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Notre Dame du Nil de Scholastique Mukasonga, prix Renaudot 2012



OSI Bouaké - 10 décembre 2012 -

Brillant.

L’histoire

Au Rwanda, un lycée de jeunes filles perché sur la crête Congo-Nil, à 2 500 mètres d’altitude, près des sources du grand fleuve égyptien. Les familles espèrent que dans ce havre religieusement baptisé Notre-Dame du Nil, isolé, d’accès difficile, loin des tentations de la capitale, leurs filles parviendront vierges au mariage négocié pour elles dans l’intérêt du lignage. Les transgressions menacent au cœur de cette puissante et belle nature où par ailleurs un rigoureux quota « ethnique » limite à 10 % le nombre des élèves tutsi.

Sur le même sommet montagneux, dans une plantation à demi abandonnée, un « vieux Blanc », peintre et anthropologue excentrique, assure que les Tutsi descendent des pharaons noirs de Méroé. Avec passion, il peint à fresque les lycéennes dont les traits rappellent ceux de la déesse Isis et d’insoumises reines Candace sculptées sur les stèles, au bord du Nil, il y a trois millénaires. Non sans risques pour sa jeune vie, et pour bien d’autres filles du lycée, la déesse est intronisée dans le temple qu’il a bâti pour elle.

Le huis clos où doivent vivre ces lycéennes bientôt encerclées par les nervis du pouvoir hutu, les amitiés, les désirs et les haines qui traversent ces vies en fleur, les luttes politiques, les complots, les incitations aux meurtres raciaux, les persécutions sournoises puis ouvertes, les rêves et les désillusions, les espoirs de survie, c’est, dans ce microcosme existentiel, un prélude exemplaire au génocide rwandais, fascinant de vérité, d’une écriture directe et sans faille.

  • Scholastique Mukasonga, Notre-Dame du Nil, Collection Continents noirs, Gallimard, 240 pages, Parution : 01-03-2012

Scholastique Mukasonga, Renaudot surprise pour un cri contre l’oubli

Nouvel Observateur - 07-11-2012 -

Paris (AFP) - La Rwandaise d’origine tutsi Scholastique Mukasonga, hantée par le spectre du génocide de 1994 où périt sa famille, a reçu mercredi un Renaudot surprise pour son implacable "Notre-Dame du Nil" (Gallimard), devenant le cinquième auteur africain lauréat de ce prix convoité.

La romancière d’expression française figurait dans la sélection de printemps du Renaudot mais avait été écartée par la suite. Elle a obtenu 6 voix au 10e tour de scrutin. Valessis Alexakis et Philippe Djian, absent lui aussi des finalistes, ont aussi obtenu des suffrages.

Née en 1956, Scholastique connaît dès l’enfance les persécutions et les humiliations des conflits ethniques qui agitent son pays. Sa famille est déplacée dans une région insalubre. En 1973, elle s’exile au Burundi puis en France en 1992, deux ans avant le début des massacres qui ont ensanglanté son pays.

Près de 30 membres de sa famille, dont sa mère, ont été assassinés en 1994.

L’auteure a créé une association d’aide aux orphelins après le génocide des Tutsis. Retournée au Rwanda en 2004, elle est aujourd’hui assistante sociale en Normandie.

"Scholastique a cru à une blague quand je lui ai annoncé la nouvelle au téléphone", raconte à l’AFP son éditeur Antoine Gallimard, précisant que son livre avait été vendu jusqu’ici à 4.000 exemplaires. Le PDG de Gallimard lui a dit de "sauter tout de suite dans un train". Elle devait arriver à Paris en fin de journée.

Sorti en avril, le roman a pour cadre un lycée rwandais de jeunes filles de bonne famille, "Notre-Dame du Nil", perché sur une crête escarpée, loin des tentations de la capitale, près des sources du grand fleuve égyptien.

En quête du paradis perdu, mais aux portes de l’enfer, l’auteure a choisi ce microcosme pour revisiter les prémices de la tragédie rwandaise.

Huis clos

Les lycéennes sont vite encerclées par les nervis du pouvoir hutu et la romancière décrit le poison distillé peu à peu dans les esprits de ces filles de militaires, de diplomates ou d’hommes d’affaires. Seules 10% des élèves sont tutsi, quotas obligent.

Elle dénonce aussi dans ce huis clos à l’écriture lumineuse l’impassibilité des religieux belges et professeurs français.

La romancière a elle-même fréquenté dans sa jeunesse une institution religieuse. Elle est l’une des seules de sa famille à avoir fait des études.

Scholastique Mukasonga est le cinquième écrivain originaire du continent noir à recevoir le Renaudot après Yambo Ouologuem (Mali) pour "Le Devoir de violence" en 1968, Ahmadou Kourouma (Côte d’Ivoire) pour "Allah n’est pas obligé" en 2000, Alain Mabanckou (franco-congolais) pour "Mémoires de porc-épic" en 2006 et Tierno Monénembo (Guinée) pour "Le Roi de Kahel" en 2008.

Le sacre de "Notre-Dame du Nil" n’était pas prémédité : "Rien n’était préparé", a assuré Franz-Olivier Giesbert, l’un des jurés du Renaudot.

"On tournait en rond. Il n’y a jamais eu un tel blocage et puis, soudain, emballement général" pour ce livre.

En fait, c’est un autre juré, le Nobel de littérature J. M. G Le Clézio, qui a lâché son nom, raconte Giesbert.

"Le Clézio est attentif à ce qui vient d’ailleurs", a ajouté le président du jury Georges-Olivier Châteaureynaud selon lequel ce roman contraste avec "une littérature trop hexagonale".

En 2006, Scholastique Mukasonga écrit un premier récit autobiographique, "Inyenci ou les Cafards", puis en 2008 "La Femme aux pieds nus", un hommage à sa mère.

Elle a déjà reçu cette année pour "Notre-Dame du Nil" le Prix Ahmadou-Kourouma et le prix du Salon de Genève.

Quant au Renaudot de l’essai, il a été attribué à Franck Maubert pour "Le dernier modèle" (Mille et une nuits).


Publié sur OSI Bouaké le lundi 10 décembre 2012



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