Témoignage : Accès aux ARV

Publié le 31 juillet 2005 sur OSIBouaké.org

MSF par Julie Rémy

C’est une petite fille de six ans tout à fait mignonne... Liseli, qui vous embrasse tendrement et devient instantanément votre amie, est née séropositive et, à l’âge de huit mois, a perdu ses deux parents, morts du sida  . Sa tante, Mbano, qui est elle aussi séropositive, s’occupe avec amour de sa nièce orpheline. Elles sont venues à Kapiri pour une semaine, pour rendre visite à la grand-mère de Liseli. Elles vivent à Livingston, où 50 % de la population est atteinte du VIH  . Aucune équipe de MSF   n’est présente sur place. C’est pourquoi les antirétroviraux (ARV  ) que l’organisation distribue gratuitement ne sont pas disponibles à Livingston. Liseli n’utilise que la moitié de la dose d’ARV   nécessaire à un adulte et pourtant, sa tante doit payer au ministère de la Santé le prix d’une dose complète pour adulte. Selon le Bureau central de santé de la Zambie, les orphelins devraient recevoir des ARV   gratuitement, mais Liseli, elle, paie. Il y a, dans l’accord sur la santé, plus de promesses qu’on n’en tient. Le gouvernement est dépassé face à une pandémie de telles proportions.

Des ARV   génériques provenant de l’Inde maintiennent Liseli et sa tante en vie. Liseli gardera son sourire radieux grâce à l’argent offert par Bonnie, une autre tante de Liseli, qui est médecin en Afrique du Sud et qui elle aussi est séropositive, et par son oncle Tonny, un économiste vivant également en Afrique du Sud. Pour le moment, Liseli et Mbano sont parmi les gens qui ont de la chance, mais pour combien de temps encore...

Même si Liseli se trouve parmi les quelques fortunés qui ont accès à des médicaments relativement peu chers, elle sera bientôt confrontée à des problèmes. Dans une année ou deux, le virus s’adaptera aux médicaments génériques de première intention, maintenant disponibles en Zambie pour 200 $US par année. Elle devra alors recevoir un traitement de deuxième intention. Le virus s’adaptera et de nouveau, elle devra passer des médicaments de deuxième intention à ceux de troisième, qui ne peuvent pas être fabriqués de façon générique.

Dans le passé, l’Inde produisait des ARV   génériques. Pour se conformer aux termes de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle (ADPIC) qui relève de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ce pays a dû modifier ses lois sur les brevets en mars 2005. Auparavant, la loi indienne n’imposait pas de brevets sur les produits pharmaceutiques. Les entreprises pharmaceutiques indiennes pouvaient donc produire leurs propres versions génériques des médicaments et les mettre à la disposition des pays en développement à un prix beaucoup plus bas que celui des médicaments originaux. Dorénavant, aucun des nouveaux médicaments produits après la révision de la loi sur les brevets ne sera disponible en version générique. En bref, cela signifie que les habitants des pays les plus pauvres qui ont en fait commencé un traitement aux ARV   vont probablement mourir.

Lorsque les médicaments de première intention perdront leur efficacité, les séropositifs n’auront pas les moyens d’acheter des médicaments de seconde intention. Le prix astronomique des médicaments, atteignant annuellement les 10 000 $US par personne, pourrait bien contribuer à la mort de Liseli et de centaines de milliers d’autres personnes touchées par le VIH   partout dans le monde et qui, présentement, reçoivent des traitements de première intention. En plus, l’ADPIC fera baisser la concurrence entre les sociétés pharmaceutiques, ce qui provoquera la montée encore plus rapide des prix des nouveaux médicaments de toute sorte, que ce soient des ARV  , des antibiotiques ou de nouveaux médicaments contre le cancer... Cette situation touchera tout le monde - même les populations de l’Occident. Médecins Sans Frontières est très préoccupé. Comment trouvera-t-on les moyens pour continuer à fournir le traitement nécessaire ?

imprimer

retour au site