxer les transactions de change pour financer l’accès à la santé des pays du Sud

L’urgence est de donner au Fonds mondial les 5 milliards de dollars qui lui manquent d’ici 2010. Au-delà de cette échéance, pour pérenniser les projets et espérer atteindre l’objectif de l’accès universel au traitement anti-sida  , il faut trouver 23 milliards de dollars annuels supplémentaires.

C’est pour cela que nous nous rendons au G8. Témoins de la pandémie, nous ne supportons plus de voir mourir nos proches, parents et amis, jour après jour, alors que les remèdes existent. Responsables d’associations, nous ne voulons plus nous retrouver devant le dilemme qui consiste à choisir entre une mère et ses enfants, entre deux membres d’une même famille, au moment d’attribuer un traitement. Citoyens du monde, nous ne voulons pas croire que les leaders des pays riches peuvent trouver 400 milliards en quelques jours pour le FMI, mais ne sauront pas trouver les quelques milliards qui éviteraient l’autre crise au seul motif que celle-ci est invisible.

L’idée d’une micro-taxe sur les transactions de change proposée par Bernard Kouchner nous semble une solution appropriée pour sortir de l’impasse. Indolore et techniquement facile à mettre en place, elle rapporterait au moins 40 milliards de dollars, de quoi financer l’accès à la santé des pays du Sud !

Tant d’attentes pour ce G8… rendez-vous après le sommet pour savoir si nous aurons été entendus.

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