Un rapport accable la reprise du port de Conakry par Bolloré
Publié le 22 mai 2011 sur OSIBouaké.org
Par Augustin Scalbert | Rue89 | 18/05/2011 |
Un rapport d’audit indépendant, commandé après la polémique consécutive à la brusque attribution de la concession du port de Conakry (Guinée) au groupe Bolloré, conclut que celui-ci a obtenu un « monopole portuaire privé » unique au monde, qui « serait préjudiciable pour l’économie guinéenne » et « sera probablement contesté » par le FMI et la Banque mondiale.
Le groupe Bolloré conteste ces conclusions, et parle de « rapport à charge ». Rue89 en a obtenu copie (La Lettre du continent se l’est aussi procuré). Il a été commandé en mars par la direction générale du port autonome de Conakry (PAC) au cabinet d’audit Inecor. Une manière pour le PAC de se border, alors que la plainte déposée par le précédent attributaire de la concession, le groupe français Getma, faisait les gros titres de la presse française et africaine.
Arrivé au pouvoir en décembre, le nouveau président guinéen, Alpha Condé, a attribué par décret du 10 mars la concession du port au groupe Bolloré, en arguant d’une « défaillance » de Getma, qui avait obtenu ce marché en 2008 après appel d’offres, pour une durée de vingt-cinq ans.
Du côté de Getma, on soupçonne un favoritisme des autorités guinéennes vis-à-vis de Bolloré.
Selon Bolloré, qui a signé le contrat dès le 11 mars, cette concession lui revenait de droit, puisqu’il était arrivé deuxième lors de l’appel d’offres de 2008. Getma conteste.
Quoi qu’il en soit, une chose pose des questions dans l’attribution à Bolloré. Un élément majeur : le périmètre de la concession a été élargi.
Sur 27 pages, « l’audit de la convention de concession du terminal à conteneurs de Conakry » réalisé par Inecor détaille les conditions très favorables dont Bolloré a bénéficié en signant son contrat :
Tous ces bonus attribués à Bolloré constitueraient de véritables cadeaux, puisque « les redevances de concession sont restées inchangées malgré l’extension substantielle des activités concédées, du périmètre concédé et de la zone d’exclusivité ».
Le directeur général de Bolloré Africa Logistics, Dominique Lafont, précise qu’un avenant au contrat du 11 mars a été signé « le mois dernier », et que cet avenant exclut du périmètre le terminal conventionnel.
Selon ses concurrents de Getma, cet avenant a été signé après que le président Alpha Condé a pris connaissance des conclusions de l’audit. Furieux, il aurait demandé à Bolloré de restreindre le périmètre.
Dominique Lafont conteste cette version et donne la sienne :
« Les autorités guinéennes ont voulu qu’on prenne toute la partie conventionnelle du port. Nous étions réticents, car beaucoup d’opérateurs locaux ou de commerçants y travaillent, ce qui rend la tâche compliquée. Mais nous avons accepté, car c’était à prendre ou à laisser.
Quand cela s’est su à Conakry, ça a causé des problèmes car les commerçants ou opérateurs ne voulaient pas être délogés. Les autorités nous ont donc demandé de signer cet avenant. »
Reste que sans la partie conventionnelle du port, le périmètre semble tout de même avoir augmenté. Mais là aussi, Bolloré conteste, par la voix de l’adjoint de Dominique Lafont, Eric Melet :
Sur ces deux derniers points, que le dirigeant de Bolloré juge « majeurs et bien plus importants » que les autres, Getma répond que l’exonération fiscale n’était pas « totale », et qu’elle est prévue par la loi guinéenne régissant les ports depuis 1998.
Quant à la défaillance sur ses obligations, le concurrent de Bolloré la conteste, notamment en produisant une lettre envoyée le 25 janvier 2011 par le directeur national de la marine marchande guinéenne évoquant « avec beaucoup de satisfaction la qualité de présentation des travaux réalisés et ceux qui sont programmés ».
La bataille de communication entre les deux groupes n’est donc pas terminée. Pas plus que celle engagée devant les tribunaux. Getma a lancé trois procédures.
Getma s’estime « confortée » par le rapport d’audit, et « regrette que la Guinée ait franchi une étape supplémentaire pour s’éloigner d’un Etat de droit ».
Réaction de l’’avocat de Bolloré, Me Olivier Baratelli :
« C’est à nouveau une mauvaise querelle faite par Getma. »