Sida : flambée de la pandémie

Premiers résultats d’une enquête en cours sur l’épidémie de sida en Côte d’Ivoire

Publié le 20 avril 2005 sur OSIBouaké.org

Journal l’Humanité - Rubrique International Article paru dans l’édition du 24 février 2005.

Il y a urgence : dans le Nord du pays tenu par la rébellion, les centres de santé ont été fermés et les médicaments ne parviennent plus. Un organisme proche de l’ONU   tire la sonnette d’alarme.

« Une bombe à retardement »...

Sous ce titre, l’IRIN (Integrated Regional Information Networks), organisme lié à l’agence des Nations unies OCHA (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs), vient de rendre publics les premiers résultats d’une enquête en cours sur l’épidémie de sida   en Côte d’Ivoire, la première depuis une quinzaine d’années. Enquête lancée par le ministère spécial pour la lutte contre le sida  , dont se sont dotées les autorités ivoiriennes, avec l’appui des troupes de l’ONU   pour ce qui concerne la partie nord du pays aux mains de la rébellion. La bombe évoquée concerne ces régions, celles de Bouaké et de Korogho notamment, où, selon l’IRIN, la pandémie connaîtrait ces deux dernières années une véritable flambée.

Avec un taux de prévalence du VIH  /sida   évalué en 2004 à 7,5 % par Onusida  , 9,5 % par le gouvernement, la Côte d’Ivoire est le pays le plus frappé de l’Afrique de l’Ouest. Deuxième grande ville du pays, Bouaké, située sur l’axe reliant la Côte d’Ivoire au Burkina Faso, avait, avant même le début du conflit, un taux de prévalence supérieur à la moyenne nationale. Or, depuis septembre 2002, la plupart des centres de santé ont été emportés par la tourmente, tandis que l’essentiel des agents de santé affectés dans le Nord se sont réfugiés dans le sud du pays contrôlé par le gouvernement. « Ici, nous risquons d’atteindre des taux trois fois supérieurs à la moyenne nationale », déclare Penda Touré, responsable d’un centre SAS (une ONG locale d’aide aux orphelins et aux personnes vivant avec le VIH  /sida  ) en zone rebelle. Il conclut en reprochant à la communauté internationale de ne pas traiter cette crise naissante comme une « urgence majeure ». Autres propos rapportés par le document cité, ceux d’un médecin de l’hôpital de Bouaké : « Aujourd’hui, nous ne conseillons pas aux gens de se faire dépister. Pourquoi ? Parce que nous ne pouvons pas leur offrir de traitement. Cela ne ferait que leur faire plus de peine. » Guerre, déplacements de population et prostitution forment un cocktail explosif. « Il n’y a eu aucune campagne de prévention ni de sensibilisation depuis le début du conflit, insiste Penda Touré. Les gens ne se soucient plus du VIH  /sida  . Le seul sujet de discussion est le conflit et la seule préoccupation la survie. » Les résultats de l’enquête devraient être rendus publics en juin, précise Mamadou Diallo, représentant d’Onusida   en Côte d’Ivoire. Avant de confier son inquiétude : « Le conflit a interrompu le programme d’ouverture de nouveaux centres, de décentralisation des traitements et de formation des personnels. Les campagnes de prévention ont été réduites. » À cette étape de l’enquête, l’IRIN s’abstient de hasarder des données chiffrées, mais tire la sonnette d’alarme pour ce qui concerne le Nord, multipliant les témoignages ponctuels. Ainsi de celui fourni par le petit groupe de religieuses espagnoles et colombiennes qui gèrent un centre médical proche du village de Koni, dans la région de Korogho. Alertées par l’état lamentable des enfants amenés pour consultation, elles décidaient l’été dernier de dépister dix enfants. « Sept enfants sur dix étaient séropositifs », indique soeur Brigida de la congrégation des Hermanitas de l’Anonciacion, précisant que leurs mères étaient elles aussi infectées par le virus. « À partir des symptômes que nous observons, nous pensons qu’il y a une forte augmentation des cas de VIH  /sida   », confirme soeur Marleny. Mais ici dans le Nord, nous ne pouvons rien faire pour arrêter la pandémie. Il n’y a pas de médicaments et pas d’argent non plus. Même lorsque vous effectuez les tests de dépistage, il n’y a rien d’autre à faire que de conseiller aux gens d’éviter d’infecter les autres. »

Jean Chatain

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