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Pour éviter une prochaine affaire Mediator



Prescrire - 10 Décembre 2010 - Pourquoi prendre le moindre risque quand il n’y a aucun bénéfice tangible démontré ?

Quel est le point commun entre Staltor° (cérivastatine), Vioxx° (rofécoxib), Sibutral° (sibutramine), Acomplia° (rimonabant), Avandia° (rosiglitazone), Mediator° (benfluorex), parmi d’autres médicaments ?

Tous ont été retirés du marché au cours des dernières années, en raison d’effets indésirables d’une gravité disproportionnée par rapport aux bénéfices qu’ils apportaient aux patients. Dans chaque cas, ces effets indésirables étaient connus depuis longtemps, ou prévisibles. Connus, parfois dès leur mise sur le marché, car ils avaient été repérés lors des premiers essais cliniques.

Ou prévisibles, par raisonnement pharmacologique, ou au vu de la parenté chimique du médicament avec des médicaments aux effets indésirables graves avérés. La poursuite des études et la notification des cas d’effets indésirables par des soignants et leur analyse par des centres de pharmacovigilance, en France ou dans d’autres pays, sont venues confirmer ce qui était, dès le départ, connu ou prévisible.

Pour tous ces médicaments, la revue Prescrire avait alerté ses 29 000 abonnés professionnels de santé, pendant des années, bien avant que les autorités finissent par décider les retraits du marché. Ainsi sans doute des milliers de patients ont échappé à des effets indésirables graves.

Ces désastres de santé publique auraient pu être évités. A trois conditions. D’abord, à condition de toujours penser en termes de balance bénéfices-risques pour les patients : pourquoi prendre le moindre risque quand il n’y aucun bénéfice tangible démontré ?

Ensuite, à condition d’accorder la plus grande attention aux effets indésirables décrits dans les essais cliniques, d’appliquer des raisonnements de pharmacologie de base, et d’analyser les publications spécialisées de pharmacovigilance du monde entier.

Enfin, à condition de toujours faire bénéficier le doute au patient, et non à la firme : car on ne rendra pas la vie aux morts du Mediator, malgré les procès qui ne manqueront pas d’être intentés à la firme pharmaceutique Servier.

L’affaire Mediator révèle des dysfonctionnements graves des autorités sanitaires en France, bien décrits par Irène Frachon dans son livre "Mediator 150 mg, sous-titre censuré". Des dysfonctionnements sont aussi observés en Europe et ailleurs.

Cette affaire confirme plus généralement l’impérieuse nécessité de renforcer l’évaluation des médicaments avant leur mise sur le marché, de manière indépendante des firmes ; de renforcer les lois européennes et françaises pour que les nouveaux médicaments aient à démontrer leur intérêt thérapeutique par rapport aux médicaments de référence ; de rendre les agences du médicament indépendantes des firmes pharmaceutiques, que ce soit financièrement ou en termes d’expertise, trop souvent influencée par des conflits d’intérêts avec les firmes.

Il faut aussi renforcer considérablement la pharmacovigilance, pour que soient recherchés et analysés plus activement les cas d’effets indésirables ; rendre les décisions de retrait du marché plus rapides, car fondées sur une évaluation médicale de la balance bénéfices-risques et non sur un compromis économique bénéfices économiques et industriels versus les pots cassés chez les patients.

Il n’y a là rien d’irréaliste. C’est la simple application, par les soignants comme par les agences sanitaires et les sociétés pharmaceutiques, sans oublier les responsables politiques, d’un principe éthique de base de la médecine depuis Hippocrate : d’abord ne pas nuire.

©Prescrire 10 décembre 2010


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 23 décembre 2010

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