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Mali : des enfants séropositifs “absents” du système de santé


Bamako, 14 octobre 2009 - IRIN - Les parents sont supposés survivre à leurs enfants, c’est ce que croyaient les grand-mères assises dans la salle de jeux pour les enfants de l’hôpital Gabriel Touré de Bamako, capitale du Mali. Elles ont toutes perdu leurs enfants de maladies liés au sida  , et se retrouvent quand elles amènent leurs petits-enfants séropositifs pour leur consultation.

« J’emprunte, je mendie – que puis-je faire d’autre ? Je suis la seule personne qui veuille prendre soin de lui », a dit Mouta Tounkara, âgée de 61 ans, parlant de son petit-fils orphelin qui a commencé son traitement VIH   en janvier 2008.

Aminata Soumaoro a dit à IRIN que sa fille était morte à trois mois de grossesse, le bébé nouveau-né, une petite fille, a tout juste survécue, pas comme son père gravement malade. « Je ne voulais pas m’occuper de cet enfant prématuré, mais c’est plus facile maintenant car elle a grandi ».

Elle montre la petite fille de neuf ans. « J’ai déjà perdu ma fille, je ne veux pas la perdre elle aussi ». Mme Soumaro se rendait de village en village pour vendre du charbon mais elle s’est tournée vers l’agriculture car les ventes étaient faibles.

« 60 pour cent des enfants qui reçoivent un traitement VIH   à l’hôpital ont perdu un ou deux parents, et ils passent souvent de tuteur en tuteur », a dit Anta Koita, une des deux pédiatres employés à temps plein et spécialisés dans les soins VIH  .

« Elle n’est pas bonne avec le traitement de l’enfant. La charge virale [le taux de VIH   dans le sang] est toujours décelable après six années de traitement [antirétroviral] », a dit Mme Koita à IRIN.

« La personne qui l’a pris en charge, et qui est trop occupée, souvent une grand-mère, lutte pour accepter sa nouvelle responsabilité. Et même si les parents sont en vie, s’ils ne sont pas séropositifs, ils ne connaissent pas la gravité de la situation et l’importance d’aider leurs enfants avec les traitements médicaux ».

Manquants

Seule la moitié des 935 enfants sous antirétroviraux se rend régulièrement à l’hôpital pour des soins médicaux. Plus de 280 des patients pédiatriques VIH   sont classés comme « manquants » et plus de 100 enfants vivant avec le VIH   sont morts depuis 2002. « Mais c’est seulement quand nous obtenons une notification officielle – c’est difficile de savoir combien d’enfants nous perdons à cause du sida   », a dit Mme Koita.

Le Mali possède 31 centres de traitement VIH   répartis dans le pays et 65 docteurs formés pour traiter les enfants atteints du VIH  . Les soins pédiatriques VIH   sont disponibles depuis 2002, et depuis, l’hôpital Gabriel Touré, le plus grand fournisseur, a notifié à plus de 3 000 familles dans le pays que leur enfant était séropositif.

Selon le ministère de la Santé, sur les 1 428 jeunes et enfants qui ont commencé à prendre des antirétroviraux, 462 ont abandonné le traitement. « Certains enfants sont tout simplement rejetés par leur famille, jetés dehors quand on découvre qu’ils sont séropositifs – nous ne savons même pas où ils sont », a dit Mme Koita.

Quand le père d’une petite fille de 9 ans séropositive est mort, probablement d’une maladie liée au sida  , sa tante paternelle l’a ignorée. « La tante refuse de venir à l’hôpital pour chercher son traitement d’antirétroviraux et pour qu’on puisse l’examiner », a dit Mme Koita à IRIN.

Pourtant, la quatrième épouse de l’homme décédé – pas de relation avec la petite fille – a accepté de venir depuis chez elle, à 80 kilomètres, pour que l’enfant puisse continuer son traitement. « Nous avons été marié un an avant qu’il meure », a dit la femme à IRIN. « Je suis d’accord pour aider, mais cela me coûte à chaque fois 20 dollars pour venir à l’hôpital ».

Une résistance aux médicaments antirétroviraux peut se développer s’ils ne sont pas pris régulièrement, chaque jour. « Je m’étais préparé à laisser tomber son traitement en septembre, et je l’avais mise sur la liste des cas de traitement abandonné, jusqu’à ce qu’une parente éloignée ne se fasse connaître. Nous allons reprendre le traitement, sachant que l’enfant peut avoir développé une résistance aux médicaments à cause de l’interruption du traitement », a dit Mme Koita.

Le manque d’éducation concernant le VIH  /sida   constitue un autre défi. Aminata Traoré, spécialiste du sida   pédiatrique au ministère de la Santé, a dit à IRIN qu’elle s’était occupée d’une grand-mère séropositive qui prenait les médicaments destinés à son petit-fils.

« Nous lui avons dit qu’elle n’avait pas besoin de prendre ce traitement, mais elle ne pouvait pas comprendre pourquoi l’enfant recevait des médicaments…et pas elle. Alors elle prenait les médicaments et maintenant elle est a développé une résistance à ces médicaments ».

Hausses de la couverture, traitements abandonnés

Selon les Nations Unies, de 2004 à 2007 le nombre de personnes qui ont commencé à prendre des antirétroviraux a augmenté, passant de quatre pour cent (de gens qui en avaient besoin) à 41 pour cent, mais Mme Traoré dit que cette hausse de la couverture masque le problème des enfants abandonnant le traitement.

« Il y a trop peu de personnels soignants qui sont concentrés sur le suivi des traitements pédiatriques. Nous devons augmenter la capacité technique des travailleurs médicaux à traiter le VIH   chez les enfants, parce que nous pourrions augmenter le nombre d’enfants qui démarrent un traitement d’antirétroviraux, mais ces chiffres masquent la souffrance continue des enfants s’ils ne suivent pas strictement le traitement », a-t-elle dit à IRIN.

« La gestion des patients pédiatriques est assez récente et demeure insuffisante », a souligné un document de candidature du Mali en 2008 au Programme de lutte contre le sida  , la tuberculose et le paludisme.

Mme Traoré a dit que le pays essayait d’augmenter le nombre d’enfants qui recevaient et poursuivaient un traitement VIH   en augmentant les services de soutien psychologique pour les enfants séropositifs et leur famille – avec le soutien du Fond des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) –, en diminuant la distance que les patients doivent parcourir pour obtenir des médicaments et des soins, et avec la formation des médecins généralistes pour s’occuper des enfants atteints du VIH  .


Publié sur OSI Bouaké le jeudi 15 octobre 2009

 

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