Rwanda : les orphelins du sida ont leur mot à dire

Le génocide de 1994 et le sida ont fait du Rwanda le pays qui compte le plus grand nombre de foyers dirigés par des enfants en Afrique

Publié le 11 octobre 2006 sur OSIBouaké.org

11 octobre - Au Rwanda, une nouvelle méthode participative permet d’aider les enfants orphelins à assumer les responsabilités parentales et à continuer à vivre avec leurs frères et soeurs.

Quelque 270 000 enfants ont perdu un ou deux de leurs parents des suites d’une maladie liée au sida  . En outre, le génocide de 1994 a fait du Rwanda le pays africain qui compte le plus grand nombre de foyers dirigés par un enfant.

« Ce qu’il faut bien comprendre avant tout, c’est qu’au Rwanda, plus de 60 pour cent des orphelins sont des orphelins du sida  . Ils ont besoin d’un soutien parental », a déclaré Elie Nduwayesu, directeur de Nkund’abana (‘J’aime les enfants’ en langue kinyarwanda), une initiative lancée par CARE, une organisation non gouvernementale basée aux Etats-Unis.

Nkund’abana aide, depuis trois ans, les enfants qui doivent élever seuls leurs frères et soeurs à Gitarama, une ville située à 35 kilomètres au sud de Kigali, la capitale rwandaise. Nkund’abana apporte un soutien à ces jeunes qui doivent assumer de lourdes responsabilités suite au décès de leurs parents.

Les équipes Nkund’abana font appel aux communautés locales pour prendre en charge ces enfants, mais « contrairement aux autres initiatives, ici, ce sont les enfants qui choisissent eux-mêmes la personne, membre de la communauté, qui s’occupera d’eux. Ce sont également les enfants qui établissent le cadre de référence », a expliqué Elie Nduwayesu.

Il y a quatre ans, Claudine Uwamariya, une jeune rwandaise de 13 ans, a perdu son père des suites d’une maladie liée au sida  . Sa mère est morte deux ans plus tard, et « au cours des six semaines qui ont suivi le décès de ma mère, mes trois frères et sœurs et moi avons dû [déménager] dans différents endroits », dans de nouvelles familles d’accueil, où la vie n’était pas facile, a-t-elle raconté.

« La nourriture manquait et comme nous ne faisions pas partie de la famille, les parents s’occupaient en priorité de leurs enfants », a dit Claudine.

Après avoir passé une année auprès de cette famille, Claudine a décidé de retourner, avec ses frères et sœurs, auprès des membres de sa famille.

Pourtant, « nous n’allions pas à l’école et notre vie ne ressemblait pas à celle des enfants de notre âge », a-t-elle raconté. Puis « un voisin m’a indiqué un endroit où ils aident les enfants comme nous à construire de vrais foyers [et expliquent comment] s’occuper d’une maison. »

Une équipe de Nkund’abana a demandé à Claudine et à ses frères et sœurs d’indiquer une personne de leur communauté qui, selon eux, pourrait jouer le rôle d’un parent. Ensuite, avec l’aide de conseillers, les enfants ont préparé le cadre de référence qui définit la relation qu’ils souhaitent entretenir avec cette personne.

Une fois que les enfants ont fait leur choix, la personne désignée est contactée par Nkund’abana et reçoit une formation. Au cours de cette formation, le tuteur est informé sur la manière dont il faut s’occuper de ces enfants et sur le soutien qu’il faut leur apporter afin de les aider à surmonter leur traumatisme.

« Nous faisons en sorte que ces tuteurs disposent de tout ce dont ils ont besoin pour être les meilleurs parents possible », a souligné Elie Nduwayesu.

Les enfants vivent dans leur propre maison, où ils reçoivent la visite de leurs nouveaux parents qui viennent leur apporter de l’aide. Grâce à Nkund’abana, les enfants peuvent également s’inscrire dans une école d’enseignement général ou spécialisé et suivre ainsi une formation de charpentier, maçon, chauffeur ou tailleur.

« Certaines personnes décident d’aider matériellement les foyers dirigés par un enfant ou de payer les frais de scolarité des enfants ... [mais] sans soutien, les enfants revendent les marchandises qu’ils reçoivent et ceux qui sont inscrits dans des écoles n’y vont tout simplement pas », a ajouté M. Nduwayesu.

Tout le système « est centré sur les enfants, c’est à eux qu’il incombe de prendre les décisions importantes. Chaque foyer dirigé par un enfant a le droit de renoncer à son tuteur, lorsque ce dernier ne répond pas à ses attentes », a-t-il expliqué. « Heureusement, nous n’avons que quelques cas de ce type. »

Nkund’abana s’occupe de plus 2 600 foyers dirigés par un enfant et CARE vient de mettre en place ce programme dans d’autres régions du Rwanda.

Les enfants ont retrouvé le chemin de l’école, et selon la plus jeune des sœurs, Claudine leur permet de vivre comme le faisait leur mère.

« Mais la chose la plus essentielle que nous apporte Nkund’abana, c’est qu’une personne vient nous rendre visite et nous donne des conseils », a conclu le plus jeune frère de Claudine. « Grâce à ces visites, nous avons l’impression d’être de nouveau une famille. »

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