Les enfants, victimes même sans virus

Leurs parents sont morts ou malades, eux sont porteurs ou non du virus. Les enfants sont souvent marginalisés, parfois au sein de leur propre famille.

Publié le 13 septembre 2007 sur OSIBouaké.org

L’Humanité, le 10 septembre 2007

On y entre par un portail sans signe distinctif. Ici, ni pancarte ni logo. C’est exprès, pour qu’on ne distingue pas des autres cette petite maison du quartier populaire de Youpogon, à Abidjan. Quartier où les Jeunes patriotes acquis au président Gbagbo et les étals des petits commerçants se partagent les trottoirs défoncés. Dans la cour, des enfants jouent. Bambins et adolescents, ils sont tout un groupe, ce jour-là, à déambuler dans les locaux de l’ONG Chigata (« espoir » en sénoufo). Certains ont le sida  , d’autres pas. Mais tous, d’après la novlangue onusienne, sont des OEV   : des orphelins ou enfants vulnérables. D’après l’UNICEF, en 2005, quelque 450 000 enfants ont perdu leurs parents du fait du sida   en Côte d’Ivoire.

À Abidjan, plus de huit cents d’entre eux sont suivis par la dizaine de « conseillères » de l’ONG Chigata, soutenue par l’UNICEF. « Certains parents ne veulent plus entendre parler de l’enfant quand ils savent qu’il est séropositif. Pour eux, c’est un enfant qui va mourir. Ils préfèrent qu’il soit chez nous », explique Rose Dossou, la présidente de l’ONG. Qu’il s’agisse d’un soutien médical ou social, la prise en charge des mineurs est multiple.

Car, malades ou non, porteurs du virus ou non, les enfants sont souvent marginalisés. Les orphelins sont maltraités par leur famille d’accueil, les malades sont mis à l’écart des autres enfants. « Souvent les parents n’arrivent pas à gérer les traitements, ou les tuteurs ont peur de prendre ces enfants en charge, par crainte d’être infectés. Il faut les rassurer », poursuit Rose Dossou.

L’association ne loge pas plus d’une dizaine d’enfants. Par manque de place d’abord, et pour qu’ils restent intégrés au tissu social, ensuite. C’est la règle en Côte d’Ivoire : les enfants restent au sein des familles. Chez leurs parents, une tante, un grand-père... Les « conseillères » parcourent donc la ville, affirme la présidente de Chigata, pour un conseil, pour renouveler une ordonnance ou pour s’assurer du suivi sanitaire. « Par manque d’information, les parents pensent que la contamination est possible quand un enfant joue ou mange avec les autres », témoigne Odette Kouadio, l’une des dix conseillères de l’organisation. À cette méconnaissance s’ajoute le manque de moyens. Pour beaucoup, assurer trois repas par jour reste impossible, ce qui complique la prise du traitement.

À quelques encablures de là, à l’Institut de formation à l’éducation féminine (IFEF), les enseignants profitent du passage des jeunes filles pour les « sensibiliser » aux dangers du sida  . Beaucoup d’entre elles, nous glisse-t-on, risquent de « se livrer à la rue » du fait de la précarité de leur famille. Plus loin, comme un rappel, la rue Princesse se transforme le soir en « lieu de toutes les dépravations ».

V. D.

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