La justice refuse d’ouvrir une enquête dans l’affaire des "biens mal acquis"

Publié le 30 octobre 2009 sur OSIBouaké.org

La cour d’appel de Paris a refusé, jeudi 29 octobre, qu’un juge d’instruction enquête sur l’affaire dite des "biens mal acquis" présumés par les présidents du Gabon, du Congo et de Guinée Equatoriale et de leur entourage.

Françoise Desset, juge au pôle financier de Paris, avait donné en mai son feu vert à l’ouverture d’une enquête mais le parquet avait fait appel de la décision, estimant que le plaignant n’avait juridiquement pas d’intérêt à agir. Suivant l’avis du parquet, la chambre d’instruction a infirmé l’ordonnance de la juge Desset.

La cour juge donc irrecevable la plainte déposée en décembre 2008 par l’ONG anti-corruption Transparency International pour "recel de détournement de fonds publics". Justifiant sa décision, la chambre a estimé que l’ONG n’a subi aucun préjudice personnel direct de la corruption qu’elle entend dénoncer. Transparency International a d’ores et déjà annoncé son intention de se pourvoir en cassation.

Un tabou brisé

Pour l’avocat de Transparency International, Me William Bourdon, cette décision "a un sérieux parfum de pirouette". "Aujourd’hui c’est champagne pour l’association de malfaiteurs franco-africaine qui organise et tire profit du pillage des deniers publics africains", a-t-il déclaré.

Dans un communiqué commun, Transparency et Sherpa, un réseau international de juristes basé à Paris, jugent "regrettable" la décision de la cour d’appel. Toutefois, les ONG estiment que "le combat mené jusqu’ici aura de toute évidence permis de briser un tabou sur la question des avoirs illicites en provenance des pays du Sud qui trouvent refuge dans ceux du Nord".

Le dossier vise les biens détenus par la famille du défunt président gabonais Omar Bongo et des présidents congolais Denis Sassou Nguesso et guinéen Teodoro Obiang. D’après l’ONG, le patrimoine immobilier des trois chefs d’Etat en France s’élèverait à 160 millions d’euros. Le clan Bongo posséderait à lui seul une trentaine de luxueux appartements ou maisons.

40 proriétés détenues par les Bongo en France

Une enquête de police de 2007 a en effet recensé en France trente-neuf propriétés et soixante-dix comptes bancaires détenus par Omar Bongo et ses proches, vingt-quatre propriétés et cent douze comptes bancaires pour la famille Sassou-Nguesso, et des limousines de luxe achetées par la famille Obiang. Les plaignants estiment que ces biens n’ont pu être acquis qu’avec de l’argent détourné. "Il n’y a aucun doute sur le fait que ce patrimoine n’a pu être constitué grâce aux seuls salaires et émoluments de ces chefs d’Etat au sujet desquels il existe de sérieuses présomptions de détournements de fonds publics", illustre Transparency International.

Depuis 2008, ce dossier a perturbé les relations entre les autorités françaises et le Gabon, ancienne colonie et pilier de l’influence française en Afrique. Libreville a fustigé "l’acharnement complice des médias français", qui relaient les accusations des ONG et le parti au pouvoir avait menacé, en mars, de "réexaminer en profondeur les accords de coopération entre la France et le Gabon".

Le Monde.fr | 29.10.09

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