Haïti : le choléra viendrait bien de l’ONU et des soldats népalais

Publié le 10 décembre 2010 sur OSIBouaké.org

Par David Perrotin | Rue89 | 09/12/2010 | 18H41

La rumeur n’en était sans doute pas une. Selon le rapport du professeur Renaud Piarroux, épidémiologiste mandaté par la France, les Casques bleus népalais seraient bien à l’origine de l’épidémie de choléra en Haïti. Celle-ci a déjà fait 2 120 morts et contaminé près de 92 000 personnes.

Dans son rapport, confidentiel mais révélé mercredi 8 décembre par France 2, le professeur écrit :

« La mission d’investigation révèle le caractère sévère et inhabituel de cette épidémie dont l’origine importée ne fait aucun doute.

Elle a démarré aux abords du camp de la Minustah [Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti, nldr]. »

Selon le quotidien Libération de ce jeudi, une source médicale confirme que le foyer infectieux est parti du camp népalais. (Voir le sujet de BFM-TV diffusé mercredi)

En octobre, une étude réalisée par les Centres de prévention et de contrôle des maladies (CDC) d’Atlanta avait déjà conclu que la bactérie du choléra en Haïti était de souche sud-asiatique.

Trois morts et une vingtaine de blessés

Chaque année, le Népal connaît des pics récurrents de choléra. En septembre, alors que l’épidémie y sévit, des soldats onusiens quittent le pays pour venir en aide à la population haïtienne.

Quand l’épidémie débute sur l’île, les Haïtiens accusent très vite les Casques bleus asiatiques d’avoir introduit le choléra via une base de la région rurale de la rivière Artibonite, où sont apparus les premiers cas de contamination.

Des rumeurs selon lesquelles des soldats népalais auraient déversé leurs excréments dans un affluent du fleuve alimentent alors les tensions.

Certains Haïtiens s’en prennent violemment aux forces de maintien de la paix et exigent leur départ. Les soldats se défendent notamment par des tirs de gaz lacrymogènes, mais pas seulement. Bilan : trois morts et une vingtaine de blessés.

Démentis catégoriques de l’ONU   et de l’armée népalaise

Ce rapport rend donc obsolètes les nombreux démentis de Nations unies. Cité par Libération, un porte-parole de l’ONU  , Martin Nesirky, déclarait, le 7 décembre à New-York :

« La mission a conduit un certain nombre de tests dans l’eau à l’intérieur du camp et entre le camp et la rivière, et tous les résultats ont été négatifs. »

Le lendemain, un porte-parole de l’armée népalaise est encore plus catégorique :

« C’est une conclusion hypothétique et nous condamnons fermement de telles allégations sans faits ni preuves solides. »

A MSF  , l’origine de l’épidémie « fait débat en interne »

Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières (MSF  ), partageait cet avis, ce 18 novembre sur France Info :

« Dans les représentations collectives, l’épidémie vient toujours d’ailleurs. […]

Mais il y a une forte chance que l’épidémie vienne de la mer [du plancton, ndlr]. »

Un responsable de MSF  , interrogé ce jeudi par Rue89, admet que désormais la question « fait débat en interne » :

« C’est vrai que c’est un sujet hautement politique qui dépasse le domaine épidémiologique. Mais les personnes qui répondent ont accès à des dossiers qui confirment ou infirment ces accusations.

Certains, à MSF  , pensent que, vu le contexte politique en Haïti, il vaudrait mieux attendre avant de rendre publiques les expertises. D’autres veulent la transparence immédiate. »

Selon le docteur Marie-Pierre Allié, présidente de MSF  , ce qui importe c’est de ne pas laisser place ni aux rumeurs, ni aux soupçons :

« Il est essentiel de déterminer l’origine [de l’épidémie, ndlr]. Par exemple, on peut être plus optimiste si le choléra provient des soldats. Si cela vient de la mer et notamment à cause du réchauffement climatique, les conséquences à long terme peuvent être beaucoup plus graves. »

La présidente critique notamment l’ONU   :

« Au lieu de réfuter les accusations, l’ONU   aurait dû dès le départ lancer des investigations. Les informations épidémiques que l’on reçoit sont trop parcellaires. »

Des émeutes ont eu lieu après les résultats du premier tour de la présidentielle, mardi soir. Ces révélations sur le choléra et l’anniversaire du tremblement de terre, le 12 janvier, ne promettent pas de retour au calme dans le pays.

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