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Mince lueur d’espoir pour les PVVIH d’Afrique du Sud


JOHANNESBURG - 30 novembre 2006 -

La dernière conférence internationale sur le sida   aura-t-elle signé la fin du mandat confié à la ministre sud-africaine de la Santé, Manto Tshabalala-Msimang ? Les kiosques commandités par son ministère en août dernier à Toronto, faisant la promotion de l’ail et des betteraves pour lutter contre le syndrome d’immunodéficience acquise, ont suscité un véritable tollé en Afrique du Sud. Brisant la cohésion du cabinet, le ministre du Développement social, Zola Skweyiya, avait vilipendé sa collègue pour sa « mauvaise gestion » de la conférence de Toronto.

Le mois dernier, le gouvernement de Thabo Mbeki profitait du retrait momentané de Manto Tshabalala-Msimang, hospitalisée pour une infection pulmonaire, pour annoncer que, dorénavant, la lutte contre le sida   serait gérée non pas par le ministère de la Santé, mais plutôt par le South African National Aids Council, présidée par la vice-présidente du pays, Phumzile Mlambo-Ngcuka.

Parallèlement, Mlambo-Ngcuka et la vice-ministre de la Santé, Nozizwe Madlala-Routledge, procédaient avec succès à un rapprochement avec le Treatment Action Campaign (TAC), principal mouvement sud-africain de personnes séropositives, pourtant grandement ignoré des autorités gouvernementales. Désirant rétablir le dialogue avec le TAC lors d’une rencontre de l’organisation le 27 octobre, la vice-présidente a déclaré : « Nous devons porter la lutte contre le sida   à un niveau beaucoup plus sérieux ». Une allusion à peine voilée aux positions de la ministre Tshabalala-Msimang, qui tarde encore à reconnaître le lien entre le VIH  ... et le sida  .

En 2000, le TAC avait pourtant fait front commun avec le gouvernement sud-africain, alors poursuivi en justice par les multinationales thérapeutiques qui voulaient faire avorter son programme de production de médicaments génériques. L’année suivante, c’est le TAC qui portait accusation contre le gouvernement de Pretoria, en raison de son manque de volonté à distribuer des médicaments contre le sida  .

À l’époque, la distribution gratuite de la névirapine, un médicament qui combat la transmission du virus d’une femme enceinte à son fœtus, était l’objet du litige. En 2003, dans une autre cause judiciaire portée par le TAC, la Cour avait obligé le gouvernement sud-africain à mettre en place un programme de distribution de médicaments antirétroviraux gratuits aux sidéens. Mais c’est à contrecœur que la ministre de la Santé avait obéi, questionnant publiquement l’efficacité de ces médicaments.

Dr Garlic

L’Afrique du Sud figure parmi les pays les plus touchés par la pandémie du VIH  -Sida  . Plus de 5,5 millions de personnes sont infectées par le virus, sur une population de 47 millions. Parmi la population active (19 à 49 ans), c’est presque une personne sur trois qui a contracté la maladie. En juin de cette année, seulement 175 000 personnes recevaient les médicaments antirétroviraux distribués par le gouvernement.

Nombreux sont ceux qui reprochent au gouvernement sud-africain son attitude « dénégationniste » (denialist) quant au VIH  -Sida  . En 2000, à la veille de la conférence internationale sur le sida   à Durban, le président Thabo Mbeki avait ouvertement remis en question le lien entre le VIH   et le sida  , prétextant qu’il y avait là deux choses fondamentalement différentes. Selon lui, le sida   était le résultat de la pauvreté chronique prévalant sur le continent africain. Le successeur de Nelson Mandela avait aussi émis l’idée voulant que les médicaments antirétroviraux causent la mort, plutôt que le sida   lui-même. Mbeki avait alors confié que jamais il ne conseillerait à ses proches de prendre des antirétroviraux.

Thabo Mbeki tombait ainsi sous le charme de Peter Duesberg, chef de file d’un groupe de « scientifiques » qui nient tout lien entre le VIH   et le sida  . Depuis, Mbeki et sa ministre de la Santé invitent régulièrement le biologiste à siéger dans les panels d’experts étudiant les moyens à prendre pour contrer la pandémie.

Manto Tshabalala-Msimang a provoqué l’ire des organisations oeuvrant dans le domaine du sida   en insistant davantage sur les bienfaits de son programme nutritionnel que sur l’efficacité des médicaments antirétroviraux. Depuis quelques années, elle parcourt le pays pour enseigner les vertus thérapeutiques de l’ail, du citron, des betteraves et de la patate africaine pour lutter contre la maladie. D’où le surnom de Dr Garlic que les critiques ont accolé à la ministre de la Santé. Pour le TAC, qui reconnaît l’importance d’une bonne alimentation pour diminuer les effets du sida  , ces moyens sont néanmoins largement insuffisants.

La secrétaire générale du Treatment Action Campaign, Sipho Mthathi, s’est réjouie du changement de garde au programme de lutte contre le sida  . « Notre compréhension est que la Présidence prend le contrôle de la situation et s’assurera que le ministère de la Santé fonctionne différemment ». Mais malgré le « changement significatif dans le discours et le ton du gouvernement », elle prévient qu’« au bout du compte nous devrons voir quelles seront les répercussions dans leurs actions ». Un réel engagement devra se traduire par une augmentation rapide du nombre de sidéens recevant les médicaments antirétroviraux, ajoute Mthathi.

« Tous les membres du gouvernement sont las de ce conflit, souligne Sipho Mthathi. C’en est devenu un enjeu moral pour le gouvernement de l’ANC. Il ne pourra jamais justifier ce qu’il a fait dans le passé, mais il a maintenant une chance de se rattraper ».

François L’ÉCUYER


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Publié sur OSI Bouaké le vendredi 1er décembre 2006

 

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