Ippigusugiusavik : une maison pour ceux qui ne marchent plus seuls

Une maison posée en bord de plage. La rivière Koksoak s’étire au sud de Kuujjuaq au Quebec. Harry, Laz et Sanak fument sous le porche. Tout les trois résident à l’« Ippigusugiusavik », les appartements thérapeutiques de la ville.

Publié le 17 décembre 2009 sur OSIBouaké.org

24 septembre 2009 - Regards sur la folie - par Laure Gruel et Stéphane Moiroux

Délires, replis, hallucinations et autres étrangetés sont d’ordinaire bien tolérés par la communauté Inuit. Celui qui en souffre est accepté comme les autres et reste vivre dans sa famille. Le symptôme -pour utiliser un terme occidental- est pensé comme temporaire et non intrinsèque à la personnalité de celui qui le présente. En fait, le langage inuktitut n’a pas développé de système classificatoire des troubles mentaux. Pas d’étiquetage, ou de diagnostic -toujours selon nos termes.

Cependant, lorsque les aidants naturels se sentent épuisés, ou en danger, le service médico-social devient une ressource essentielle. On lui confie ces individus considérés comme des menaces au bien-être de la communauté. Ceux-ci peuvent être rejetés, voire bannis de leur village. Kuujjuaq, décrite par les prospectus touristiques comme une porte d’entrée du Nunavik devient alors une pratique porte de sortie, un point de chute pour ces exclus.

La régie de la santé et l’office d’habitation Kativik ont créé des appartements pour loger ces personnes échouées. Harry a été exclu de son village, Sanak a été retrouvé à Montréal, à la rue, Laz reste là le temps de stabiliser son comportement. Conçue au départ pour un accueil temporaire, cette maison est devenue un lieu d’hébergement définitif pour cinq des sept personnes y résidant.

Aujourd’hui, Jacques Bertrand, le nouveau directeur, essaie de favoriser une réinsertion dans la ville de Kuujjuaq lorsque les tentatives de réintegration dans la famille ont achoppé. « Mon rôle auprès d’eux est de les aider à identifier et développer ce qu’ils aiment faire ; puis leur permettre d’utiliser cet intérêt, et les compétences liées, au service de la communauté. »

Laz éteind sa clope, rentre dans l’appartement, s’allonge sur le canapé, serre contre lui un gros coussin, se relève et ressort allumer une cigarette pendant qu’Harry retape son CV avec la travailleuse sociale.

Les auteurs : Laure Gruel et Stéphane Moiroux ont été sélectionnés comme coup de coeur pour la bourse PJA, pour leur projet intitulé "Regards sur la Folie". Ils sont partis à la rencontre de quatre communautés amérindiennes, du Nunavik à l’Amazonie, et souhaitent interroger les perceptions de la « folie » et ses traitements. En parallèle, ils extrapolerons sur le quotidien de ces communautés... Un espace personnel leur sera bientôt dédié sur ce site.

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