Côte d’Ivoire : Statu quo et risque de chaos

Cette semaine : Echec de la dernière médiation africaine, démission du gouverneur de la BCEAO

Publié le 23 janvier 2011 sur OSIBouaké.org

Libération - 20/01/2011 - Par Sabine Cessou, Envoyée spéciale à Abidjan

La dernière médiation tentée lundi et mardi par Raila Odinga, le Premier ministre kényan, s’est soldée par un échec : Laurent Gbagbo ne veut pas quitter le pouvoir, tandis qu’Alassane Ouattara refuse de le partager. Désormais, ce sont deux présidents isolés qui se font face dans une guerre des nerfs et un climat de tension grandissante. Depuis lundi, les coups de feu ne se font plus seulement entendre la nuit, dans les quartiers populaires, mais aussi dans la journée, en plein centre-ville.

Sanctions. Laurent Gbagbo, devenu un paria sur la scène internationale, contrôle toujours le pays grâce à une armée forte de 50 000 hommes, dont 4 000 fidèles recrutés dans son ethnie, mais aussi grâce aux médias d’Etat et à l’administration. Il est la cible d’une batterie de sanctions internationales pour avoir laissé un Conseil constitutionnel à sa botte annuler 600 000 voix et le déclarer vainqueur. Au pouvoir depuis 2000, Gbagbo ne peut plus compter que sur l’amitié affichée et assumée de l’Angola, gros producteur de pétrole, et sur la sympathie plus discrète de la petite Gambie, du Ghana voisin et de l’Afrique du Sud.

Dans les faits, il tient encore les cordons de la bourse, les impôts et les taxes tombant toujours dans son escarcelle. Le retrait de la signature des comptes ivoiriens de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) au profit d’Alassane Ouattara, ordonné le 23 décembre par les ministres des Finances de la sous-région, est resté sans effet. Et pour cause, le gouverneur de la BCEAO est un Ivoirien proche de Laurent Gbagbo…

De son côté, Alassane Ouattara, déclaré élu avec 54,1% des voix, est soutenu par la communauté internationale. Mais il vit retranché depuis quarante-cinq jours dans l’hôtel du Golf, placé sous la protection des Casques bleus et de l’armée française. La journée « ville morte » qu’il avait lancée mardi n’a été que partiellement suivie. Le camp Ouattara, qui reste optimiste, compte toujours sur une intervention militaire extérieure pour déloger Gbagbo du pouvoir. « Il suffirait que deux avions nigérians passent au-dessus du palais présidentiel pour que Gbagbo s’en aille », avance un expert militaire européen.

Une hypothèse plus qu’incertaine. Rien n’indique qu’il existe une volonté politique claire au sein de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) en faveur de cette option, inédite dans les annales africaines.

Représailles. Bien au contraire : Blaise Compaoré, le président du Burkina Faso, a rappelé hier à Paris, où il a rencontré Nicolas Sarkozy, que la Cédéao préfère une « solution pacifique ». Trois millions de Burkinabés vivent en Côte-d’Ivoire, un pays de 20 millions d’habitants où résident 8 à 9 millions d’étrangers venus du Mali, du Togo, du Sénégal, du Ghana, etc. Des populations que la Cédéao n’aurait pas les moyens de protéger d’éventuelles représailles.


Côte d’Ivoire : le chef de la banque ouest-africaine poussé à la démission

Libération - 23/01/2011

Le gouverneur ivoirien de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’ouest (BCEAO), proche du président sortant Laurent Gbagbo, a démissionné samedi sous la pression de chefs d’Etat ouest-africains réunis en sommet à Bamako.

Philippe-Henry Dacoury-Tabley a présenté sa démission de lui-même, indique un communiqué publié à la fin du sommet des dirigeants des huit pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) à Bamako, dont la BCEAO est la banque d’émission.

Il a pris cette décision après avoir entendu "le compte-rendu sur la non-application effective des décisions prises par le conseil des ministres" de l’Uémoa, précise le texte lu par le président de cette institution financière régionale, Soumaïla Cissé.

Le sommet a en outre décidé de demander à Alassane Ouattara, reconnu comme le président de la Côte d’Ivoire par la communauté internationale, de désigner un nouveau gouverneur de la BCEAO.

Pour sa part, le gouvernement Gbagbo "rejette la démission forcée" du gouverneur et "continue de récuser" la décision des ministres des Finances de l’Uémoa, a annoncé samedi son porte-parole, Ahoua Don Mello.

Dans une déclaration à la télévision ivoirienne, il a rappelé que le gouvernement Gbagbo "était déja intervenu pour récuser la dite décision (du 23 décembre) qui reste illégale, nulle et de nul effet".

Il était reproché à M. Dacoury-Tabley de ne pas avoir appliqué une décision de l’Uémoa du 23 décembre de donner à Alassane Ouattara tous les pouvoirs de gérer au nom de son pays les affaires liées à cette institution et à la BCEAO.

Position intenable

Une telle décision signifie en particulier que Alassane Ouattara et ceux qu’il a désignés sont les seuls habilités, au nom de leur pays, à avoir accès aux comptes ivoiriens de la banque centrale ouest-africaine.

Or, de 60 à 100 milliards de francs CFA (91,5 à 152,4 millions d’euros) ont été décaissés par la BCEAO en faveur du régime Gbagbo depuis cette date.

"C’est pour des raisons très techniques que nous n’avons pas pu mettre en oeuvre les décisions des chefs d’Etat. C’est ce que j’ai essayé de leur expliquer", a affirmé à des journalistes M. Dacoury-Tabley.

Sa position comme gouverneur de la BCEAO, poste qu’il occupait depuis deux ans, était en outre devenue intenable au lendemain des sanctions qui lui ont été infligées vendredi par l’Union européenne (UE  ) : interdiction de voyager et gel de ses avoirs.

Il est venu s’ajouter à la liste de près de 90 personnes, dont Laurent Gbagbo lui-même, frappées par ces sanctions.

Sa démission forcée représente une victoire pour le camp d’Alassane Ouattara qui était représenté à Bamako par son Premier ministre Guillaume Soro, seul à représenter également la Côte d’Ivoire.

Dans leur communiqué, les dirigeants de l’Uémoa invitent "le président Gbagbo à respecter les résultats" de la présidentielle du 28 novembre, "et à faire une passation pacifique du pouvoir".

Couper les vivres au régime Gbagbo est considéré par la communauté internationale comme une stratégie essentielle pour le pousser à céder pacifiquement le pouvoir à Alassane Ouattara et éviter le recours à une intervention militaire ouest-africaine pour le déloger, une option envisagée.

Le Premier ministre kényan Raila Odinga, émissaire de l’Union africaine (UA), qui a échoué lors de deux missions récentes à Abidjan à convaincre Laurent Gbagbo de partir, a plaidé vendredi pour un isolement diplomatique et des sanctions économiques et financières accrues.

Il a présenté l’option militaire comme un "dernier recours".

La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cédéao) a menacé de renverser militairement Laurent Gbagbo qui refuse de céder le pouvoir depuis qu’il a été proclamé vainqueur de la présidentielle par le Conseil constitutionnel alors que la Commission électorale a déclaré Alassane Ouattara élu.

(Source AFP)

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