Les enfants du Soudan du Sud dans la ligne de mire

Publié le 2 mai 2014 sur OSIBouaké.org

Nairobi, 30 avril 2014 (IRIN) - Les enfants paient un lourd tribut au conflit au Soudan du Sud. Certains sont tués ou blessés dans des attaques, tandis que d’autres sont recrutés par des groupes armés. Nombre d’entre eux sont aussi témoins d’événements traumatisants et doivent manquer l’école. La malnutrition est par ailleurs une menace omniprésente pour les plus jeunes.

Le 17 avril, des dizaines de jeunes rebelles armés ont attaqué la base de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (UNMISS) à Bor, dans l’État du Jonglei, où ils ont tiré aveuglément sur ceux qui tentaient de s’y réfugier. L’attaque a fait 58 morts et plus de 100 blessés, dont certains étaient des enfants.

Dans une déclaration ayant pour but de condamner l’attaque, Leila Zerrougui, la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés, a dit : « Des enfants continuent d’être les victimes du récent conflit au Soudan du Sud. Cela doit cesser. »

« Ces attaques et ces violations laissent non seulement des marques indélébiles chez ces enfants, mais affectent aussi leur sentiment général de sûreté et de sécurité, en particulier lorsque des endroits où ils se réfugient en désespoir de cause et qui sont désignés comme étant sûrs deviennent aussi les cibles d’attaques », a ajouté Mme Zerrougui, condamnant aussi l’implication des enfants en tant que combattants.

50 000 enfants de moins de cinq ans pourraient mourir

« De nombreux enfants et leurs familles [le père est absent dans la plupart des cas] vivent dans des conditions terribles dans des centres de déplacement, sous les arbres et dans des tentes de fortune et bénéficient d’un accès limité aux vivres, aux services d’eau et d’assainissement ainsi qu’à la protection et à l’éducation », a dit à IRIN Betty Gorle, coordonnatrice de la réponse d’urgence, du plaidoyer et des communications de Plan International.

Les enfants dépendent des rations de nourriture distribuées par le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies et de ce qu’ils mendient dans les communautés qui les accueillent, a ajouté Mme Gorle, soulignant que « certains ont également passé de nombreuses nuits affamés ou à ramasser des fruits sauvages ». Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), « des niveaux élevés de malnutrition menacent un quart de million d’enfants au Soudan du Sud et jusqu’à 50 000 enfants de moins de cinq ans pourraient mourir s’ils ne sont pas traités. »

De nombreux enfants sont aussi traumatisés. « Les enfants ont aussi vécu ou ont été témoins d’événements traumatisants. Certains enfants disent avoir du mal à dormir. Nombreux sont ceux qui ont perdu des proches dans la guerre », a ajouté Mme Gorle.

IRIN a récemment attiré l’attention sur le lien entre les traumatismes et la malnutrition en République centrafricaine (RCA).

Plan International estime à environ 400 000 le nombre d’enfants déplacés. « La situation est cependant en train de s’aggraver en raison des récents combats qui ont eu lieu à Bentiu [dans l’État d’Unity]. Les organisations, incluant Plan International, tablent sur une augmentation du nombre d’enfants déplacés, d’orphelins et d’enfants séparés de leurs familles », a ajouté Mme Gorle.

Les 14 et 15 avril, des violences ciblées ont fait des centaines de morts dans la ville de Bentiu et forcé un grand nombre de personnes à trouver refuge dans la base des Nations Unies, située à l’extérieur de la ville. « Il y a quelques jours à peine, nous avions 4 000 personnes ici. On compte maintenant plus de 22 000 civils », a dit Toby Lanzer, le coordonnateur humanitaire des Nations Unies au Soudan du Sud, dans une vidéo du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) ayant pour but de montrer la situation à Bentiu.

OCHA estime qu’au moins 916 900 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays par la violence qui sévit au Soudan du Sud depuis que le conflit a éclaté à la mi-décembre 2013 à la suite d’un désaccord politique entre le président Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar. Les premiers affrontements ont eu lieu dans la capitale, Juba, mais le conflit s’est progressivement propagé à l’ensemble du territoire. Les régions du nord et du centre du pays ont notamment été le théâtre d’affrontements récents. Des milliers de Soudanais du Sud ont traversé les frontières pour se réfugier dans les pays voisins.

De l’importance du soutien psychosocial

Alan Paul, directeur pays de l’organisation Save the Children au Soudan du Sud, insiste sur l’importance du soutien psychosocial pour les enfants et les jeunes qui ont été confrontés au conflit, à la violence et au déplacement.

« Le soutien psychosocial de base offert dans les espaces dédiés aux enfants, le retour à l’école et l’implication dans les activités de la communauté revêtent une importance particulière pour les enfants DIP [déplacés à l’intérieur de leur propre pays] dont les vies quotidiennes ont été totalement perturbées. Ils se retrouvent en effet dans des lieux inconnus avec des gens inconnus alors que leur structure de protection habituelle (la famille élargie, les voisins, les enseignants, les leaders religieux, les chefs/leaders locaux) s’est effondrée », a écrit M. Paul dans un courriel adressé à IRIN.

Les espaces dédiés aux enfants « favorisent la résilience et le bien-être des enfants et des jeunes à travers la mise en ouvre d’activités structurées, organisées par la communauté et conduites dans un environnement sûr, stimulant et adapté aux enfants », selon l’UNICEF.

Des soins médicaux professionnels sont également nécessaires pour les enfants ayant des besoins psychosociaux plus complexes.

« De nombreux enfants présentent des problèmes de comportement et une détresse émotionnelle grave en raison des expériences qu’ils ont vécues pendant la crise. Dans l’ensemble du pays, les services disponibles pour les enfants et les parents ayant des besoins psychosociaux plus importants sont limités. Des efforts supplémentaires sont nécessaires », a ajouté M. Paul.

De nombreux enfants ont également été séparés de leurs familles. « De nombreuses familles ont parcouru de grandes distances ; certaines se sont déplacées d’un État à un autre ou ont traversé la frontière pour se réfugier dans un autre pays », a-t-il souligné.

« Avec le début de la saison des pluies, nous nous attendons à un autre mouvement de population important qui rendra encore plus difficiles la recherche et la réunification des enfants séparés. De nouvelles séparations pourraient par ailleurs se produire lorsque les communautés décideront de se déplacer pour échapper aux inondations. » Selon OCHA, les PDIP font la navette entre Bor, dans l’État du Jonglei, et Mingkaman, dans l’État des Lacs.

Besoins en matière de protection des enfants

Plan International vient en aide aux enfants en fournissant nourriture, protection, éducation et services d’eau et d’assainissement dans les États de l’Équatoria-Central, de l’Équatoria-Oriental, du Jonglei et des Lacs. L’organisation met également en place des espaces d’apprentissage temporaires.

« Ce conflit a affecté l’éducation, car de nombreux enfants et enseignants ont quitté leur foyer et parfois le pays. Les enfants se pressent dans les quelques salles de classe disponibles, mais ils n’ont personne pour leur enseigner », a expliqué Mme Gorle, de Plan. Dans le comté d’Awerial, dans l’État des Lacs, par exemple, un espace d’apprentissage temporaire conçu pour accueillir 50 élèves en accommode actuellement plus de 200.

Save the Children travaille également dans le comté d’Awerial, dans l’État du Jonglei, pour tenter d’améliorer le bien-être psychosocial des enfants. « À l’heure actuelle, les enfants qui ont des besoins plus importants sont dirigés vers des partenaires qui offrent des services sur le terrain lorsque cela est possible. Ces services sont cependant très limités et l’accès à de nombreuses zones parmi les plus durement touchées est restreint. Ces zones sont, par définition, celles où la population a le plus besoin de soutien », a dit M. Paul.

Il a par ailleurs insisté sur l’importance d’intégrer la protection de l’enfant dans tous les services humanitaires. « Tous les acteurs humanitaires doivent identifier et répondre aux besoins des enfants non accompagnés ou séparés de leurs familles dans l’ensemble des interventions humanitaires (par ex., s’assurer qu’ils reçoivent des rations adéquates, un abri et des denrées non alimentaires et qu’ils ont accès à de l’eau potable et à des services d’assainissement). »

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