Le gouvernement balayé par les déchets toxiques

Charles Konan Banny profite du scandale des déchets toxiques pour changer de gouvernement

Publié le 8 septembre 2006 sur OSIBouaké.org

Le Premier ministre, Charles Konan Banny, a tiré les conséquences du scandale des déchets toxiques déversés à Abidjan, en annonçant la démission de son gouvernement. Il a immédiatement été chargé à nouveau, par le président de la République Laurent Gbagbo, de former dans les vingt-quatre heures une nouvelle équipe.

« On ne peut pas tuer impunément en Côte d’Ivoire, il est important qu’on donne l’exemple au plus haut niveau », a déclaré le président de la République Laurent Gbagbo en commentant la décision du Premier ministre, Charles Konan Banny, qui lui a présenté la démission de son gouvernement. Le président de la République l’a immédiatement reconduit dans ses fonctions en lui demandant de recomposer une nouvelle équipe. Le Premier ministre avait tiré les conséquences du scandale du déversement à Abidjan des tonnes de déchets toxiques. De sources hospitalières, on annonce plus de 1 500 personnes affectées par l’inhalation des produits toxiques et un troisième décès.

En ordonnant des enquêtes judiciaires et administratives, Charles Konan Banny veut établir les responsabilités dans la chaîne de décisions prises par les autorités ivoiriennes. Déjà, le Port autonome d’Abidjan accuse le ministère des Transports de légèreté, car ce dernier aurait délivré à la société ivoirienne de vidange « Tommy », nouvellement créée, un agrément qui, de fait, a cassé un monopole jusque là détenu par une entreprise franco-libanaise.

Mais avant que les responsabilités ne soient distinctement établies, les services du Premier ministre évoquent d’ores et déjà des sanctions administratives ciblées au niveau des responsables du Port autonome d’Abidjan, de la direction générale des douanes, du district d’Abidjan et du ministère des Transports.

Un communiqué du Premier ministre précise également que l’eau courante n’est pas affectée par la pollution. Cependant, une surveillance accrue des sites est mise en place, et les autorités politiques n’excluent pas un déplacement massif des populations si cela était nécessaire. La Côte d’Ivoire a d’ailleurs lancé un appel à la communauté internationale pour l’aider dans la lutte contre la pollution environnementale et sanitaire qui frappe la population d’Abidjan. La France a répondu à cet appel en dépêchant sur place une mission d’experts du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et une autre équipe du Centre opérationnel de gestion internationale des crises (COGIC).

Alors que les secours se mettent en place, les victimes aussi s’organisent en association. Certaines d’entre elles ont saisi un avocat, Me Martin Koudou Dogo du barreau de Nice, pour qu’il réfléchisse à une action à intenter contre l’Etat ivoirien. Pour ces victimes, il importe qu’une expertise digne de foi soit diligentée, qu’une évaluation de l’ampleur du sinistre soit révélée et que des indemnisations conséquentes soient, éventuellement, versées aux familles.

Habileté politique

Alors que tout le monde s’attendait au limogeage des directeurs des sociétés et institutions impliquées dans l’affaire des déchets toxiques, le Premier ministre a surpris en présentant au président de la République la démission de son gouvernement. En assumant ainsi les responsabilités de l’Etat ivoirien, Charles Konan Banny, a aussi posé un acte politique sans précédent dans l’histoire de la Côte d’Ivoire. Mais au-delà de ce que certains ont qualifié de « courage politique », il faut aussi voir l’habileté du Premier ministre à se dégager d’un blocage des institutions de la transition dont il a la charge. Sous sa houlette, la dernière réunion des principaux leaders politiques du pays n’a rien apporté de nouveau.

A quelques jours des réunions du Groupe de travail international (GTI) et du Conseil de sécurité des Nations unies sur la Côte d’Ivoire, Charles Konan Banny crée l’événement en se débarrassant de certains membres de son équipe gouvernementale sans déclencher de crise politique. En effet, nommé par la communauté internationale, il avait constitué un gouvernement d’union nationale en décembre 2005, dont la principale mission était de conduire le pays à l’élection présidentielle en octobre 2006. Les institutions internationales décideront d’un nouveau calendrier. Bien entendu, la nouvelle équipe traduira également un jeu d’équilibre entre les différentes familles politiques du pays, mais le Premier ministre aura à cœur de s’entourer de personnalités nouvelles.

Pour l’heure, il a réussi à faire passer dans l’opinion publique ivoirienne que la crise majeure que traverse le pays n’est pas le blocage des institutions de la transition mais plutôt la pollution à grande échelle et ses conséquences qui frappent la capitale économique, Abidjan.

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