Des séropositifs réclament la promotion d’un film sur le SIDA

Publié le 12 septembre 2010 sur OSIBouaké.org

Brazzaville, Arsène Séverin - 30 août (IPS) - Valérie et Thierry Maba sont deux jeunes séropositifs mariés, il y a quelques années, à Brazzaville, la capitale congolaise. Ils ont produit un film, « Une vie positive », dans lequel ils dévoilent comment ils vivent quotidiennement avec le VIH  /SIDA  .

Réparti en quatre épisodes, le film dure 56 minutes, et met en exergue l’acceptation de la sérologie, vivre avec la maladie, et ce que les autres personnes doivent savoir du SIDA  . Pratiquant le sport et faisant la cuisine, jouant parfois aux amoureux, le couple a tout dévoilé pour réussir l’œuvre.

"L’objectif était de casser les barrières de la stigmatisation et de la fatalité, et d’aider les autres à vivre plus longtemps", explique Thierry Maba à IPS.

"Ce qui m’a le plus motivée, c’est le fait que nous avons perdu un enfant à cause de l’indifférence des médecins sachant que j’avais le SIDA  . J’ai alors décidé de dédramatiser cette maladie en me dévoilant", indique Valérie Maba, de son côté.

Des malades du SIDA   et d’autres personnes qui ont vu le film saluent le courage des acteurs. "Incroyable ! Très souvent, nous ne nous dévoilons pas. Personnellement, je suis soulagée", témoigne à IPS, Justine Samba*, une séropositive.

"J’ai été informée de ma séropositivité lors de mes pesées. Je n’ai rien dit à mon mari pendant six mois. Mais dès que nous avons vu ensemble ce film, je lui ai dit la vérité", confesse Jeanne Bamba*, aujourd’hui mère séropositive.

"Je suis fière de voir Valérie impliquer toute sa famille à les soutenir dans cette maladie", se réjouit Pascaline Kanga*, séropositive également.

Pour faire plus, le couple a intéressé les parents dans le film. "Je crois que ma sœur est aujourd’hui heureuse, bien que porteuse du VIH  . Elle a un mariage, des enfants et un poste de travail", témoigne, dans le film, Barthélemy Mouele, frère aîné de Valérie.

Parfait Bitsindou, un psychologue au Centre de traitement ambulatoire de Brazzaville, révèle à IPS : "Des femmes séropositives ne croyaient pas à l’accouchement des enfants sains. Mais avec ce film, nous avons enregistré, entre février et mai, beaucoup de malades enceintes".

Il ajoute : "Des malades que je suis ont repris confiance, ils résistent maintenant à la stigmatisation".

"Ce film a augmenté le nombre de ceux qui font le test, surtout les jeunes qui représentent aujourd’hui 50 pour cent de nos clients", souligne à IPS, Daniel Yokolo, responsable du Centre de dépistage volontaire de Bissita à Brazzaville.

Toutefois, le film n’a pas connu un grand succès dans le pays car il est mal promu. "Combien de gens ont suivi ce film ? Il n’a pas été vulgarisé, alors qu’il est très bon", affirme Ambroise Mamouna, séropositif, président de l’Association des personnes vivant avec le VIH  , basée à Brazzaville.

"Ce film est très important pour les malades, mais on ne sait pas où le trouver", regrette Rodolphe Bakala, secrétaire général de l’Association vie assurée, basée à Bouansa, au sud-ouest de Brazzaville.

Même au niveau des Unités départementales de lutte contre le SIDA   (UDLS), le film n’est pas arrivé. "Cela nous aurait aidé dans nos séances de sensibilisation de malades. Mais, il n’y a rien", déplore Séraphin Ngoma de l’UDLS de Lékoumou, dans le sud du pays. Cette UDLS a en charge quelque 500 malades, soit 4,8 pour cent de la prévalence nationale estimée en 2009 à 3,2 pour cent, selon le gouvernement.

A sa sortie à la fin de 2009, le film avait été tiré à 1.000 exemplaires (DVD). "Ce n’était pas suffisant, mais nous l’avons fait avec les moyens qu’on avait. Et c’est au niveau de la promotion que tout a failli", souligne Thierry Maba.

"Le film est bon, mais très mal promu. Le CNLS (Conseil national de lutte contre le SIDA  ) avait pourtant, au départ, accepté de faire ce travail. Je crois qu’il avait oublié que le cinéaste que je suis doit vivre de son métier", explique Alain Nkodia, le réalisateur du film « Une vie positive ».

Contacté par IPS, le CNLS n’a pas voulu faire de commentaire. Il a cependant rappelé qu’il a été partenaire financier de ce film à hauteur de 10.000 dollars. Le CNLS affirme même avoir acheté 100 exemplaires pour ses équipes de terrain. "On n’avait pas de contrat de promotion", lance, dans l’anonymat, un employé du CLNS.

"C’est plus à l’étranger que le film a été distribué. Tous les jours, on nous le demande, et les gens viennent chez nous le regarder à la télé", indique Thierry Maba à IPS.

Finalement, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a accepté de faire la promotion du film, avec plus de 6.000 dollars. "Un deuxième tirage de 1.000 DVD est fait, et nous définissons les axes de distribution. Nous sommes très satisfaits de ce deuxième contrat, et nous souhaitons que ce film soit vendu à quatre dollars", suggère Nkodia.

"Nous avons trouvé ce film très bon, et il entre dans notre mandat de prévention du SIDA  . Nous ferons sa promotion", confirme à IPS, Jean René Kulé, responsable de la communication au bureau du FNUAP à Brazzaville.

*Les noms ont été modifiés pour protéger l’identité des personnes.

imprimer

retour au site