Controverse autour d’un nouveau mode moins polluant de culture des légumes

L’actualité des AMM allait bien finir par nous amener des médicaments aux engrais...

Publié le 6 août 2011 sur OSIBouaké.org

Libération - 06/08/2011

Les autorités françaises veulent interdire l’emploi de produits naturels pour traiter les salades, radis ou concombres alors qu’ils sont plus efficaces et moins polluants.

Colère de producteurs de légumes : les autorités veulent leur interdire l’emploi de produits naturels pour traiter leurs salades, radis ou concombres, en lieu et place de substances phytosanitaires chimiques plus polluantes.

« Avec ces produits, je n’ai plus de problèmes de mildiou. Et voilà qu’on nous les interdit, à cause des complexités de la réglementation », déplore Denis Digel, qui produit quelque 600.000 salades par an à Sélestat, dans le centre de l’Alsace.

Pendant des années, le maraîcher protégeait ses salades à l’aide de produits chimiques, qu’il appliquait à trois reprises. Depuis deux ans, il se contente d’une seule pulvérisation de Sémafort, un produit dit « phyto-stimulant », à base d’algues, d’extraits végétaux et de phosphites. La substance, fabriquée en Allemagne, est censée renforcer les défenses naturelles de la plante.

« C’est trois fois moins cher à l’hectare, et nettement plus efficace. Les rendements sont supérieurs. Et en plus, cela permet de réduire l’impact négatif sur la nature », énumère-t-il. Il souligne que le gouvernement a justement demandé aux agriculteurs, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, de diviser par deux d’ici 2018 leur consommation de produits phytosanitaires.

En France, ces produits alternatifs - dont le Sémafort - sont encore peu répandus, sauf dans l’Est où un regroupement de 460 producteurs les teste avec succès depuis 2007 au sein d’une « station d’expérimentation » dénommée « Planète légumes », soutenue par la Chambre d’agriculture d’Alsace.

Procédure longue et coûteuse

Or, le ministère de l’Agriculture a adressé en juin aux producteurs concernés une mise en garde sur l’emploi des phosphites. Il souligne que les produits contenant ces substances ne peuvent être commercialisés qu’en tant que « produits phytopharmaceutiques ». S’ils le sont en tant qu’engrais - c’est le cas du Sémafort -, ils doivent être « retirés du marché sans délai ».

Les phosphites de la discorde

« Nous n’avons aucune opposition de fond à l’usage des phosphites, qui sont d’ailleurs autorisées au niveau européen. Simplement, tout produit à base de phosphite ne peut être commercialisé que s’il a obtenu une autorisation de mise sur le marché » (AMM  ), précise à l’AFP un expert du ministère.

Or obtenir une AMM  , en France, relève d’une procédure longue et coûteuse, souvent hors de portée des petites ou moyennes entreprises qui commercialisent les phyto-stimulants. « Pour le Sémafort, cela coûterait quatre millions d’euros, c’est hors de portée de son fabricant », calcule Fabien Digel, directeur de « Planète légumes » et frère du producteur de Sélestat.

Les maraîchers réunis au sein de « Planète légumes » sont d’autant plus en colère que leurs voisins et concurrents allemands vendent en toute légalité en France des légumes traités aux phosphites : outre-Rhin, ces produits sont homologués pour une somme modique. Et ils ne le sont ni en tant que phytosanitaire, ni en tant qu’engrais, mais bien en tant que « phyto-stimulants ».

L’ancien ministre et actuel député (UMP) du Bas-Rhin François Loos a pris fait et cause pour les maraîchers, et a écrit au ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire pour lui demander de les rencontrer.

« Je pense qu’il y a une campagne en France pour empêcher l’arrivée de ces produits sur le marché », dit à l’AFP M. Loos. « Je ne sais pas si c’est un lobby, mais en tout cas je demande au ministre d’avancer ».

(Source AFP)

imprimer

retour au site