Polygamie et mariage gay font bon ménage en Afrique du Sud

Publié le 6 janvier 2008 sur OSIBouaké.org

Par Pierre Haski | Rue89 | 06/01/2008

Etonnante Afrique du Sud ! Deux mariages célébrés ce week-end illustrent la complexité de cette société en mouvement : d’un côté, Jacob Zuma, le président récemment élu du parti au pouvoir, l’ANC, a pris une quatrième épouse en vertu du droit coutumier qui permet la polygamie ; de l’autre Zackie Achmat, président d’un groupe antisida, vient d’épouser son compagnon en vertu de la nouvelle loi permettant le mariage homosexuel.

Quel autre pays au monde permettrait en même temps la cohabitation du mariage homosexuel et de la polygamie ? Acrobatique, compliqué, choquant pour des sections entières de la population, cette cohabitation est à l’image du pays. Entre le centre de la ville du Cap où s’est déroulée l’union de Zackie Achmat et de Zallie Weyers, célébrée par un juge de la Cour suprême d’Afrique du Sud, et le coeur du Zoulouland traditionnel où Jacob Zuma a épousé de manière rituelle Nompumelelo Ntuli, mère de deux de ses 14 enfants, il y a un fossé culturel considérable.

Paradoxalement, c’est le mariage de Jacob Zuma qui est le plus spectaculaire, pas le mariage gay dans le premier pays du continent africain à l’avoir légalisé. Car Jacob Zuma pourrait fort bien devenir président de l’Afrique du Sud en 2009, s’il sort indemne du parcours du combattant juridique et politique qui l’attend cette année. Et avoir un président polygame n’est pas considéré comme un grand symbole de modernité par une société civile sud-africaine puissante et dynamique, qui a déjà Zuma dans le collimateur pour plein d’autres raisons.

Jacob Zuma est un homme qui attire les polémiques. Cet autodidacte -il a appris à lire et à écrire à la prison de Robben Island où il avait été envoyé en raison de son engagement dans la branche armée de l’ANC- devenu vice-président de la République, avait été limogé en 2005 pour des questions éthiques : une accusation de corruption, et une autre de viol. Il a obtenu un non-lieu dans l’affaire de viol sur une jeune femme séropositive, non sans avoir choqué les militants antisida pour avoir déclaré qu’il s’était « protégé » en prenant ue   douche après l’acte sexuel…

L’affaire de corruption semblait s’éloigner, mais a ressurgi juste après son élection spectaculaire, le mois dernier, à la tête du Congrès national africain, battant largement le président de la République actuel, Thabo Mbeki. Zuma vient d’être de nouveau inculpé dans une affaire de pots de vins impliquant le Français Thalès dans un contrat de ventes d’armes à l’Afrique du Sud : un acte d’accusation de 84 pages, très lourd, vient à l’appui d’une inculpation vécue par les partisans de Zuma comme un complot politique.

Un procès-fleuve est prévu à partir du mois d’août, avec quelque 200 témoins convoqués à la barre. Une procédure lourde qui risque de compromettre la désignation de Jacob Zuma comme candidat de l’ANC à la présidence, ce qui l’assurerait d’être élu vu le poids déterminant du parti de Nelson Mandela. Mais Zuma est un survivant, et il serait hasardeux de l’enterrer trop vite.

Son quatrième mariage polygame ne devrait pas l’handicaper dans ce contexte, mais achève de convaincre les membres de la société civile sud-africaine que, décidément, Jacob Zuma est un homme dont il ne faudra pas attendre, s’il parvient à la tête de l’Etat, de grandes avancées en termes de modernisation de la société.

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