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Sida : vers le dépistage général



Eric Favereau - Libération - 6 Octobre 2010 - La ministre de la Santé le dit avec force : « C’est un combat qui a accompagné toute ma vie. Je n’allais pas faire un énième plan qui ne serve à rien ». Roselyne Bachelot est tout sourire dans son bureau. Son avenir ministériel ? Incertain, mais à l’entendre, ce n’est pas son souci. Et ce soir-là, elle ne veut parler que de son plan sida  . « Il a fallu se battre. L’été dernier, la première mouture a été fortement critiquée par les associations. Ils avaient raison. Car on a aujourd’hui les moyens d’arrêter l’épidémie en France. Les 6 000 ou 7 000 contaminations, qui se font encore chaque année, sont insupportables. »

D’où ce plan sida   2010-2014, que la ministre vient d’achever, et que Libération révèle. Indéniablement, il marque une rupture. Avec une mesure choc sur le dépistage : pour la première fois, les autorités sanitaires vont proposer à toute la population française, de 15 à 70 ans, de se faire tester sur le sida  .

Statut. Jusqu’à présent, les médecins ne proposaient le test qu’aux personnes ayant eu un comportement à risque, ou à certains moments de leur vie. En décembre, une campagne nationale d’information appellera ainsi tous les professionnels de santé à proposer ce test à leurs patients. « Il n’y a bien sûr aucune obligation », précise la ministre.

Les raisons de ce dépistage général ? En France, on compte autour de 150 000 séropositifs, mais près d’un tiers ignorent leur statut. De plus, on estime à près de 7 000 le nombre de personnes se faisant nouvellement contaminer chaque année, dont la moitié en Ile-de-France. Comment bloquer cette progression ?

« Il faut bien distinguer deux choses », nous disait récemment France Lert, auteur d’un rapport, avec le professeur Gilles Pialoux, sur les nouvelles politiques de prévention. « Une série de personnes ne s’imaginent pas du tout séropositifs. Ce dépistage général leur est destiné. Il va permettre d’en finir avec ces contaminations passées que l’on ignore. »

Et à côté, il y a les comportements à risque, en particulier chez les gays et dans les territoires d’outre-mer. « Là, c’est très différent, ajoute France Lert. L’épidémie y est forte. Aujourd’hui, les gays ont deux cents fois plus de risque d’être contaminés que les hétéros. »

D’où le deuxième axe de la politique de dépistage. « Pour certains groupes, nous allons proposer un dépistage beaucoup plus volontariste, explique la ministre. Nous voulons qu’il y ait dans les mois à venir plus de dix centres de dépistages communautaires. »

C’est là aussi un changement de taille : ce n’est plus un professionnel de santé qui fera le test mais un militant associatif, formé à cet effet. « Le dépistage doit devenir banal, insiste la ministre. Et la politique de prévention doit s’élargir. Avec l’utilisation de toutes les nouvelles méthodes de prévention : le préservatif bien sûr, mais aussi les traitements qui deviennent aujourd’hui un outil de prévention. »

Pour mener à bien cette nouvelle politique, une réorganisation du dispositif est prévue. Il est aujourd’hui très éclaté entre les centres de dépistages anonymes et gratuits (plus de 380), les centres de planning familial, les laboratoires privés, etc. « Le plan prévoit de créer rapidement des centres de santé sexuelle, ou des jeunes filles comme des jeunes hommes peuvent avoir toutes les réponses et toutes les prises en charge possibles. »

Pilotage. A côté du volet prioritaire du dépistage (1), les autres chapitres du plan sont plus classiques, comme sur le traitement, ou sur l’aide aux pays du Sud. On y trouve, enfin, un volet gouvernance.

Sur ce point, il y a urgence : depuis quelques années, on ne voit plus de pilote dans l’avion. Le plan prévoit la création d’un Comité national de pilotage, qui suivra mensuellement l’application des mesures. Et leur efficacité, avec des objectifs chiffrés : réduire de 50% les nouveaux cas en cinq ans, mais aussi réduire de 20% la mortalité, ainsi que la prévalence des autres MST. « Nous nous appuierons fortement sur les agences régionales de santé et sur les COREVIH (coordinations régionales de lutte contre le VIH  ) », ajoute la ministre.

Ce plan a été transmis, le week-end dernier, au Conseil national du sida   et à la Conférence nationale de santé. Et les réactions sont plutôt positives. « Ce plan, on aurait presque pu l’écrire », s’est félicité Bruno Spire, président de AIDES. Ajoutant : « Reste évidemment son application avec son financement. » Roselyne Bachelot affirme que tout a été réglé en interministériel : « Sur cinq ans, un milliard d’euros est prévu. »


(1) Pour les territoires d’outre-mer, en particulier la Guyane, un plan spécifique est en cours de finition. Il prévoit un dépistage général de toute la population, tous les deux ans.


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 14 octobre 2010

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