Dette : les gouvernements africains dos au mur

La dette de 18 pays africains annulée par le G8

Publié le 16 juin 2005 sur OSIBouaké.org

Le Pays (Ouagadougou)

ÉDITORIAL - 14 Juin 2005

Dix-huit Etats les plus pauvres au monde dont 14 africains, sont depuis samedi 11 juin dernier, exempts de tout paiement de leur dette vis-à-vis du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale (BM) et de la Banque africaine de développement (BAD).

C’est la conclusion de la rencontre à Londres des ministres des finances des huit pays les plus industrialisés du monde (G8). Celle-ci s’inscrivait dans le cadre de la préparation du sommet du G8 qui se tiendra du 6 au 8 juillet prochain à Gleaneagle, en Ecosse.

Du côté de l’Afrique, principale bénéficiaire de cette exonération de remboursement de cette dette avec 14 pays dont le Burkina, l’on ne note pas beaucoup de réactions officielles de la part des Etats. Mise à part la Zambie où le ministre des Finances NG’andu Magande a commenté l’événement en disant qu’il s’agissait là d’une "décision importante" qui aidera à l’amélioration de la vie des Zambiens, des déclarations émanant des responsables des pays touchés par la mesure se font toujours attendre. Une attitude quelque peu paradoxale en ce sens que le paiement de la dette a pendant longtemps été un argument de choix pour les gouvernements africains pour justifier les difficultés économiques de leurs Etats.

Maintenant que cette dette est annulée, cela devrait normalement susciter plus de réactions d’enthousiasme chez ces dirigeants. Au lieu de cela, c’est leur prudence que l’on constate. Cet accueil timide à la suppression de la dette en Afrique n’est pas anodin, surtout quand on sait que la plupart des Etats du continent sont confrontés à des problèmes de trésorerie et qu’ils éprouvent parfois des difficultés à payer les salaires des agents publics. Cette attitude peut s’expliquer par un certain nombre de motifs.

Le doute sur l’impact réel de l’annulation de leur dette pourrait être la première raison. D’abord il y a le fait que cette décision ne signifie pas que les caisses des Etats en question vont recevoir de l’argent frais des institutions financières internationales sus-citées. Ensuite, il y a le fait que les pays développés n’agissent que lorsque leurs intérêts sont en jeu. Les gouvernements africains craignent, peut-être, qu’à travers cet effacement de la dette, les pays industrialisés ne récupèrent d’une main ce qu’ils ont gracieusement offert de l’autre, cela en dépit des dénégations selon lesquelles le manque à gagner des Etats occidentaux sera compensé par les institutions financières parties prenantes.

A ce niveau, si c’est cela qui justifie cette attitude attentiste et prudente des gouvernements africains, ils peuvent d’ores et déjà compter sur certaines organisations non gouvernementales (ONG) du Nord, qui semblent ne pas voir d’un bon oeil cette annulation de dette des pays pauvres. Car, ces ONG auraient plutôt préféré à la place de cet effacement de créances, des aides aux Etats, basées sur le système des 3C, c’est-à-dire conditionner, contractualiser et contrôler. Cette méthode offre, selon ces organisations plus de garanties en termes de résultats concrets et d’amélioration des conditions de vie des populations.

La seconde raison de l’attitude des gouvernants des Etats africains, pourrait tenir aux responsabilités que l’annulation de la dette implique pour eux. Les fonds ainsi dégagés par cette opération ne venant pas d’ailleurs, ils doivent d’abord travailler à les réunir avant d’en jouir ; ne pouvant plus s’abriter derrière le paiement de cette dette pour justifier leur incapacité à assurer les besoins élémentaires des populations les gouvernants ont le dos au mur et seront obligés de jeter les masques. Ils sont en quelque sorte pris dans leur propre piège puisque l’argument de la dette ne prévaudra plus.

En tout état de cause, cette manne supposée ou réelle qu’entraîne l’annulation de la dette doit servir à quelque chose de positif pour le bien-être des populations de ces Etats. Mieux, elle doit contribuer à se départir de l’aide occidentale. Ne dit-on pas que la finalité de l’aide, c’est la fin de l’aide ? Ce qui signifie la nécessité d’instaurer la bonne gouvernance et de lutter contre la corruption qui gangrène la vie socio-économique des pays.

imprimer

retour au site