L’adoption internationale des enfants congolais suspendue pour une année

Quand un pays d’origine prend des mesures contre un trafic sur lequel les pays d’adoption ferment les yeux

Publié le 19 octobre 2013 sur OSIBouaké.org

Radio Okapi - 10 octobre 2013 -

La Direction générale de migration (DGM) a suspendu l’adoption internationale des enfants congolais par des étrangers pour une durée de douze mois. La mesure a été prise le mercredi 25 septembre dernier et communiquée le même jour à une quinzaine d’ambassades installées en RDC. Le directeur général de la DGM explique avoir pris cette décision après avoir reçu des informations sur des secondes adoptions voire de traite d’enfants adoptés en RDC.

C’est l’ambassade de la RDC au Canada qui a alerté la DGM sur les conditions des enfants congolais après leur adoption à l’étranger.

Après des enquêtes, le service de migration congolaise a conclu que certains enfants ont été abandonnés par leurs parents adoptifs ou « revendus » à d’autres personnes, pour la plupart homosexuelles.

Face à ce qu’elle qualifie de dérapages et pour le bien-être des enfants, la DGM estime qu’il faudrait des enquêtes sérieuses avant toute nouvelle opération d’adoption et souhaite une collaboration avec les ambassades citées dans le communiqué qu’il leur a adressée.

Les pays concernés sont :

  • Etats-Unis
  • France
  • Royaume de Belgique
  • Italie
  • Royaume-Uni de grande Bretagne
  • Canada
  • Allemagne
  • pays-Bas
  • Suisse
  • République Tchèque
  • Burkina Faso
  • Slovenie
  • Australie
  • Suède
  • Uruguay

Selon les statistiques fournies par la DGM, entre 2009 et 2013, mille cent six enfants congolais ont été adoptés par des ressortissants de quinze pays, soit une moyenne de deux cents enfants par année.

En comparaison, la DGM signale qu’en Belgique, au plus vingt enfants sont adoptés chaque année.


OSI Bouaké - 19 octobre 2013 - SD -

Cette décision arrive après l’échec de l’alerte lancée le 6 novembre 2012 par le Service social international (SSI) et relayée par l’association française Enfance et familles d’adoption (EFA) auprès de la Mission pour l’adoption internationale (voir ci-dessous). Malgré les témoignages étayant les soupçons de trafic, l’Etat français n’a pas souhaité prendre les mesures qui auraient pu mettre un terme à des arrivées d’enfants hautement suspectes (il aurait pu refuser de délivrer les visas, voire retirer l’agrément de l’OAA organisant ces flux).

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Alerte du Service social international

Dans son bulletin d’octobre 2012, le Service social international (SSI) fait part de son inquiétude face à la forte augmentation des adoptions en République démocratique du Congo (36 en 2008 pour 339 en 2011) et appelle les pays d’accueil « à faire preuve de retenue dans le développement [des adoptions] ». Multiplication des adoptions, contexte de « post conflit », absence des garanties nécessaires à un tel développement des adoptions, autant d’éléments qui doivent nous inciter à la prudence.

« Avec 339 adoptions internationales en 2011, la République Démocratique du Congo a multiplié par 10 le nombre d’enfants adoptés internationalement en l’espace de 4 ans (2008 : 36 dossiers recensés). Des informations concordantes indiquent par ailleurs que des intermédiaires sont de plus en plus actifs et n’hésitent pas à faire la promotion de l’adoption d’enfants congolais. Ces deux éléments doivent être compris comme les signes avant-coureurs d’une forte augmentation des adoptions en provenance de RDC, dans un contexte qui doit être qualifié de « post conflit », et qui ne peut offrir les garanties nécessaires au traitement à grandes échelles des adoptions. Le SSI/CIR suit de très près cette évolution et espère pouvoir mener bientôt une mission sur place. Il enjoint les pays d’accueil à faire preuve de retenue dans le développement. » A noter que lors de sa mission en République démocratique du Congo en avril 2009, EFA mettait en garde contre une accélération du nombre d’adoptions au vu des conditions difficiles et de l’absence d’informations claires sur l’origine des enfants : En tout état de cause, l’adoption ne peut être qu’une réponse au cas par cas, pour quelques enfants ; ce ne peut être la réponse à la souffrance massive de milliers d’enfants de ce pays et de leurs mères. Trois ans plus tard, les interrogations d’EFA restent d’actualité. En savoir plus EFA invite les familles à contacter leur association départementale EFA.

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Malgré sa faiblesse, l’Etat congolais est en mesure de prendre les mesures élémentaires pour protéger ses enfants vulnérables. Malheureusement, celles-ci ne suffisent pas car elles ne protègent pas les enfants qui seront adoptés via un intermédiaire agréé, comme c’est le cas en France. La part de responsabilité de l’Etat français reste de vérifier si les pratiques des organismes qu’il agréé sont conformes aux Droits de l’enfant.

Les autorités congolaises à Kinshasa viennent de faire connaître à l’ambassade de France leur volonté d’appliquer strictement les critères d’éligibilité à l’adoption en RDC, posés par la loi congolaise. Désormais, seuls les couples mariés depuis 5 années et n’ayant pas plus de deux enfants en vie seront autorisés à initier une procédure d’adoption en RDC. Les procédures d’adoption ne sont donc plus ouvertes aux candidats célibataires, et ce même dans un cadre intrafamilial.

Par ailleurs, les autorités congolaises ont fait savoir qu’elles exigeaient désormais que les procédures d’adoption soient encadrées par un opérateur agréé et que les dossiers initiés dans le cadre d’une démarche individuelle d’adoption seraient rejetés.

Elles ont indiqué que ces mesures s’appliquaient immédiatement, y compris aux procédures en cours et que seuls les dossiers respectant ces critères pourraient recevoir une validation de la commission mixte sur l’adoption, et aboutir à la délivrance d’une autorisation de sortie du territoire national pour l’enfant adopté.

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Les diverses alertes mettant en cause les organismes agréés par l’Etat français ont conduit l’un d’eux à un argumentaire justificatif que l’on peut trouver sur leur site.

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Pour éclairer l’absence de position de la France, deux éléments d’analyse :

  • la peur de la pression qui pourrait être exercée par les postulants à l’adoption en RDC, qui seraient prêts à se mobiliser de manière offensive pour dénoncer les obstacles injustes, dressés par des Etats insensibles ;
  • la nécessité de maintenir les chiffres de l’adoption internationale à un certain niveau de chiffres, alors que leur nombre est déjà en train de s’effondrer. L’enjeu est à rechercher du côté d’une difficulté à insatisfaire les postulants à l’adoption qui sont aussi des électeurs et qui sont nombreux en France (presque 30 000 agréments en cours de validité).

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