Kenya : Emuhaya et ses pierres qui parlent

De la contamination à l’activisme en passant par le désespoir

Publié le 14 janvier 2010 sur OSIBouaké.org

Emuhaya, 2 décembre 2009 (PLUSNEWS) - Il y a 15 ans, Dan On’gayi fut le premier habitant d’Emuhaya, un village situé dans l’ouest du Kenya, à révéler publiquement sa séropositivité. A l’époque, la réaction de sa collectivité fut si cinglante qu’il avait envisagé de mettre fin à ses jours. On'gayi devant une "pierre qui parle" « A l’église, je m’asseyais sur mon banc et personne n’osait me saluer, mes enfants étaient traumatisés et ma femme vivait recluse, et ce, à cause de ma séropositivité », a-t-il confié. « Je pensais que mourir valait mieux que continuer de vivre ».

Six ans plus tard, afin de protester contre les mauvais traitements infligés de manière continue aux membres de sa famille, M. On’gayi creusa une tombe et invita la communauté à le regarder enterrer vivants les membres de sa famille.

« J’avais construit un cercueil et creusé une grande tombe afin d’y enterrer tous les membres de ma famille, car j’avais le sentiment que la discrimination dont ils étaient victimes étaient trop difficile à supporter », a-t-il déclaré.

Des membres du gouvernement local ont eu vent de son projet et sont intervenus, en l’orientant vers un conseiller.

« Après avoir suivi des séances de conseil, j’ai brûlé le cercueil et j’ai placé un gros rocher sur la tombe, sur lequel j’ai écrit des messages sur le VIH   et sur la manière dont les gens pouvaient vivre positivement avec la maladie », a-t-il expliqué.

Aujourd’hui, on peut trouver des roches de M. On’gay à travers tout le village et lire des messages écrits à la fois en langue locale (luhya) et en anglais.

« La discrimination et la stigmatisation tuent plus rapidement que le VIH   », peut-on lire sur une pierre. « L’allaitement exclusif est bon pour votre bébé quand vous avez le VIH   » est inscrit sur un autre rocher.

« Je me suis rendu compte que la seule manière de mettre un terme à la stigmatisation était de la combattre moi-même. En écrivant sur les rochers, je permets aux gens de lire des messages sur le VIH   et d’en apprendre plus sur la maladie », a-t-il poursuivi. « Les personnes qui me craignaient à l’époque me considèrent aujourd’hui comme un professeur et une source d’information ».

Sa mission consiste à transformer la communauté afin que personne ne subisse le même traumatisme que celui que sa famille et lui ont connu lorsqu’il a appris sa séropositivité.

« J’ai réalisé que les personnes souhaitaient obtenir des services VIH  , mais que la stigmatisation et la discrimination les en dissuadaient », a-t-il rappelé. « Les gens vous disent qu’ils savent qu’ils ont le VIH  , mais ils craignent de faire la queue pour aller retirer leurs médicaments, car une personne peut les reconnaître »

Lorsqu’il n’écrit pas sur les rochers, M. On’gay s’occupe d’un petit jardin d’ornement, ce qui lui permet de gagner de l’argent pour acheter de la peinture.

« Ces fleurs symbolisent également la vie et le besoin de prendre soin d’autrui », a-t-il conclu. « Lorsqu’elles éclosent, je sais que la vie continue non seulement pour moi, mais aussi pour les autres ».

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