Cinq pistes pour améliorer l’aide humanitaire française

rapport sur "L’évolution de l’action humanitaire dans les situations de crise et post-crise"

Publié le 16 juillet 2010 sur OSIBouaké.org

Youphil - Raphaël Moran - 16/07/2010

Faut-il plus d’argent pour l’humanitaire ? Comment se comporter face aux militaires ? Deux spécialistes font le point sur les défis auxquels sont confrontées les ONG françaises.

Un véritable panorama du secteur de l’humanitaire français. Dans leur rapport sur "L’évolution de l’action humanitaire dans les situations de crise et post-crise" (voir PDF), Benoît Miribel, directeur de la Fondation Mérieux -et ancien directeur d’Action contre la faim- et Alain Boinet, directeur de l’ONG Solidarités dressent une liste de recommandations pour dépoussiérer l’humanitaire français.

Les auteurs du rapport ont remis leur travail au ministre des Affaires Etrangères Bernard Kouchner. A l’automne 2010, il sera présenté aux députés.

Youphil a sélectionné pour vous les 5 points à retenir de ce document de 82 pages.

1.-Définir une feuille de route humanitaire

Les auteurs du rapport regrettent que les interventions humanitaires s’empilent urgence après urgence. Ils proposent donc que soit fixée tous les trois ans une déclaration sur la politique humanitaire de la France, en accord avec le gouvernement, les ONG et l’Union européenne.

Le document indiquerait les zones géographiques et les domaines d’interventions des humanitaires français, et serait soumis aux parlementaires. Conséquence : les moyens financiers suivraient afin d’intervenir avec plus de lisibilité sur les théâtres de post-crise. Cela n’enlèverait évidemment pas la possibilité de réagir en fonction des situations d’urgence.

2.-La question des moyens

Si Alain Boinet et Benoît Miribel se défendent d’avoir écrit "un rapport pour demander plus d’argent", les deux auteurs souhaitent que soit porté à 30 millions d’euros le Fonds humanitaire d’urgence qui finance les opérations des ONG lors des crises. Ce fonds était fixé à 9,1 millions d’euros en 2009, ce qui n’a pas évolué depuis 2001. Ils réclament par ailleurs la mise en place d’un fonds de reconstruction, pour compléter l’aide d’urgence.

Enfin, le rapport pointe la baisse de l’Aide publique au développement (APD). Les auteurs veulent clarifier les montants et les attributions de l’APD afin "d’éviter qu’elle ne soit détournée par les gouvernements corrompus dans les pays destinataires".

3.-Un "label" pour l’humanitaire français

Le scandale de l’Arche de Zoé a lancé le débat sur la certification des ONG. Comment s’y retrouver dans la jungle de toutes les associations ?

L’idée d’un statut européen des ONG avait été lancée par Rama Yade, alors à la tête du secrétariat d’Etat aux Droits de l’Homme. Cette proposition n’était pas du goût de tout le monde. Les auteurs du rapport souhaitent une labellisation des ONG mais ne précisent pas qui la délivrerait et selon quels critères. Ils souhaitent également uniformiser les métiers de l’humanitaire pour "garantir les compétences" dans le secteur.

4.-Sortir de la confusion entre humanitaire et militaire

Comment obtenir la confiance des populations une mitraillette dans une main et un sac de vivres dans l’autre ? Les deux auteurs alertent sur la confusion des genres. "Lorsque les militaires reprennent les armes, les populations civiles amalgament les humanitaires. Et nous pouvons même nous faire accuser d’espionnage", soutient Benoît Miribel.

Si les moyens de l’armée (avions, camions, hélicoptères) sont bienvenus dans les crises sans enjeu politique comme les catastrophes naturelles, le mélange entre humanitaire et militaire peut être préjudiciable sur les zones de conflit. Les auteurs du rapport soulignent qu’ils sont parfois amenés à intervenir dans des zones rebelles, au Darfour notamment, d’où un impératif de neutralité.

5.-Prendre en compte les réfugiés climatiques

Ces dernières années, le nombre de catastrophes naturelles graves est allé croissant. Conséquence : on estime à environ 36 millions le nombre de réfugiés pour cause de catastrophes naturelles en 2008. "Il faudra à un moment prendre en compte le déplacement de populations entières d’îles submergées par la montée des eaux", avertit Benoît Miribel.

Et une question qui en découle : quelle statut accorder à ces "réfugiés climatiques" ? Auront-il le droit d’asile ? Ou seront-ils assimilés à des migrants pour raisons de pauvreté ? Une question très politique que les auteurs du rapport se contentent de soulever sans y répondre.

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