Face à la répression de la solidarité avec les migrants : un manifeste pour « le droit d’agir en toute humanité »

Publié le 4 février 2017 sur OSIBouaké.org

Basta - 2 février 2017 - Procès d’habitants de la vallée de la Roya « coupables » d’être venus en aide à des réfugiés, avec la menace de lourdes sanctions. Mesures d’intimidation, poursuites et parfois condamnations de personnes ayant agi en soutien de migrants ou de Roms, à Calais, à Paris, à Norrent-Fontes, à Boulogne, à Loos, à Perpignan, à Saint-Étienne, à Meaux... On assiste depuis plusieurs mois à la recrudescence de cas où la solidarité est tenue pour un délit. 100 organisations associatives ou syndicales, nationales ou locales, publient un manifeste par lequel elles entendent dénoncer ces procédés.

Une journée d’action aura lieu le 9 février.

Il est clair que les autorités entendent faire plier les citoyennes et les citoyens qui n’adhèrent pas aux politiques de non accueil et de mise à l’écart des migrants, et qu’elles n’hésitent pas pour cela à les assimiler à ceux qui profitent de la vulnérabilité des exilés et les exploitent, passeurs et trafiquants en tout genre.

100 organisations associatives ou syndicales, nationales ou locales, publient un manifeste par lequel elles entendent dénoncer ces procédés. Dans les semaines qui viennent, elles mettront en œuvre toutes sortes d’actions afin que soient préservés le droit de regard, le droit de critique, le droit de s’opposer à des politiques qu’on désapprouve, le droit de se conduire autrement qu’en agent de politiques de fermeture : le droit d’agir en toute humanité.

Manifeste : La solidarité, plus que jamais un délit ?

Bien sûr, la solidarité n’a jamais été inscrite dans aucun code comme un délit. Cependant, des militants associatifs qui ne font que venir en aide à des personnes en situation de très grande précarité, victimes de décisions dangereuses, violentes, voire inhumaines, se retrouvent aujourd’hui face à la justice.

Avec l’instauration de l’état d’urgence, et dans le contexte baptisé « crise migratoire », on assiste à une recrudescence de poursuites visant à empêcher l’expression de la solidarité envers migrants, réfugiés, Roms, sans-papiers... Au-delà, c’est le soutien à l’ensemble des personnes étrangères qui tend à devenir suspect, l’expression de la contestation des politiques menées qui est assimilée à de la rébellion et au trouble à l’ordre public.

La loi permet en effet de poursuivre les personnes qui viennent en aide aux « sans-papiers », mais toutes sortes d’autres chefs d’accusation servent désormais à entraver toute action citoyenne qui s’oppose aux politiques mises en œuvre. L’ensemble de ces intimidations, poursuites, condamnations parfois, visent donc bien en fait ce qui constitue de nouvelles formes du « délit de solidarité ».

Dès 2009, les associations de défense des droits humains et de soutien aux étrangers avaient dénoncé le fait que le délit d’« aide à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers en situation irrégulière », introduit à l’origine pour lutter contre ceux qui font commerce du trafic et de l’exploitation des étrangers, ait permis au fil du temps de sanctionner les « aidants » d’étrangers sans papiers, même agissant dans un but non lucratif. Si les peines prévues ne sont pas toujours appliquées, une telle réglementation a bien sûr un effet dissuasif sur celles et ceux qui refusent de se soumettre à des politiques hostiles aux étrangers.

La mobilisation associative, à l’époque, a abouti à plusieurs réformes successives, dont celle du 31 décembre 2012 qui a été présentée comme la suppression du délit de solidarité. Il n’en est rien ; la nouvelle rédaction des textes se contente de préciser et augmenter les cas d’exemption de poursuites. Outre l’aide apportée à des parents, est autorisée l’aide qui aura seulement visé à « assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger » ou à « préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ». Malgré tout, des personnes ayant manifesté leur solidarité avec des étrangers sans titre de séjour continuent d’être inquiétées – convocations à la police ou à la gendarmerie, gardes à vue, perquisitions, écoutes téléphoniques – voire poursuivies et parfois punies d’amende et emprisonnement.

Toujours plus de nouveaux chefs d’accusation utilisés pour condamner les actions solidaires

Dans le même temps, des poursuites ont commencé d’être menées sur la base de textes sans rapport avec l’immigration. Les délits d’outrage, d’injure et de diffamation, de rébellion ou violences à agent de la force publique sont utilisés pour défendre l’administration et la police contre celles et ceux qui critiquent leurs pratiques.

Le délit d’« entrave à la circulation d’un aéronef », qui figure dans le code de l’aviation civile, permet de réprimer les passagers qui, voyant des personnes ligotées et bâillonnées dans un avion, protestent contre la violence des expulsions. La réglementation qui sanctionne l’emploi d’un travailleur étranger sans autorisation de travail a servi à inquiéter des personnes qui, hébergeant des étrangers en situation irrégulière, acceptent que leurs hôtes les aident à effectuer des tâches domestiques.

Aujourd’hui, les motifs des poursuites se diversifient toujours plus. Tandis que les poursuites pour aide à l’entrée et au séjour ont repris de plus belle, de nouveaux chefs d’accusation sont utilisés pour condamner les actions solidaires. C’est par exemple la réglementation en matière d’urbanisme qui a été invoquée à Norrent-Fontes (Pas-de-Calais) pour demander la destruction d’abris pour migrants. À Saint-Étienne, ce sont des textes sur l’hygiène ou la sécurité applicables à des locaux qui ont servi à empêcher des hébergements solidaires.

Et de tels cas se multiplient. L’absence de ceinture de sécurité et d’un siège pour une fillette à bord d’un camion a permis la condamnation d’un aidant à Calais. L’intrusion dans des zones particulières, interdites pour cause d’état d’urgence, a été utilisée, à Calais également, pour sanctionner le regard citoyen. Le délit de faux et usage de faux est utilisé pour intimider des personnes qui ont voulu attester de la présence depuis plus de 48 heures de personnes dans un squat à Clichy…

Et, de plus en plus, le simple fait d’avoir voulu être témoin d’opérations de police, d’expulsions de bidonvilles, de rafles, peut conduire à une arrestation, sous couvert de rébellion ou de violences à agent.

Ces procédés d’intimidation doivent cesser. Nous affirmons la légitimité du droit de regard des citoyens et des citoyennes sur les pratiques de l’administration, de la justice ou de la police. Nous voulons que soient encouragés celles et ceux qui se montrent solidaires des personnes en situation de précarité sans se soucier de savoir si elles sont ou non en situation régulière quant au séjour. Nous refusons que les populations visées par des politiques ou des pratiques xénophobes soient privées de soutien. C’est l’avenir du principe même de solidarité qui est en jeu.


Une journée d’action aura lieu le jeudi 9 février 2017. À Paris, un rassemblement sera organisé à 10 heures – lieu, le type d’action et les intervenants seront précisés ultérieurement.

Pour apporter la signature d’une organisation (association, syndicat, collectif), et pour rejoindre le collectif : écrire à contact(a)delinquantssolidaires.org

Pour être tenu au courant de l’activité du collectif : demander à être abonné⋅e à la liste de diffusion delinquants-solidaires-info

Pour contribuer à la mobilisation, diffuser de l’info, des textes et photos d’actions de protestation : #DélinquantsSolidaires

Pour s’informer des cas de poursuites passés et en cours : www.gisti.org/delits-de-solidarite

Pour faire connaître au collectif des cas relevant, directement ou indirectement, du délit de solidarité : écrire à contact-delit-de-solidarité@gisti.org

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