Guerre en Côte d’Ivoire et VIH : le cauchemar de l’Afrique de l’Ouest

Bouaké, les rebelles et le VIH/Sida

Publié le 20 avril 2005 sur OSIBouaké.org

Source : Reuters - Date : 3 Mars 2003 Par Matthew Tostevin - Traduction Virginie Kouadio

BOUAKE, Côte d’Ivoire, le 3 mars (Reuters) - « Les filles nous adorent parce qu’elle aiment ce pourquoi nous nous battons » dit en riant le rebelle ivoirien Mantou Cissé, entouré de jeunes admiratrices. « Sida   ? Si j’ai peur du Sida   ? Mais il n’y a pas de Sida   à Bouaké ! », poursuit-il avec la confiance d’un rebelle appartenant à une fraction de jeunes armés qui imposent leur loi dans la force.

Mais le SIDA   touche Bouaké.

Dans les faits, la Côte d’Ivoire était déjà le pays le plus contaminé d’Afrique de L’Ouest avant septembre 2002, date à laquelle un conflit chaotique à commencé à déchirer le pays. Aujourd’hui, ce conflit menace de propager le virus du VIH   qui provoque le SIDA   et vient sceller un peu plus les espoirs de ce pays pour reconquérir un jour son titre « d’Exception Ivoirienne » dans une région défavorisée. Tout aussi dangereux ; ce conflit pourrait aussi ventiler la crise dans une partie de ce continent qui s’en était jusqu’alors bien sorti comparé à l’Afrique de l’Est et du Sud. « La Côte d’Ivoire était déjà le pays avec le taux le plus élevé de malades du SIDA   dans la sous-région », déclare Pierre Mpele, président d’UNAIDS pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. « Les situations de crise favorisent la propagation de la maladie et si cela continue en Côte d’Ivoire, nous craignons qu’il y ait un impact sur toute la sous-région à cause des migrations de populations. » En Côte d’Ivoire il y a 10 à 12% de la population sexuellement active atteinte du SIDA   et cela dans un pays qui a attiré des millions d’immigrants de part ses multiples richesses. Bouaké, la deuxième ville du pays, est un croisement. Ce carrefour des commerçants et des étudiants était déjà plus touché que d’autres villes ivoiriennes. Aujourd’hui, les efforts pour prévenir la transmission de la maladie et soulager les malades sur place ont été anéantis.

Pas de préservatifs !!

« Même si vous voulez mettre un préservatif, il n’y en a pas en ville et les gens ne peuvent pas s’abstenir éternellement ! Il n’y a pas d’argent pour les campagnes de prévention ni pour faire comprendre à tous les dangers... » dit Penda Touré, directrice du Centre SASS (Solidarité et Action Sociale contre le Sida  ) de Bouaké. Avant le conflit, ce Centre aidait plus de 900 familles dont un ou plusieurs membres étaient séropositif. Depuis septembre 2002, Penda Touré n’a pu entrer en contact qu’avec 268 familles. La plupart des malades ont fui vers Abidjan, la capitale et d’autres ont regagné leurs villages. Il se pourrait qu’ils soient en train de disséminer la maladie dans les endroits reculés où le virus avait jusqu’alors épargné les locaux. Les prostitués par exemple pourraient continuer à exercer leur profession dans les villages sans utiliser de préservatifs.

« Cette guerre est une catastrophe pour nous les séropositifs ! » dit Sidibé Brahima, un ancien commerçant qui se sait malade depuis 1995. Il appuie ses paroles d’une main tremblante et affaiblie par la souffrance. « Les gens qui nous aidaient ont fui eux aussi et nous n’avons plus de nourriture, plus rien ! » L’effondrement soudain de cette société de 16 million d’habitants a crée des conditions favorables à la propagation de la maladie même si un cesser le feu a été signé entre les forces loyalistes du Président Gbagbo et les rebelles. « La crise rend les jeunes et les femmes particulièrement vulnérables » dit M. Mpele. « Dans certaines régions du pays, il n’y a plus d’infrastructures médicales et c’est la violence qui règne. Il y a une augmentation probable des viols et le comportement des jeunes a changé à cause de la crise, ils prennent plus de risques. »

Peu se soucient de la maladie.

Chez des gens dont la principale préoccupation est de trouver à manger et chez les soldats qui redoutent la reprise des combats à tout moment, peu se soucient du SIDA  . A Bouaké les jeunes femmes sortent avec les rebelles autour du pont bascule car ils sont les seuls à avoir un peu d’argent dans une partie du pays où la vie économique est quasiment morte après 5 mois d’affrontements et de négociations de paix. A l’ouest du pays, l’armée est engagée dans des combats sporadiques contre deux factions rebelles, certaines alliées du Libéria et des viols ont été reportés dans tous les camps. De plus, plus d’un million de personnes ont dû fuir leur maison et se trouvent aujourd’hui dans des situations très précaires ce qui inquiète les travailleurs sociaux en place qui redoutent l’augmentation de la prostitution. Cette dislocation de masse menace de propager le virus du SIDA   non seulement en Côte d’Ivoire mais aussi dans les pays limitrophes moins touchés jusqu’alors par le VIH  , comme le Ghana, le Mali et le Burkina Faso qui voient soudain revenir des travailleurs qui avaient migrés en Côte d’Ivoire et des réfugiés. La leçon à tirer de la toute proche Sierra Léone parle d’elle même : avant la guerre civile qui a ravagé ce pays depuis 10 ans le taux d’infection était inférieur à un pour cent. Aujourd’hui, on pense qu’il dépasse les 7% dans certaines régions. « Ici, nous avons le sentiment non pas de revenir à zéro mais bien en dessous de zéro » dit Penda Touré.

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