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Mbeki, c’est fini…

une bonne nouvelle pour la lutte contre le SIDA en Afrique du Sud ?


Afrique du Sud / mardi 23 septembre par Xavier Monnier pour Bakchich info

L’Afrique du Sud change de tête. Thabo Mbeki a présenté sa démission dimanche dernier, démission qui sera officiellement actée jeudi. La fin d’une longue lutte au sein du parti au pouvoir l’ANC, miné par les querelles depuis la retraite de Nelson Mandela…et un boulevard vers la présidence offert au sulfureux Jacob Zuma.

Mbeki, c’est fini, c’était pourtant le temps de leur deuxième amour, à ce peuple sud-africain, cette nation arc-en-ciel née en 1994 de la fin de l’apartheid. 5 ans après le règne de Nelson Mandela, premier président d’une Afrique du Sud multiraciale, son dauphin a pris le pouvoir en 1999. Sans faire de bruit.

Un amour de raison entre le peuple du bout du monde et l’austère dirigeant de l’Omnipotent African National Congress, quand une passion dévorante l’unit à Mandela. Pour Mandela la réconciliation, pour Thabo Mbeki, son successeur moulé à la très libérale université de Sussex, « la renaissance Africaine », le développement économique et la mutation de l’ANC – dont les scores n’ont cessé de progresser depuis 1990- vers un libéralisme à l’anglo-saxonne.

Un programme pas vraiment glamour pour un personnage qui ne l’était pas plus. Ni compagnon de prison de Mandela lors de son long séjour à Robben Island, ni membre de la branche armée de l’ANC, Mbeki se présente avant tout comme un diplomate, doublé d’un gestionnaire.

Et Mbeki laisse le pays dans son trône de leader diplomatique et économique africain. 25% du PIB du continent, 70% des routes bitumées de la zone. Autant d’éléments qui ont valu au petit Thabo les lauriers internationaux, et de menus soucis nationaux.

Le Black economic empowerment (BEE), mis en place en 1994 et accéléré sous le mandat de Mbeki a certes créé une bourgeoisie noire. Mais l’indicateur du développement humain du Programme des nations unies pour le développement (PNUD), le pays de Mandela a reculé de 35 places dans leur classement entre 1990 et 2005. L’espérance de vie, elle, est estimée à 49 ans et risque de diminuer du fait des 11 % de la population touchés par le Sida  . La faute à qui ? Au taux de chômage (pathologie des pays développés), qui atteindrait les 40 % de la population active et 49% de la population noire. Une véritable poudrière dont les explosions prennent diverses formes toujours plus sympathiques.

Zumajax électrise les foules

En juin 2005, les townships – quartiers pauvres et hauts lieux de résistance à l’apartheid des grandes villes sudafricaine - sont prêts à s’enflammer. En vue de les calmer, Mbeki leur avait envoyé les services secrets et autres commandos spéciaux, comme au bon vieux temps de l’apartheid…

Moins de trois ans plus tard, en mai 2008, changement de mœurs. Bouc-émissaires de la crise ambiante, l’étranger est pris à partie. Immigrés malien, congolais, ghanéens - autant de pays où l’Afrique du Sud a pris le contrôle de mines d’or et de diamants prolongeant la politique impérialiste du temps de l’apartheid - se retrouvent tout bonnement ratonnés, sans que ni le pouvoir ni même Thabo Mbeki ne réagissent… Après quelques semaines de lynchage, le président sud-africain trouvera tout de même un mot à dire : faire appel à l’armée, deux semaines après le début des « évènements ». Et l’autre osait dire que gouverner c’est prévoir…

Bref le social, Thabo veut faire, mais Mbeki n’y est jamais arrivé. Sans que cela ne l’accule à la démission, dimanche dernier, sous la pression de son propre parti l’ANC.

Moins que le déficit du bilan Mbeki sur le plan intérieur, le président a été évincé après une longue et lente révolution de palais, qui doit amener Jacob Zuma à la présidence, après les élection de 2009. Une lutte âpre, acharné, démarré il y a bien longtemps. Bien avant 2005 et la mise en examen de Zuma pour corruption et viol, vice-président de l’ANC et de l’Etat sud-africain, par le président Thabo Mbeki. Bien avant l’accession même de Mbeki à la présidence sud-africaine en 1999. Un lutte née dans la naissance de l’arc-en-ciel sud-africain, au plus fort de la lutte contre l’apartheid.

Zuma ou « Jay-Z » incarne plus le combat aux yeux du bon peuple que l’austère Mbeki. Un Zumajax qui électrise les foules. Plus africain, plus local, plus proche d’eux. Exubérant, héroïque, polygame. Jacob Zuma, bien plus que l’austère président Thabo Mbeki, parle à la foule. Une enfance pauvre dans le Zoulouland, dix ans de prison à Robben Island avec Mandela - durant lesquelles il apprend à lire et à écrire -, membre durant les vingt années suivantes de la branche armée de l’ANC, il organise la résistance à l’apartheid depuis le Mozambique et la Zambie. Premier dirigeant en exil à revenir au pays en 1990, son rôle dans les élections de 1994 est prépondérant. Le parti zoulou de l’Inkhata multiplie les violences et met en danger les premières élections multiraciales. Respectueux des chefs traditionnels zoulou, zoulou lui-même, Zuma les ramène dans le jeu démocratique et sauve le scrutin.

Il en faut moins pour bâtir un héros. En 1997, il est vice-président de l’ANC, il accède en 1999 au poste de vice-président de l’Afrique du Sud. L’ascension rêvée d’un autodidacte. Et à peine freinée depuis 2004. Accusé et quasi convaincu de corruption le leader de « la régénération morale » lance une souscription pour payer ses avocats. Succès ! Viré de la vice présidence de la République en juin 2005, son aura reste au zénith. Pendant ce temps, sa remplaçante - et femme du procureur qui a initié l’enquête de corruption contre Zuma -, Phumzile Mlamba-Ngucka patine, épinglée après avoir utilisé un avion officiel pour ses vacances. De là à penser que le Zumagicien a ensorcelé la fonction et le pays. La « deputy président » a d’ailleurs annoncé mardi 23 septembrequ’elle suivait Mbeki dans la démission

L’icône est trop belle pour qu’on la brise

Même l’opprobre du tabou absolu en Afrique du Sud ne semble pas à même de le briser. Quand la fille d’un de ses amis défunts l’accuse de viol, lui se défend benoîtement. « Il y a eu relation sexuelle, mais pas viol », il parle d’un gentillet massage qui a dérapé en un plus sec « zum-zum-zen ». Et lâche qu’il n’a pas pris de risque en ne se protégeant pas, puisqu’il a pris une douche juste après l’acte… Charmante attention qui fait écho aux positions de Mbeki ou de sa ministre de la santé sur le SIDA  , recommandant une bonne alimentation pour éviter d’être contaminé…

Les fans de Zuma popularisent la théorie du complot de l’aile libérale et pro-Mbeki de l’ANC contre leur leader. Le légendaire syndicat Cosatu, fer de lance de la lutte anti-apartheid, le défend publiquement le 29 janvier 2006 et assure qu’il n’ira jamais en prison. Gagné. L’icône est trop belle pour qu’on la brise. Acquitté.

Et porté à la présidence de l’ANC fin 2007, au prix d’un congrès houleux. La route vers la présidence de l’Afrique du Sud est droite, mais la pente est forte. Au milieu de cette cohabitation à la sud-africaine entre Zuma, zoulou et président du parti au pouvoir, et Mbeki, Xhosa [1]. Les deux seuls président noirs de l’histoire, Mandela et Mbeki étaient Xhose, président de la république, une date butoir. Le 12 semptebre 2008. Le Zumagicien a introduit un recours pour inconstitutionnalité contre les accusations de corruption dont il est la cible. Le tribunal de Pietermaritzburg, obscure ville du Transvaal, berceau des Afrikaners, l’absout. L’histoire est écrite. Blanchi, Zuma marche vers la présidence. Mbeki n’y peut plus rien. Une semaine plus tard, l’ANC demande la démission du président de la république. Thabo s’y plie deux jours plus tard. Un nouveau président, chargé de diriger le pays jusqu’aux élections de 2009, sera bientôt investi. Mais le sort en est jeté. Jacob Zuma, le zoulou autodidacte, sera président.


[1] Zoulou et Xho sont les deux principales ethnies d’Afrique du Sud


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Publié sur OSI Bouaké le mercredi 24 septembre 2008

 

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