Coopération : Canfin marque la rupture

Le nouveau ministère du Développement veut faire oublier la Françafrique.

Publié le 31 mai 2012 sur OSIBouaké.org

Libération - 17 mai 2012 - par Thomas Hofnung

C’est l’une des surprises du premier gouvernement du quinquennat de François Hollande : exit le ministère de la Coopération, place au ministère du Développement ! Un glissement sémantique qui n’est pas anodin. « Le terme de coopération était trop marqué Françafrique », concède un haut fonctionnaire. « Il y avait une notion un peu condescendante dans ce vocable, ajoute un diplomate. Le développement, c’est l’idée d’un partenariat mutuellement profitable. » On est très loin des propos tenus, en juin 2008, par un ancien titulaire de la Coopération, le sarkozyste Alain Joyandet. Ce dernier déclarait à Libération : « On veut aider les Africains, mais on veut que cela nous rapporte. » Durant la campagne, les observateurs avaient noté dans l’entourage du candidat Hollande la présence de William Bourdon, l’avocat et fondateur de l’association Sherpa, à l’origine de l’enquête sur les biens mal acquis.

Emoi. Deuxième surprise : le nom du ministre délégué au Développement. C’est le vert Pascal Canfin, un député européen de 37 ans, qui a été choisi pour succéder à Henri de Raincourt, plutôt que le socialiste Kader Arif ou le sénateur communiste Robert Hue. Le premier, qui était justement chargé de ces questions dans l’équipe de Hollande, atterrit finalement aux Anciens combattants…

Pascal Canfin n’est pas un spécialiste du développement. Ancien journaliste au magazine Alternatives économiques, il s’est surtout fait connaître par ses travaux sur la spéculation financière, les banques et l’économie verte. Durant la campagne d’Eva Joly, il a défendu un « projet de budget alternatif » conçu comme un « new deal écologique et social ». « Vu son profil, on peut imaginer qu’il sera notamment chargé de mettre en place la taxe sur les transactions financières », pronostique un ancien de la « Coopé ».

L’âge et le pedigree de Pascal Canfin traduisent certes une volonté de rupture avec les usages du passé, de droite comme de gauche. Mais de quelle marge de manœuvre disposera ce ministre délégué placé sous la tutelle du Quai d’Orsay ? Pendant la campagne, un déplacement au Gabon du nouveau ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, avait créé un certain émoi au sein des ONG et jusque dans l’entourage du candidat Hollande. A Libreville, l’ex-Premier ministre de François Mitterrand s’était félicité des relations « excellentes » de la France avec le président Ali Bongo, dont l’élection en 2009 reste très contestée.

« Dinosaure ». « Rencontrer un dirigeant ne veut pas dire qu’on cautionne tout », assure un diplomate à Paris. Mais, au sein de la société civile gabonaise, la nomination de Fabius passe mal. « Son arrivée nous inquiète, lâche Marc Ona, une figure respectée à Libreville. C’est une sorte de dinosaure de la Françafrique. Le fait qu’un écologiste et spécialiste de la lutte contre les paradis fiscaux soit à ses côtés est certes un signe positif, mais ce dernier n’interviendra pas sur les aspects politiques. Or, la Françafrique, c’est d’abord le volet politique. »

Ce jugement catégorique n’entame pas l’optimisme d’un bon connaisseur de ces dossiers. « La nomination de Pascal Canfin est l’occasion de faire vraiment bouger les choses. A condition qu’il dispose d’une équipe bien connectée avec le Trésor. » Car, en dernier ressort, c’est toujours Bercy qui décide.

imprimer

retour au site