L’Onu inquiète du sort des migrants en détention
Au Nord, comme au Sud, les migrants sont de plus en plus nombreux à être parqués dans des conditions souvent inacceptablesPublié le 4 octobre 2009 sur OSIBouaké.org
Carole Vann, Infosud, 22 septembre 09 - Chaque année, des millions de personnes risquent leur vie pour traverser les frontières à la recherche d’un travail. Nécessité économique pour les pays riches, ils sont pourtant traités comme des criminels, alors que, pour beaucoup, leur seul crime est d’avoir cherché à fuir la misère. Mal protégés, ils sont soumis à l’arbitraire des pays d’accueil. Arrêtés, ils se retrouvent derrière les barreaux, sans soutien juridique. Souvent confinés dans des lieux surpeuplés, privés de soins, parfois sans alimentation ni eau potable, ils attendent d’être renvoyés chez eux, au mépris de tout respect. Avec la crise mondiale, le phénomène s’amplifie.
En juin dernier, la Côte d’Ivoire et le Brésil– deux pays aussi touchés par ce drame humain – tiraient la sonnette d’alarme au sein du Conseil des droits de l’homme. Les Etats membres avaient alors adopté une résolution sur la nécessité de s’attaquer au problème de la détention administrative des sans papiers. C’est ainsi qu’une réunion débat consacrée aux droits des migrants dans les centres de détention s’est déroulée durant la matinée de jeudi dans l’enceinte de l’ONU à Genève.
« Séjourner dans un État sans visa valable est généralement considéré comme une infraction administrative et non un délit pénal. Souvent, les immigrants en situation irrégulière vivent dans un pays pendant de longues années, y gagnent honnêtement leur vie dans des conditions parfois très difficiles et non conformes aux normes établies », a rappelé en ouverture la Haut Commissaire aux droits de l’homme, Navy Pillay.
« Criminaliser le séjour irrégulier d’un migrant sort du cadre de l’intérêt légitime des États à contrôler et réglementer l’immigration, a-t-elle poursuivi. D’autre part, l’immigration irrégulière associée à la criminalité favorise la stigmatisation des personnes migrantes ainsi que la xénophobie à leur encontre. La privation de liberté doit être une mesure de dernier recours. Or les migrants arrivant irrégulièrement dans un pays sont trop souvent mis en détention, privés de toute sauvegarde juridique. Ces procédures n’épargnent pas les enfants qui, dans de nombreux pays, sont maintenus en détention administrative prolongée sans motif valable. »
Une prise de position claire qui va dans le sens du rapporteur spécial sur les droits des migrants. Jorge Bustamente a insisté sur le problème des mineurs : « La détention des enfants liés à la migration ne doit pas être justifiée par le maintien de la cellule familiale. »
L’expert a souligné la nécessité de réfléchir aux causes de ces préoccupations qui relèvent, d’une part, du manque de reconnaissance du lien existant entre migration irrégulière et demande de main-d’œuvre dans les pays de destination et, d’autre part, de la tendance croissante à criminaliser la migration irrégulière.
« Les victimes du trafic de personnes sont parfois doublement victimes en ce sens qu’il n’est pas tenu compte de leur condition de victime et qu’elles se voient alors accusées d’entrée illégale dans le pays », a-t-il relevé.
Les intervenants ont reconnu que les centres de détention devraient être l’exception et utilisés uniquement comme ultime recours lorsque des mesures moins restrictives se sont révélées inefficaces ou ont échoué.
En matière d’alternatives, Vanessa Lesnie, de la Commission australienne des droits de l’homme, a présenté un projet pilote mené en partenariat avec les autorités de son pays : l’intégration des migrants dans une communauté, avec une liberté restreinte. « Le gouvernement a compris que l’accueil des migrants au sein de la société s’avère plus efficace et moins coûteuse qu’une détention fermée, a-t-elle affirmé. Environ, 94% des migrants concernés se plient aux conditions mises à leur non-détention et 76% des personnes sont retournées volontairement dans leur pays. »
L’Australienne a souligné que les erreurs du passé avaient été coûteuses pour son pays. Certaines d’entre elles auraient pu être évitées. A présent, son ONG, invitée à visiter les lieux de détention, publie ses propres rapports et envoie ses commentaires sur les rapports nationaux.
Pour Abdelhamid El Jamri, président du Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants et de leurs familles, il s’avère urgent que tous les pays ratifient la Convention de l’ONU sur les travailleurs migrants (CMW) – quasiment aucun Etat européen ne l’a ratifiée. « Si cette Convention n’est pas ratifiée dans les pays du Nord, elle perd tout son sens, puisque c’est là-bas qu’ont lieu essentiellement les violations », soutient-il.
L’expert marocain rappelle que les politiques migratoires dépassent les cadres nationaux. « Les pays doivent trouver des espaces de dialogue pour discuter des points de vue du Nord et du Sud », soutient-il.
Au terme de la journée, le Bengladesh a proposé qu’un nouveau mandat soit créé à l’ONU pour contrôler que les droits humains soient respectés dans les centres de détention administratives.